Gabriel Kreuther a beau être considéré comme l'un des chefs les plus en vue de New York, il n'oublie pas d'où il vient: une ferme en Alsace, "avec des poules, des lapins, des porcs, un jardin de 20 ares avec 200 pieds de tomate ". Et une maman qui cuisinait "très, très bien". "Je lui posais tout le temps des questions. J'en posais tellement parfois qu'on me disait: ça suffit maintenant."
Aujourd'hui, Gabriel Kreuther a troqué la nature alsacienne pour Bryant Park, le légendaire parc new-yorkais, en bordure duquel il a ouvert le restaurant Gabriel Kreuther en juin, au rez-de-chaussée du mythique Grace Building. Ses débuts sont excellents. Le guide Michelin lui a décerné une étoile. Le critique du New York Times Pete Wells, faiseur de rois culinaires à New York, lui en a donné deux. "Je voulais faire un restaurant confortable, mais qui ne soit pas trop guindé. Un des plus grands maux de notre temps, c'est de ne pas se sentir bienvenu dans certains endroits", dit-il.
Ce n'est pas le premier établissement de Gabriel Kreuther, meilleur apprenti de France formé à l'école hôtelière de Strasbourg. Après une première expérience aux États-Unis, dans les cuisines du Caprice au côté d'Edmond Folzenlogel à Washington, il traverse de nouveau l'Atlantique après son service militaire pour s'installer à New York. Là, il officie comme sous-chef au sein du légendaire restaurant La Caravelle, prisé des Kennedy, avant d'être recruté par Jean-Georges Vongerichten comme chef de cuisine chez Jean-Georges. Il part ensuite réaliser sa première aventure solo, en ouvrant L'Atelier au Ritz-Carlton.
Meilleur chef de New York
En 2004, Danny Meyer, puissant patron de groupe de restauration Union Square Hospitality Group, le place aux fourneaux du Modern, le restaurant du MoMA. Cinq ans plus tard, la fondation James Beard le nomme meilleur chef de New York. Quitter The Modern en 2014 "n'a pas été facile. J'y ai investi dix ans de ma vie. J'ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Mais je sentais que j'étais prêt à aller de l'avant, explique-t-il. Mon rêve, ça a toujours été d'ouvrir mon propre restaurant".
Son chef-pâtissier au Modern, Marc Aumont, et quelques plats traditionnels alsaciens, comme la tarte flambée, l'ont accompagné - au menu, on trouve aussi de la saucisse de foin, du boudin fait maison, de la choucroute. L'intérieur de son restaurant est truffé de petits souvenirs d'Alsace : un aménagement de l'espace censé rappeler une place de village, les poutres autour de la salle à manger, une poignée de porte importée… "Ce restaurant, c'est un retour en enfance." Une chocolaterie, opérée par Marc Aumont, doit ouvrir en septembre dans un espace voisin.
Publié par Alexis Buisson, correspondant à New York