Par Christopher Boinet, et Anne Epinat, avocats associés In Extenso Avocats, et Olivier de Lylle, expert-comptable associé - In Extenso Dauphiné Savoie
Dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons avec la crise du Covid-19, outre les mesures sociales et fiscales préconisées par le Gouvernement, le recours au mandataire ad hoc (voire à la conciliation) qui va réunir les créanciers pour instaurer un cadre de négociation structuré et éviter la cessation de paiements est devenu presque indispensable aujourd’hui pour les restaurateurs et hôteliers. 200 000 entreprises ont comme activité principale l’hôtellerie et/ou la restauration : on compte 112 000 restaurants, 39 000 entreprises d’hôtellerie et d’hébergement touristique (source REGIONS JOB 2019).
En effet, le secteur de la restauration est à l’arrêt depuis le 14 mars, ainsi que l’activité de restauration des hôtels. Pour le room service, les plateaux des petits déjeuners doivent désormais être posés exclusivement dans le couloir devant la porte de la chambre. Les hôtels sont invités à suspendre les réservations et à limiter les achats de fournitures, mettre en chômage partiel leurs équipes et à procéder à la fermeture d’étages… avant sans doute la fermeture temporaire complète ou la réquisition.
Le chiffre d’affaires du secteur CHR va s’évaporer, mais pas les charges. Les chiffres d’affaires perdus durant cette période sont quasiment irrattrapables pour de simples raisons de capacité d’accueil des établissements : un couvert de restaurant ou une chambre vide d’hôtel invendus ne peuvent pas être commercialisés le lendemain ou plus tard.
Le mandat ad hoc est une procédure ouverte à toutes les entreprises rencontrant des difficultés financières. Il s’agit d’une opération de prévention, afin d’éviter que l’entreprise ne se retrouve en cessation de paiements. Elle permet au débiteur de réclamer la désignation d’un mandataire ad hoc, auprès du président du tribunal de commerce. Son rôle sera alors de régler les difficultés de l’entreprise à l’amiable, et de manière confidentielle.
Un outil simple et sur mesure
Le recours au mandataire ad hoc (art. L611-3 et R611-18 à R611-20 du code de commerce) est un atout décisif pour le débiteur pour structurer et mener à bien les discussions avec ses créanciers (banques, fournisseurs clés, bailleur, loueur en location-gérance, franchiseur) et auprès de la CCSF pour les dettes de nature fiscale et sociale.
Le mandataire ad hoc est en effet un professionnel, indépendant du créancier et des débiteurs, en général inscrit sur la liste des Administrateurs Judiciaires. Il est rôdé aux techniques de négociation et de prévention des difficultés des entreprises. Il se fait assister le cas échéant par des experts extérieurs à l’entreprise.
La mission du mandataire ad hoc en général vise la négociation avec tous les créanciers de l’entreprise. Par exception, sa mission peut être ciblée pour un endettement particulièrement préoccupant avec un créancier spécifique comme certains fournisseurs, ou le bailleur qui peut faire jouer la clause résolutoire pour une dette de loyer, ou le franchiseur, qui peut mettre un terme à la franchise pour non-paiement des redevances.
Par expérience, dans le cadre des négociations avec les banques, le mandataire ad hoc dispose de plus de marge de manœuvre qu’un médiateur du crédit.
Le débiteur, son expert-comptable, son commissaire aux comptes et/ou son avocat vont naturellement travailler avec diligence en collaboration étroite avec le mandataire ad hoc pour sauver l’entreprise.
Ses avantages
1er avantage : le mandat ad hoc est une procédure ouverte par le tribunal de commerce, de nature préventive, souple, rapide, informelle et surtout confidentielle.
Son objectif est d’instaurer un cadre de négociation entre l’hôtelier/restaurateur et ses créanciers.
On peut soi-même choisir son mandataire ad hoc, en privilégiant par priorité ceux qui sont familiarisés avec le milieu hôtelier et de la restauration, ses fortes contraintes opérationnelles et ses normes d’exploitation spécifiques.
2e avantage : dès sa nomination, le mandataire ad hoc va demander la suspension de l’exigibilité des dettes et mettre le plus rapidement possible l’hôtelier/le restaurateur à l’abri de toute action en paiement ou résolution des contrats (comme par exemple le fournisseur, le franchiseur qui va résilier la franchise et demander la dépose de l’enseigne, ou le banquier qui demandera la déchéance du terme et le paiement de l’intégralité du solde du financement au titre du rachat du fonds ou des FF&E…).
3e avantage : l’intervention d’un mandataire ad hoc est souvent appréciée par les créanciers comme un élément de structuration, et une garantie de sérieux et de crédibilité de l’analyse de la situation économique du débiteur et des propositions d’apurement du passif.
Il en résulte que les créanciers sont enclins à accepter des délais de règlement plus longs que ceux qui auraient été accordés à un débiteur non assisté, ou que ceux prévus limitativement par la loi (art. 1343-5 du code civil).
Ainsi, le coût généré par l’intervention du mandataire ad hoc (art L611-14 du code de commerce) est largement compensé par les avantages obtenus des créanciers et le redressement économique de l’hôtel ou du restaurant.
4e avantage : le mandataire ad hoc est un intervenant privilégié pour les CCSF qui ont pour mission d’examiner la situation des entreprises en retard dans le paiement de leurs dettes fiscales et/ou sociales et de leur accorder des délais de remboursement qui peuvent aller actuellement jusqu’à 36 mois. Dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons, un administrateur judiciaire mandataire ad hoc pourra demander un délai supplémentaire en fonction des capacités de l’entreprise.
Ne pas attendre pour la désignation du mandataire ad hoc
Dans le contexte exceptionnel que nous connaissons avec la crise du Coronavirus, la clé du succès réside dans la rapidité d’introduction de la procédure de désignation, le facteur temps étant déterminant. L’hôtelier/restaurateur va présenter sa demande par requête devant le président du tribunal de commerce du lieu de son exploitation. Il y exposera ses difficultés économiques, documents financiers et comptables à l’appui et justifiera qu’il n’est pas en état de cessation de paiements.
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lundi 30 mars 2020