En votre qualité d'employeur, vous êtes tenu à une obligation de sécurité qui vous impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de vos salariés (article L.4121-1 du code du travail). Vous devez notamment faire respecter les prescriptions du code du travail en matière de consommation d'alcool dans l'entreprise.
La loi prévoit notamment qu'aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail (art. R.4228-20).Cette disposition - qui peut sembler incompatible avec la profession des cafés restaurants, qui ont vocation à vendre des boissons alcoolisées -, vient préciser que la consommation d'alcool par les salariés sur le lieu de travail, si elle est autorisée, doit être limité à ces catégories de boissons.
Vous pouvez néanmoins aller au-delà de cette disposition législative en prévoyant dans le règlement intérieur de votre établissement l'interdiction de consommer toute boisson alcoolisée dans votre entreprise. Un salarié qui passerait outre cette interdiction commettrait une faute dont la sanction peut aller jusqu'au licenciement.
En outre, l'employeur ne peut laisser entrer ou séjourner des personnes en état d'ivresse dans l'entreprise (art. R.4228-21). Dans ce cas, lorsque un salarié se présente ivre au travail ou lorsqu'il est surpris en état d'ébriété pendant la journée, vous devez lui faire immédiatement quitter son poste de travail, puis le mettre au repos en attendant de le faire raccompagner chez lui. Ne laissez jamais un salarié en état d'ébriété repartir seul.
Contrôler et prouver la consommation d'alcool : un casse-tête
La difficulté est souvent de démontrer l'état alcoolique d'un salarié sur son lieu de travail. À cette fin, vous ne pouvez procéder au contrôle de l'imprégnation alcoolique de l'un de vos salariés qu'à condition que le recours à un tel contrôle soit prévu dans le règlement intérieur, que les modalités de contrôle permettent la contestation du contrôle par le salarié (le salarié doit pouvoir demander une contre-expertise ou un second test) et que, compte tenu de la nature du travail confié au salarié, son état puisse exposer les personnes ou les biens à un danger (par exemple en raison de la configuration des lieux).
À défaut de satisfaire aux conditions de recours à l'alcootest, vous ne pourrez pas vous prévaloir du résultat du contrôle pour justifier une éventuelle sanction disciplinaire. A contrario, si ces conditions sont réunies, vous pourrez, par ce contrôle positif, justifier une sanction disciplinaire, et notamment un licenciement pour faute, voire pour faute grave.
Si vous ne disposez pas d'un test positif valablement réalisé, vous avez tout intérêt à recueillir suffisamment de preuves pour pouvoir prouver l'état d'ébriété de votre salarié :
• vidéosurveillance : vous pouvez utiliser les bandes de vidéosurveillance attestant que le salarié a consommé de l'alcool à condition, bien entendu, que la mise en place de système de vidéosurveillance réponde à plusieurs conditions telles que la déclaration à la Cnil ;
• fouilles : il ne vous est possible de procéder à la fouille d'un salarié que pour des raisons de sécurité collective. Ainsi, si vous soupçonnez un salarié de détention d'alcool, vous ne pouvez procéder à la fouille de son vestiaire que dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur, et en présence de l'intéressé ;
• témoignages : vous pouvez également recueillir les témoignages de personnes (clients, collègues, managers...) ayant constaté la consommation d'alcool de votre salarié ou son état d'ébriété manifeste. Dans ce dernier cas, ce mode de preuve peut avoir une efficacité réduite dans la mesure où l'appréciation de l'état d'ébriété est souvent subjective ;
• forces de l'ordre : vous pouvez enfin demander aux services de police ou de gendarmerie de venir constater le niveau d'alcoolémie d'un salarié. Mais encore faut-il que ces autorités acceptent de se déplacer dans votre établissement.
Déterminer une sanction proportionnée à la faute
Vous ne pouvez pas sanctionner en lui-même l'alcoolisme du salarié. Cela relève de son état de santé. En revanche, l'ivresse du salarié ou la consommation d'alcool pendant le temps de travail peuvent constituer des motifs légitimes de licenciement dans la mesure où un salarié en état d'ébriété ne peut pas exercer correctement son travail.
Comme toujours, la sanction devra être proportionnée à la faute. Vous devrez ainsi tenir compte des circonstances, des fonctions et de l'ancienneté de votre salarié afin de déterminer la sanction la plus adaptée.
La position des juges
Tenant compte des circonstances et de l'ancienneté du salarié, les tribunaux ont pris les positions suivantes :
• État d'ébriété manifesté par des hurlements et des injures sur le lieu de travail et grossièreté à l'égard d'un fournisseur.
- Cause réelle et sérieuse de licenciement : oui (Cass soc, 17 octobre 1979, n° 78-41010).
• Salarié ayant consommé modérément des boissons alcoolisées lors d'un 'pot' non autorisé par l'employeur après dix ans d'ancienneté irréprochables.
- Cause réelle et sérieuse de licenciement : non (Cass soc, 15 décembre 2011, n° 10-22712).
• Directeur d'agence qui se trouvait régulièrement sur son lieu de travail en état d'ébriété après le déjeuner, ce qui risquait de ternir durablement l'image de l'entreprise.
- Faute grave : oui (Cass soc, 9 février 2012 n° 10-19496).
Publié par Juliette Pappo (avocate au barreau de Paris)