Les difficultés de recrutement en restauration sont de notoriété publique. En cause : des horaires à rallonge, des salaires tirés vers le bas, du stress à gogo, mais aussi un métier trop souvent gangrené par des violences sexistes, sexuelles, physiques ou psychologiques. Le collectif Bondir.e, composé d’une trentaine de chefs (Manon Fleury, Laurène Barjhoux, Marion Goettle, Justine Pruvot…), sommeliers et journalistes spécialisés, est bien décidé à faire bouger les lignes et à mettre fin aux abus. À la demande des écoles hôtelières et des lycées professionnels, l’association réalise des interventions de deux heures auprès des élèves. Grâce à des quiz et des exemples concrets, les intervenantes définissent ce que sont le harcèlement moral ou sexuel, l’agression sexuelle et le viol, et rappellent les sanctions encourues. C’est aussi l’occasion de mettre en lumière les mécanismes de la violence, et de détailler les réactions à adopter. Le conseil de Justine Pruvot : “Il faut arrêter tout de suite tout comportement inapproprié, toute réflexion déviante, dès le début. Peu importe la hiérarchie.”
Les cinq mécanismes de la violence
- Isolement : l’isolement peut être d’ordre physique (se retrouver isolé dans une chambre froide ou un vestiaire, par exemple). “Vous pouvez demander à vous changer dans les toilettes, lorsque les vestiaires sont mixtes”, note la cheffe et intervenante Manon Fleury. L’isolement peut également être psychologique : dans ce cas, le supérieur hiérarchique divise pour mieux régner, ce qui permet de vulnérabiliser ses équipes.
- Dévalorisation : Le chef peut avoir tendance à rabaisser ses équipes, voire à s’acharner sur certaines personnes en particulier, en distillant des phrases du type : “Tu es tellement nul qu’on n’a pas réussi à faire le service.” Manon Fleury souligne : “On a le droit de louper quand on apprend. Quand on loupe plusieurs fois quelque chose, c’est qu’il y a une raison, c’est peut-être que la personne n’a pas les bonnes informations.”
Pour rappel, selon le code du travail, toute décision de l’employeur (embauche, promotion, mutation, licenciement, formation…) doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d’ordre personnel, fondées sur des éléments extérieurs au travail (genre, religion, apparence physique, nationalité, orientation sexuelle). À défaut, des sanctions civiles et pénales sont encourues.
- Inversion de la culpabilité : “Par exemple, un(e) supérieur(e) dit : 'C’est de ta faute si je suis en colère, tu fais mal ton travail'. Or, souvent, un service loupé vient de plusieurs facteurs, observe Laurène Barjhoux. Une des clés pour ne pas en arriver là, c’est de communiquer. Par exemple, organiser une réunion le matin et donner la ligne de conduite pour la journée. C’est comme ça qu’on arrive à avancer dans une équipe. Sinon, avec les non-dits, il y a des blocages à chaque poste.”
- Peur et menace : “Il y a du stress positif, celui qui galvanise. Mais il y a une autre forme de stress, la boule au ventre, la peur. Ça, c’est le premier signe qu’il y a un problème avec un(e) supérieur(e), un problème de communication. Ça n’a pas sa place en cuisine », juge Laurène Barjhoux. Quant aux menaces (par exemple, “Si tu pars, je vais ruiner ta réputation dans tout le milieu de la restauration”), “Il faut les oublier. Si ça se passe mal, vous avez le droit de partir. Aujourd’hui, du boulot, il y en a partout”, poursuit-elle.
- Sentiment d’impunité : “Ce n’est pas parce que le ou la chef(fe) est apprécié(e) par une partie du personnel que cela excuse son comportement. Et ce n’est pas parce qu’il ou elle est connu(e) qu’il ou elle est inattaquable”, insiste Laurène Barjhoux.
Les clés pour faire face à une agression
- Informez votre entourage (famille, amis, proches). Vous pouvez aussi tenter de demander de l’aide à une personne de l’équipe ou à un supérieur.
- Le conflit dégénère ou la violence verbale se répète ? Informez votre employeur s’il n’est pas responsable des faits, la personne des RH ou l’école (si vous êtes en stage ou en apprentissage).
- Vous pouvez contacter l’association AVFT (01 45 84 24 24) ou le 3919 (violences sexistes ou sexuelles). En cas d’urgence : appelez le 17 (police), ou le 0800 059 595 (pour les viols et agressions).
- Vous pouvez déposer une plainte à la gendarmerie ou dans un commissariat de police.
- Vous pouvez aussi aller chez votre médecin expliquer les faits et demander un arrêt de travail.
Que faire si vous êtes témoin d’une agression ?
- Montrez à la victime que vous êtes présent pour elle.
- Prévenez les secours, apportez les premiers secours ou soins si besoin.
- Prévenez la direction.
- Ne laissez pas la victime seule.
Publié par Violaine BRISSART