S'il sait faire partager son expérience et ses goûts personnels, le professionnel de la salle peut donner au client l'envie de le suivre les yeux fermés. Et quelle plus grande satisfaction pour un sommelier, un chef de rang ou un commis de salle de sentir que le client est en confiance et prêt à se laisser guider ? Pour cela, il faut trouver le bon dosage entre la mise en appétit, la relation de confiance et l'expression de ses préférences et de son expérience. Bien sût, il ne s'agit pas de déballer sa vie non plus. L'important est de rester sincère et de trouver ce qui va faire saliver ou convaincre le client pour marquer le moment de sa présence.
En sommellerie
Jonathan Delhasseine, 21 ans, est le plus jeune sommelier responsable du groupe Alain Ducasse. En septembre dernier, il intègre l'équipe du restaurant Allard (Paris, VIe). Pour accompagner le savarin (imbibé de sirop volontairement sans alcool), le jeune homme peut suggérer jusqu'à trois rhums différents, tous de Martinique. Plusieurs cuillerées de crème fouettée sont d'abord dressées devant les yeux du client, puis le sommelier fait son entrée. Il pose les trois bouteilles et commence à décrire le premier rhum, "sucré et vanillé", puis le deuxième, "plus caramélisé" et enfin le troisième, "[s]on préféré, aux arômes de pruneau légèrement tabacé".
Son affirmation s'exprime en toute discrétion, pour le simple plaisir de faire partager ses goûts et sans dénigrer ou amoindrir les autres produits. C'est ce qui fait toute la nuance. Le client qui salive crescendo à la description des trois rhums va opter pour le dernier, celui auquel va la préférence du sommelier. "Pour rassurer le client et mettre le produit en avant, c'est important de donner son point de vue et d'expliquer ce que l'on ressent", explique Jonathan Delhasseine.
En cuisine et en pâtisserie
Aymeric Geusselin, 25 ans, entre à l'hôtel Shangri-La (Paris XVIe) en 2011. Demi-chef de rang au restaurant chinois de l'hôtel, le Shang Palace, le jeune homme a parfaitement intégré le service qui se doit d'être le plus proche de la tradition cantonaise. La clientèle compte beaucoup de Français qui viennent découvrir cette cuisine caractérisée par les notions de partage et de convivialité, et des plats servis avec générosité. Aymeric se fait alors un plaisir de l'expliquer aux clients et n'hésite pas à orienter leur choix en expliquant notamment que les plats peuvent être servis tous en même temps, au milieu de la table, et que les convives peuvent tout partager comme le veut la tradition cantonaise.
"D'autres serveurs sont plus réservés et disent oui lorsque les clients veulent commander un plat par personne. Il y a aussi des clients qui ne souhaitent pas être guidés et je le comprends. Mais je pense que c'est dans leur intérêt de nous suivre, d'ailleurs, ils ne sont jamais déçus. Notre but est de dépasser leurs attentes." Au moment du dessert, alors que le client hésite entre la crème de mangue et les bouchées moelleuses à la crème montée et fruits frais, Aymeric Geusselin suggère plus particulièrement ces dernières. Ainsi mis en confiance, le client se laisse généralement guider sans résistance.
Publié par Caroline MIGNOT