Les 23 et 24 mars derniers, Ana Roš assurait la présidence d’honneur des Bocuse d’or Europe. L’occasion de revenir sur le parcours et la philosophie culinaire d’une cheffe qui a décroché deux étoiles d’un coup, en 2020, pour son restaurant Hiša Franko, à Kobarid, petite ville slovène située à dix kilomètres de la frontière italienne. Celle qui a décrit sa toute récente mission au Bocuse d’or Europe comme “un très grand honneur, surtout pour quelqu’un qui est autodidacte”, raconte les challenges qu’elle a rencontrés lors des deux jours de la compétition culinaire : “Juger n’était pas simple. Je ne pourrais jamais travailler comme inspecteur Michelin, car il est très difficile de laisser de côté ses propres prismes culturels” lors de l’évaluation d’une cuisine, nous a-t-elle confié.
Puis d’ajouter : “Cette expérience était à la fois un challenge, mais aussi quelque chose de complètement nouveau pour moi. Il y avait dix-huit équipes de quatre personnes à juger, ce qui représentait beaucoup de travail… et beaucoup de plats à goûter !” Le fait d’avoir été nommée présidente d’honneur de cette compétition lui a paru confirmer une certaine évolution dans la façon dont l’époque voit la cuisine : “le Bocuse d’or est un univers de grands chefs ; mon style à moi est un peu différent. M’avoir confié la présidence de cet événement, c’est un message qui consiste à dire que le monde de la gastronomie n’est pas ‘un’, mais qu’il y a de nombreuses manières de s’exprimer culinairement.” En d’autres termes, les lignes bougent, et la notion de ‘grande cuisine’ aussi, “surtout ces dernières années. Il est désormais autorisé d’avoir sa propre identité en cuisine, ce que je trouve très intéressant et important. En France par exemple, on trouve des restaurants gastronomiques classiques, mais on trouve aussi des tables plus personnelles, où le chef donne son propre twist. Ce genre de tables est plus accepté aujourd’hui, aussi bien par les critiques que par les clients. C’est un grand pas franchi en cuisine. Il y a davantage de diversité.”
Hiša Franko
Dans son restaurant environné de nature, situé à la montagne et d’où l’on aperçoit la mer, Ana Roš se fait le chantre d’une cuisine verte, saisonnière, mais aussi “très personnelle, très authentique, très légère, et féminine”. Le caractère écoresponsable du restaurant Hiša Franko a été récompensé par le guide Michelin, qui lui a attribué une étoile verte. La cheffe n’achète en effet qu’aux producteurs locaux, et signe une cuisine zéro déchet, au plus près de la saisonnalité. Les vins ont eux aussi été sélectionnés en fonction de leur écoresponsabilité et la cave rassemble des étiquettes nature et biodynamiques. Du point de vue technique, Ana Roš brasse large et varie les options, tandis que, côté saveurs, sa cuisine se distingue, dit-elle, par son usage extensif des épices, conformément à la tradition culinaire slovène.
Quant à l’équipe du restaurant, elle se compose de quarante personnes, respecte une parité femme/homme presque absolue, et fonctionne selon “une organisation assez classique” dans laquelle la cheffe est en charge de la partie créative. “Un plat est mis au menu une fois qu’il a été approuvé par moi, par mon chef de cuisine et par mes sous-chefs”, détaille-t-elle. Côté clients, la majorité d’entre eux sont belges, néerlandais, autrichiens et allemands. Il y a également des Hongrois et des Croates et, de mai à octobre, des clients américains, venus pour la belle saison. “L’équipe aussi est très internationale”, complète Ana Roš, qui parle plusieurs langues. “En tout, nous avons vingt-deux nationalités dans nos rangs.” L’atmosphère familiale et chaleureuse des lieux complète l’expérience, qui a pour cadre la vallée de la Soča.
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Publié par Anastasia CHELINI