de mai 2004 |
MICHELIN |
Jean-Luc Rabanel La Chassagnette [Arles - 13] |
Electron libre de la gastronomie française, Jean-Luc Rabanel s'est installé au cur de la Camargue sauvage pour y décliner une cuisine proche de la nature, en piochant dans son propre potager. Et, première mondiale, son restaurant bio décroche 1 étoile Michelin :
"La haute cuisine bio existe" enfin, clame le chef !
Arriver au bio, "ça se mérite" commente Jean-Luc Rabanel. |
Cette
étoile, c'est une première mondiale pour un établissement bio, on est ravi, c'est hyper
encourageant, car c'était un pari on ne peut plus culotté ! Ça veut dire qu'on peut se
lancer dans plusieurs styles de restauration. Etant consultant sur d'autres
établissements qui ont également été récompensés, c'est cohérent, ça veut dire
qu'on sanctionne une griffe, une signature, la patte est là, pour moi, c'est génial. Les
clients viennent et, en plus, les guides nous soutiennent. Il y a quelques mois déjà,
les réservations étaient bouclées 15 jours à l'avance. Le jour de l'annonce des
résultats du Michelin, on a eu 400 coups de téléphone ! On a rouvert le 11 mars,
et on est complet je ne sais pas combien de temps à l'avance, mais bien sûr, la table
des amis est toujours à disposition. On se doit de limiter notre nombre de couverts, mais
on va augmenter de 5 à 10 clients par service. Ici, les repères sont différents de la
restauration classique", explique Jean-Luc Rabanel. De repères, il n'est
d'ailleurs plus question. La Chassagnette n'a pas d'adresse. Seule indication sur la carte
de visite : "En pleine Camargue". Ça vous pose le décor. Quelque part
entre Arles et Salin-de-Giraud, au bord de la D36, juste avant Le Sambuc, apparaît
finalement un panneau bleu délavé, comme s'il avait toujours été là, indiquant La
Chassagnette. Jean-Luc Rabanel ne tient pas aux étiquettes, ni aux panneaux d'indication.
"Personne ne passe ici par hasard. Si les gens arrivent sur cette route, c'est
qu'ils viennent nous voir. Après, la route se jette dans la mer... et ce n'est pas une
station balnéaire !"
Au cur du parc naturel régional de Camargue, au milieu des taureaux, du riz,
des chevaux, entre les flamands roses et les marais salants, un paysage immortalisé par
Van Gogh, baigné d'une lumière intense même les jours de pluie, Jean-Luc Rabanel
expérimente une cuisine bio d'exception. Dans cette ancienne bergerie qu'il exploite en
association ("Ici, on n'achète pas, on ne construit pas"), ce laborantin
de l'authentique fait redécouvrir le goût à ceux qui passent. Arriver au bio, "ça
se mérite", commente le chef. Un univers souvent traité de farfelu,
représenté par des babas cool utopistes, et qui n'a pas forcément bonne presse.
Jean-Luc Rabanel, lui, élève le bio au rang de la gastronomie. Son chemin à lui, pour
arriver au bio, est une suite de rencontres, de "cooptations culturelles".
Né à la ferme, Jean-Luc Rabanel revendique une "culture paysanne très marquée"
et en a gardé le sens... du bon sens. "Le bio permet de rencontrer des gens
intellectuellement sains, pas faux", ajoute-t-il. Une démarche qu'il qualifie de
presque spirituelle, un besoin de s'écarter du monde pour retrouver ses racines, de se
détacher de la sophistication pour revenir à l'essentiel.
Aux portes du mas
La Chassagnette, plus qu'un restaurant, est un lieu où l'on passe, souvent
plus longtemps que prévu. Entouré d'un jardin bio dans lequel tout pousse ou presque et
qui nourrit littéralement le lieu. Derrière les portes du mas, le temps s'arrête, on
est happé par une douceur de vivre, et on a envie de savourer l'instant. "Déjà,
le mot 'restaurant' m'embête un peu : les gens viennent à 11 heures, ils se baladent
dans le jardin-potager et sont encore là à 17 h 30, ils font durer l'instant. C'est un
endroit où aucun service n'est pareil à l'autre. Le midi, on pique-nique dehors de
poissons minute et de salades d'herbes. Le soir, la cuisine se réchauffe, on déguste des
plateaux de tapas, et on rentre vers 21 heures pour un carré d'agneau rôti au four, un
chapon, une épaule confite pendant 72 heures... Il n'y a rien d'écrit, c'est pour ça
qu'on s'amuse, il n'y a rien de calculé, je ne suis pas un acteur." La
Chassagnette, malgré sa localisation discrète, est devenue en quelques mois l'un des
endroits les plus courus de la région, avec une clientèle internationale. Et si la
formule marche, c'est peut-être parce que le patron se fait plaisir. "Je retrouve
l'essence de notre métier. L'aubergiste-cuisinier, j'en ai fait un concept. Il n'y a pas
de carte, on ne sait pas ce qu'on va manger. Après tout, quand on est invité chez des
amis, on ne pose pas la question à l'avance. J'ai toujours travaillé dans des endroits
reculés, proches de la nature. Je voulais montrer qu'on peut faire de la haute
gastronomie bio avec autre chose que du tofu et des germes de blé. On peut trouver
d'excellents vins bios, au moins aussi bons gustativement. A la différence que le bio
entretient la vie et ne donne pas la mort, et que les particules chimiques sont
remplacées par des protéines, du fer, etc. Je prépare une sorte de pain bio par jour.
Si je fais une cuisine bio, c'est parce que l'aliment a un meilleur goût et qu'en plus
c'est un alicament. Je ne vais jamais chez le médecin. Si cette méthode me plaît sur le
plan gustatif et intellectuel et qu'il me fait du bien, je ne vois pas pourquoi je m'en
priverais..." Et les clients non plus ! <
Katia Kulawick zzz22i
La Chassagnette
Route du Sambuc
13200 Arles
Tél. : 04 90 97 26 96
www.lachassagnette.com
Couverts
40 par service
Capacité
180 personnes en location
Prix
menus
37 e à midi, 60 e le soir pour environ 15 plats façon tapas
(quantité variable selon les produits et les saisons)
Ticket
moyen
85 e
CA
Multiplié par 3,5 depuis l'ouverture
Effectif
10 personnes environ à partir de cette année
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L'Hôtellerie Restauration n° 2871 Magazine 6 mai 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE