#Coronavirus : pourquoi les banques n'accordent pas systématiquement le PGE, comment aborder la suite... Le regard de Laurent Benoudiz, président de l'Ordre des Experts-Comptables de Paris IDF

Beaucoup d'entreprises constatent un fossé entre les annonces du Gouvernement et la réalité sur le terrain. Laurent Benoudiz, président de l'Ordre des Experts-Comptables de Paris Ile-de-France, apporte un éclairage pertinent sur la situation actuelle.

Publié le 24 avril 2020 à 17:38

Les CHR sont très inquiets. Votre regard sur ce secteur ?

Pour le moment, la situation est ‘sous cloche’. Les collaborateurs sont au chômage partiel, il n’y a pas de cotisations sociales, la majeure partie des charges courantes est reportée ou en passe de l’être. La réaction des pouvoirs publics a été massive. A ce niveau, l’entreprise peut s’en sortir. La vraie difficulté arrive. Comment va-t-on reprendre et remonter en puissance ? Va-t-on devoir diviser par deux le nombre de couverts ? Quels seront les comportements des consommateurs ? Mon activité va-t-elle me permettre de couvrir les charges ? Comment m’organiser, vais-je pouvoir conserver mon personnel ? Certains établissements vont peut-être faire le choix de rester fermer plus longtemps, jusqu’en septembre par exemple. Comment sortir du confinement et de quelle manière accueillir la clientèle, sachant que tous les établissements n’ont pas les mêmes possibilités ou contraintes ? L’Etat ne peut pas imposer des mesures qui rendent l’entreprise déficitaire. Il va donc falloir mettre en œuvre des mesures spécifiques, sous forme de subventions sans doute. L’annulation des charges fait partie de l’arsenal. Le Gouvernement écoute, il connaît l’importance du secteur et tous les emplois qu’il représente. Les CHR font partie de l’attractivité du Pays. La France ne peut pas se permettre de perdre un tiers de ses CHR.

Comment s’expliquent les retards de remboursement de chômage partiel ?

Nous sommes passés de 80 millions par an à 8 milliards par mois, de quelques demandes par semaine à 1 000 demandes/jour. Jusque-là, la Direccte recevait un mail et le dossier était traité à la main. Les services n’étaient pas prêts quand les nouvelles mesures ont été lancées par le Gouvernement. Nous sommes passés aussi d’un système forfaitaire en fonction d’un nombre d’heures, à un autre calcul, avec des heures multipliées par un taux individuel par salarié. Un nouveau système de traitement a dû être créé en même temps qu’il fallait traiter les demandes. Aujourd’hui, tout est automatisé et à ma connaissance, le système est quasiment réglé mais du retard reste à rattraper. Nous sommes presque à la fin avril et il n’est pas évident que toutes les indemnisations aient été encore versées. On peut aller voir sa banque en justifiant qu’on attend les remboursements et lui demander d’accepter de faire un effort pour financer le paiement des salariés.

Pourquoi les banques n’accordent-elles pas systématiquement le Prêt garanti par l’Etat (PGE) ?

Une banque ne peut pas couvrir si l’entreprise est en difficulté, la loi le lui interdit. La banque pourrait être mise en cause plus tard pour avoir consenti le prêt. Ce n’est pas si simple. Et la garantie de l’Etat n’intervient qu’en dernier recours et non au premier incident de paiement. Ce n’est que lorsque l’entreprise est liquidée que la banque peut alors demander le remboursement à l’Etat. Ce sont les banques qui vont devoir gérer le contentieux. Les banques jouent le jeu pour 85% des clients en bonne santé.

Votre banque vous demande un prévisionnel, est-ce absurde ?

Les banques demandent d’estimer les besoins. Il y a confusion dans les termes. Ce n’est pas un prévisionnel tel qu’on l’entend habituellement mais une prévision des besoins de trésorerie. On ne peut pas s’y soustraire. Il faut arriver à chiffrer ce qu’on aura besoin jusqu’au 15 septembre ou au 15 décembre par exemple, faire la liste des dépenses que l’on va supporter dans les mois qui viennent en fonction des différents paramètres vraisemblables. Dans les dossiers écartés, il y a effectivement beaucoup de non réponses. Les banques ont mis en place une procédure simplifiée quand tous les clignotants sont au vert, mais pour les dossiers plus compliqués, ça remonte dans les étages, avec des analyses de crédits et des appréciations du risque. Et c’est l’embouteillage. Mais c’est très difficile à vivre pour l’entreprise qui n’a plus de trésorerie et qui se sent impuissante face aux échéances. Beaucoup de TPE n’ont malheureusement pas la culture du financement bancaire.

Vous plaidez pour le principe d’une avance remboursable ?

Nous préconisons d’allouer automatiquement, à travers un guichet dédié et pour chaque entreprise ayant essuyé un refus de sa banque, et sur la base d’une attestation d’un expert-comptable, un montant de PGE équivalent à trois mois de charges incluant la rémunération du chef d’entreprise, dans la limite d’un plafond de 50 000 euros. Ce crédit serait remboursable dans les mêmes conditions que le PGE.

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Publié par Sylvie SOUBES



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