À la fin de ses études de journalisme, Isabella Losada de Armas prend conscience que rien ne compte plus pour elle que la cuisine. Se former aux États-Unis ou en France ? Une de ses cousines, installée à Lyon, lui parle de l'institut Bocuse. L'idée de vivre en France lui plaît bien. En 1998, elle quitte le Venezuela pour Lyon. À l'issue de sa formation, malgré son envie de revenir au pays et d'étudier le renouveau culinaire qui se met en place en Amérique du Sud, elle opte pour la France qui lui offre des avantages pour s'initier au métier. Après un stage chez La Mère Brazier à Lyon où elle approfondit les bases de la cuisine classique, elle part au Ritz Carlton de Barcelone pour huit mois. Chez Il Cortile (Paris VIIIe), elle apprend la rigueur selon Alain Ducasse, puis chez Bon (Paris XVIe) et au Pure Café (Paris XIe), avant de partir cuisiner dans le Médoc pour des vignerons dans les châteaux. Elle commence à entrevoir sa propre cuisine et ses particularités. L'envie d'ouvrir un restaurant se fait ressentir, mais à Paris, car les grandes villes en province ne se montrent pas toujours sous un jour 'cosmopolite' et la jeune femme dit ne pas s'y sentir à sa place en tant que Vénézuélienne. Professeur de français et d'anglais dans les lycées, notamment hôteliers, Florence Hertgen est passionnée par la transmission. Elle et Isabella sont amies depuis longtemps. Lorsqu'Isabella revient à Paris, elles décident d'ouvrir ensemble un restaurant pour "faire à manger, s'amuser et donner du plaisir aux gens".
Féministes dans l'âme
Florence Hertgen est en salle, Isabella Losada de Armas en cuisine, où elle est secondée par un apprenti. Quand celui-ci raconte qu'il apprend la pêche melba ou la concassée de tomates à l'école en plein décembre, la chef, qui se définit comme une radicale des saisons, avoue sa crispation. Aussi ne manque-t-elle pas de lui faire découvrir le plaisir de cuisiner les produits en saison et au meilleur de leur qualité. Eat Intuition est ouvert au dîner du mardi au samedi et au déjeuner jeudi et vendredi. "Je garde la liberté de faire autre chose comme de la photo et du dessin", explique la jeune femme, qui a besoin de s'évader pour reprendre avec toujours autant de plaisir le service en cuisine. Féministes dans l'âme, les deux partenaires ont élaboré une carte de vins de vigneronnes uniquement. Ce choix de mettre en avant des vins de femmes remonte à l'époque où Isabella Losada de Armas travaillait dans les vignobles du Médoc où elle a pu parfois constater un machisme ambiant. Sans oublier la collaboration avec Madame Hissada, fromagère d'origine japonaise installée à Paris. Non seulement elle lui fournit les chèvres de la saison, mais également des yuzu frais, arrivés du Japon.
Publié par Caroline MIGNOT