"La terrine, c'est fini", plaisante Matthieu Garrel, du
bistrot Le Bélisaire (Paris, XVe), qui reconnaît en préparer
quelques-unes au moment des fêtes pour les clients qui la lui commandent. Il y
a quelques mois, dans le cadre d'un festival, le chef se retrouve à devoir créer
un plat autour du foie gras. Le succès de son Foie gras, légumes et coques est
tel qu'il décide de le mettre à la carte. "C'est
le côté marrant, canaille et dans l'air du temps que je voulais montrer de ma
cuisine." Avant le service, Matthieu Garrel marque les escalopes, puis au
moment de les servir, les fait chauffer 15 à 20 secondes au micro-ondes, "sans perdre de gras ni de poids". L'escalope
est alors servie avec des légumes "préparés
à la façon d'un tajine dans un bouillon safrané, pour une note de voyage et des
coques et des moules juste ouvertes à la vapeur pour le peps et l'iode. Un plat
très facile de digestion", précise-t-il. Depuis, il est hors de question de
l'enlever.
La légèreté et la
digestibilité
Éric Guérin (La Mare aux oiseaux à Saint-Joachim,
Loire-Atlantique) travaille avec Alain François, éleveur de canard à
Bouaye. Il propose du foie gras toute l'année à sa carte, "C'est un produit avec lequel on peut oser des mariages." En
particulier ceux évoquant le voyage… C'est justement un voyage au Cambodge qui
lui a inspiré sa recette de fête, Foie gras pressé aux pommes de terre,
crevette et ail. Ce qu'il aime, c'est utiliser la texture grasse et crémeuse du
foie gras comme liaison, "on l'a beaucoup
allégé ces dernières années. Aujourd'hui, je l'émulsionne au maximum au
Thermomix, je le monte au blanc d'oeuf, pour plus de légèreté, de finesse. On
cherche ainsi à faciliter la digestion. Les gens y sont sensibles et on y fait
attention… Surtout dans un menu qui peut comporter 8 ou 9 plats." Pour
répondre favorablement aux clients locaux qui souhaitent commander des
classiques, le chef tient toujours à disposition une terrine de foie gras, du muscadet
et de la fleur de sel.
Un
incontournable des fêtes
"Quand viennent les fêtes et que l'année est derrière
nous, c'est le produit noble qu'on attend et qu'on se réjouit de retrouver.
C'est ce que j'ai connu enfant et c'est ce que j'ai envie de garder", avoue Jean Sulpice,deux étoiles Michelin à Val-Thorens (Savoie). Le chef
le prépare traditionnellement en terrine pour le menu enfant, mais pour sa
cuisine, il aime profiter d'une pleine créativité. L'un de ses plats signature
est d'ailleurs L'Huître de Papin pochée sur une crème de topinambour et foie
gras, au parfum de vin jaune et noix de Grenoble. "Avec le foie gras, beaucoup d'autres modes de cuisson sont permis, on
peut le faire pocher dans un consommé, lui donner un côté fumé grâce au
chalumeau ou le travailler en granité à partir de foie gras cru. Il existe une
multitude de manières de le travailler et de se faire plaisir", ajoute le
chef.
Le foie gras en
textures
Au 64° le
restaurant (Le Chambard à Kaysersberg, Haut-Rhin), le bavarois très léger de
foie gras d'oie surmonté d'une opaline de sucre inverti et saupoudré d'une
râpée de foie gras congelé à cru et de parmesan n'a pu être retiré de la carte
pendant plusieurs mois, tant les clients en étaient friands. Le soir du 24 décembre,
ce sont des produits traditionnels qu'Olivier Nasti privilégie
cependant, comme le foie gras truffé en brioche servi en entrée. La terrine de foie
gras d'oie reste elle disponible toute l'année : "Il y a toujours un client qui m'en demande", explique le chef. Installé au coeur de l'Alsace, Olivier
Nasti travaille à 95 % du foie gras d'oie. Celui de canard est poché dans
une décoction de fruits puis laqué avec la décoction réduite avant d'être
serviren tranches, accompagné d'une meringue sans sucre et du fruit présent
dans la décoction, la quetsche par exemple.
Des accords inédits
"Ce que l'on fait aujourd'hui avec le foie gras aurait
sûrement déstabilisé mon grand-père", déclare, amusée, Hélène Darroze (Restaurant Hélène
Darroze à Paris et The Connaught Hotel à Londres), qui a appris "la culture du foie gras" auprès de lui.
L'accommodant d'algues nori, de verveine citronnée ou d'huîtres, elle est
consciente du chemin parcouru, "il y a
quelques années, ça aurait été impensable. C'était un produit qui n'autorisait
pas de fantaisie autour". Entre Londres et Paris, Hélène Darroze continue d'explorer
de nouvelles voies pour le foie gras, comme les Black bowls, des boules de foie
gras confit et mixé en purée, roulées dans de la chapelure de truffe noire et
accompagnées de céleri et de pommes vertes.
Une autre recette revient parfois
depuis sa création, il y a dix ans, c'est la Crème brûlée au foie gras, sorbet
pomme verte et pistaches torréfiées - "beaucoup
la font aujourd'hui, mais ça marche toujours" -, sans oublier la Glace
au foie gras, huître et bâtonnets de pommes vertes. Son menu de Noël à Londres
étant déjà établi, Hélène Darroze annonce des Saint-Jacques Rossini, de grosses
noix de plongée dressées de foie gras poêlé, cardons et sauce Rossini. Est
également inscrit le foie gras confit au vin des dieux (du mulled wine, le vin
chaud anglais), en terrine avec des fruits du mendiant (à paraître en
novembre dans Mes recettes en fêtes, aux
éditions du Cherche-Midi).
Publié par Caroline MIGNOT