Ceux qui étaient venus à l'assemblée générale des actionnaires d'Accor, jeudi 25 avril, pour avoir des explications sur l'éviction de Denis Hennequin de la présidence du groupe, décidée deux jours plus tôt, en auront été pour leurs frais. Le discours officiel s'en est tenu aux grandes lignes du communiqué de presse parlant essentiellement d'une divergence de "cap, des priorités et de la cadence à laquelle mettre en oeuvre les priorités", selon Philippe Citerne, nouveau président exécutif. Une affirmation surprenante alors que les résultats du groupe pour 2012 et le montant des dividendes, en hausse de 17 %, sont conformes voire meilleurs que les prévisions initiales.
La confusion était réelle chez les actionnaires présents. Difficile en effet d'interpréter l'éviction d'un p.-d.g. dont on vante les résultats "en ligne avec les objectifs", ou encore "solides pour l'année 2012", avec un asset management maîtrisé selon le ratio de 40 % d'hôtels managés, 40 % d'hôtels franchisés et 20 % d'hôtels en filiales et un développement en ligne conforme aux attentes, avec plus de 35 000 chambres ouvertes. Le rachat de certains groupes stratégiques, comme Mirvac en Australie ou Pousadas en Amérique Latine, la restructuration annoncée de 800 hôtels d'ici à 2016, et des cessions d'actifs qui permettent une réduction substantielle de la dette nette retraitée plaidaient également en faveur de Denis Hennequin.
Une nouvelle priorité : le numérique
Enfin, comment ne pas être étonné davantage en entendant Yann Caillère, le nouveau directeur général, parler d'une nouvelle stratégie identique à la précédente, à ceci près que le 'digital' (numérique) devient cette fois la priorité numéro 1 du groupe. Accor semble accuser un retard dans sa politique numérique, qui ne représente encore que 30 % des ventes, alors que les objectifs ont été fixés à 50 % en 2016. Reste à trouver les moyens pour atteindre ce but. La distribution est un département qui a peu bénéficié des crédits alloués pour les investissements. Yann Caillère en est bien conscient : "Il faut augmenter nos investissements dans ce domaine. Ils doivent passer à 120 M€ d'ici à 2016, pour nous permettre d'augmenter l'achat de mots-clés, d'améliorer notre référencement, de réaliser des campagnes de publicité sur internet, par exemple." Une politique de distribution évidemment indispensable mais qui ne semblait pas prioritaire il y a encore un an. Normal, explique Sébastien Bazin, nouveau vice-président du groupe : "Nous avons fait réaliser un audit en fin d'année dernière, ce qui nous a conduits à faire nos propres recommandations."
Un problème de gouvernance chez Accor ?
Pour autant, fallait-il limoger le président actuel au motif qu'il avait vraisemblablement choisi de poursuivre sa propre stratégie, en privilégiant le développement et la modification du modèle économique d'Accor, quitte à repousser la politique numérique ? Alors que l'hôtellerie est un secteur où les délais sont longs entre les décisions et les réalisations, comment reprocher à un dirigeant de poursuivre sa stratégie ? Et s'il s'agit d'une erreur de casting, pourquoi avoir attendu deux ans avant d'intervenir ? Le groupe Accor aurait-il un problème de gouvernance ? Après les deux présidents-fondateurs, Jean-Marc Espalioux, premier président nommé, est resté huit ans à son poste ; Gilles Pélisson, son successeur, cinq ans ; et Denis Hennequin, deux ans seulement. Les délais qui se raccourcissent traduisent-ils une vision à court terme ? Ces préoccupations sont en tout cas partagées par les salariés, qui mettent en cause, par la voix de leur comité d'entreprise, "le plan de départ de volontaires de 172 personnes au siège, représentant 10 % des effectifs, alors que la croissance du groupe est à deux chiffres", ou faisant mention du "coup d'État d'actionnaires qui n'ont que 21 % des parts." Notons toutefois que la décision a été prise à l'unanimité du conseil d'administration.
Ces interrogations n'ont pas été sans impact sur les marchés boursiers. La valeur des titres Accor a baissé de 4 % en deux jours. Un signal fort pour les deux fonds d'investissement Colony Capital et Eurazeo, détenteurs à eux deux de plus de 30 % des droits de vote au conseil d'administration du groupe, qui paraissent davantage préoccupés par le cours de la Bourse que le RevPAR des hôtels.
Publié par X. S.