Cette démarche, qui concerne plusieurs dizaines d'établissements en France, paraît pour le moins radicale. C'est le problème des doublons, des confusions multiples, notamment sur internet, qui a conduit l'établissement montmartrois à agir. L'établissement porte ce nom depuis 1927 et a déposé cette appellation à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) en 2004. Pour ses propriétaires, il existe un préjudice à voir d'autres restaurants, à Paris ou en province, porter le même nom sans qu'il soit protégé car cela représente "une violation de ses ressources", comme le confie le sous-directeur de la Bonne Franquette.
On peut comprendre que les confusions nombreuses dans les commentaires sur des sites d'avis tels que Tripadvisor entre ces différents établissements homonymes pousse le propriétaire à agir. Mais de là à menacer de poursuites une guinguette de plage héraultaise dont ni la clientèle ni les menus sont en rapport avec lui, il y a une marge peut-être un peu trop grande à franchir. Le restaurant montmartrois a lancé ces sommations tous azimuts en suivant les avis d'un cabinet de conseil en propriété industrielle, Markplus International, afin de préserver son patrimoine de marque déposée.
Pas d'obligations d'agir
Sur le plan du droit, ces sommations sont certes menaçantes mais n'entraînent pas d'obligations d'agir pour les restaurateurs. Si le nom en cause a bien été déposée il y a huit ans, il n'en demeure pas moins qu'il est ô combien fréquent et que les tribunaux reconnaissent la contrefaçon de la marque déposée lorsque l'établissement est situé dans le même périmètre et s'adresse au même public. Or, entre le restaurant de plage du sud de la France et le restaurant parisien, les différences sont grandes…
Lorsqu'on ouvre un établissement, il est d'usage de se renseigner auprès de l'INPI pour savoir si le nom choisi est déjà porté par d'autres établissements, où ils se situent et de quelle nature ils sont. Cela permet de déposer un nom original si on le souhaite et de savoir à quoi on s'expose en cas de doublon.
Juridiquement, c'est le nom déposé en premier à l'INPI qui prime. La jurisprudence aura tendance à sanctionner des établissements qui ont choisi un nom destiné à semer le doute dans l'esprit du consommateur, à créer une confusion. Sachant cela, il convient de garder à l'esprit que bien des noms sont communs. Les difficultés se multiplient sur internet et il s'agit de bien surveiller les cas où votre établissement serait confondu avec un autre afin de demander aux sites de corriger les erreurs commises. Une fois encore,internet peut être l'arbitre de votre situation, il vous faut donc en faire un allié.
Publié par Lucie Bruneau, avocat à la Cour, SAIDJI&MOREAU