L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisiniers ?
Nadia Santini : Pendant mes études de sciences politiques, j'ai rencontré mon mari Antonio. Nous avons pris conscience, grâce à Fernand Braudel [historien français, NDLR], du lien logique entre le savoir-faire de la nourriture et le respect pour la vie et la nature. La cuisine est la source du bonheur, de la convivialité et on peut y découvrir la force, le caractère et la culture d'un pays. Les parents d'Antonio avaient une trattoria à la campagne. Nous avons découvert le travail de différents chefs italiens et français. De retour chez nous, nous voulions faire comme eux. Tout a alors commencé.
Giovanni Santini : La cuisine était pour nous un lieu de vie quand nous étions enfants, et pour moi, c'était un jeu. J'y retrouvais ma mère et ma grand-mère paternelle. Ensuite, j'ai suivi mon instinct, je suis un homme de la campagne. Plutôt qu'une école hôtelière, j'ai choisi un parcours différent, des études de sciences et technologie alimentaires à l'université. Cela m'a permis d'étudier la biologie, la reproduction animale, la production agricole… Cela m'a donné confiance et, en parallèle, je travaillais en cuisine au Dal Pescatore. J'ai trouvé ma place naturellement.
Que représente la cuisine française pour vous ?
Nadia Santini : La cuisine française représente la 'référence' du style dans le monde entier. La cuisine est culture et fruit de l'évolution d'un peuple, de l'expression de son goût, de ses valeurs et de son esthétique. Au début de la vie, à l'école, on apprend à parler, penser, lire, écrire en étudiant les classiques de la littérature : Dante, Machiavel, Molière, Racine… chacun forme son esprit et son style. En Italie, on dit que si on souhaite devenir un grand mécanicien, il faut aller chez Ferrari pour s'enquérir du meilleur, pour prendre conscience de ce qu'est la profession. Car c'est elle qui devient un projet de vie. Ce sont les exemples autour de nous qui nous font comprendre la force de la passion et son origine. Dans notre quête du savoir-faire, nous sommes allés chez Bocuse, Troisgros, Haeberlin, Vergé, Blanc, Guérard, Veyrat… Ils nous ont fait connaître le bonheur qu'on peut donner grâce à la cuisine et que l'on peut apprécier à table partout dans le monde. La beauté d'être acteur de notre vie et pas seulement spectateur, dans cette profession qui lie avec un enthousiasme magique une génération à l'autre. Grâce à la cuisine, on peut découvrir l'énergie de la planète.
Quels sont les guides gastronomiques les plus importants pour les professionnels italiens ?
Giovanni Santini : D'abord le guide Michelin qui change vraiment la vie d'un restaurant. Il y a aussi L'Espresso, Gambero Rosso, Bibenda, Identita Golose, Touring Club… Il y a beaucoup de guides, mais chacun a un esprit particulier. Internet a évidemment pris de l'importance. Tripadvisor existe aussi en Italie.
Votre grand plat classique favori ?
Nadia Santini : Les déclinaisons de pâtes dans toutes les régions italiennes en fonction des produits autochtones. C'est toujours une découverte !
Giovanni Santini : La pizza. Quand tu dis à un enfant que l'on va manger de la pizza, c'est la fête !
Votre plat best-seller ?
Nadia Santini : Tortelli di zucca [Tortelli de potiron]. Dans la région, toutes les mères ont transmis ce plat qui tire ses racines de la Renaissance. Je m'en suis inspirée.
Votre plat préféré à la carte ?
Nadia Santini : La compote de tomates, aubergines et fleurs de basilic. Je la sers à tous en début de repas. C'est frais. Cela donne envie de faire le 'repas de la vie'.
Giovanni Santini : L'anguille frite puis marinée au moins 24 heures dans un mélange composé de 50 % de vinaigre et 50 % de vin blanc. Ce plat me rappelle mon grand-père qui m'emmenait à la pêche.
Votre repas le plus éblouissant en France ?
Nadia Santini : Le dîner de gala chez Gérard Boyer, à Reims, à l'occasion de notre entrée dans l'association Tradition et Qualité, rebaptisée aujourd'hui Les Grandes Tables du monde, fut un très grand moment. Même émotion lors de notre entrée aux Relais & Châteaux. Mais en France, j'ai vécu avec Antonio et mes fils des moments tellement magiques chez beaucoup d'amis que la liste est trop longue.
À l'étranger ?
Giovanni Santini : En 2001, à Tokyo, avec Michel Troisgros, nous sommes allés dans un sushi-bar qui reste dans ma mémoire. Il y avait un esprit, un rythme, une atmosphère qui vous porte dans une autre réalité.
Ce qui vous agace le plus ?
Nadia Santini : Avoir si peu de temps pour voyager et goûter la magie de toutes les cuisines du monde.
Giovanni Santini : Le mensonge, comme raconter que l'on est en cuisine tous les jours alors que ce n'est pas vrai. La fausse humilité également.
Le plus beau compliment ?
Nadia Santini : Paul Bocuse, de passage chez nous, a dit : "Je ferme les yeux et je sais où je suis."
Le secret de la réussite ?
Nadia Santini : Ne jamais s'arrêter de considérer notre profession comme un nouvel humanisme.
Giovanni Santini : La simplicité et la recherche de la vérité.
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Dal Pescatore en chiffres
Nombre
de couverts : 23
Nombre
de couverts par jour : environ 30
Ticket
moyen : 190 euros
Nombre
de service par semaine : 9
Effectifs
: cuisine : 10 ; salle : 9
Menus : 175 euros
Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine