Guy Savoy : "Mon rôle, c'est d'avoir du recul"

Paris (75) L'année 2015 a été chargée pour le chef avec le transfert de son restaurant 3 étoiles à l'hôtel de la Monnaie et les changements que cela implique côté équipe et organisation du travail, mais aussi côté clients. Un moment stratégique que le chef-patron nous raconte.

Publié le 04 septembre 2015 à 18:57

L'Hôtellerie Restauration : Qu'est-ce qui vous a poussé à quitter la rue Troyon ?

Guy Savoy : Je ne pouvais pas limiter l'évolution de la rue Troyon. On avait agrandi le sous-sol mais au fond, c'est une façon de lutter contre les frustrations. Quand on roule depuis longtemps dans une monoplace, on rêve d'une formule 1 ! À un moment, on doit faire un choix, arbitrer dans ses priorités. Il faut l'outil pour réaliser la performance. L'espace des chambres froides quai Conti équivaut à la totalité des cuisines de la rue Troyon. On pourra faire plus de choses. Je ne veux pas fanfaronner ni crier victoire. Il faut se demander maintenant si nous sommes à la hauteur de ce lieu. C'est un défi formidable. Au challenge d'être à la hauteur deux fois par jour à chaque table et pour chaque convive, je rajoute celui-là. Bien sûr, on va rencontrer des nostalgiques de la rue Troyon.

 

Comment avez-vous organisé l'ouverture du nouveau restaurant ?

Tous les fidèles de la rue Troyon, voire de La Barrière de Clichy [un précédent établissement, NDLR], attendaient depuis des années l'ouverture de l'hôtel de la Monnaie. Je me suis dit que je devais donner à ces personnes loyales - elles sont plus de 1 000 - la possibilité de découvrir les lieux en avant-première. Une journée a été dédiée à la visite du nouveau restaurant, de 9 heures à 22 heures, sur invitation. Les dieux de l'ouverture étaient avec nous car nous avons eu beaucoup de monde mais comme c'était pendant les vacances scolaires, nous n'avons pas été débordés.

Nous avons fait ce choix car le point fort de ce lieu, c'est la cuisine. Dès son arrivée, le convive est accueilli par un cuisinier en toque. Les clients ont pu découvrir les cuisines en action mais pas le goût. Nous avons ensuite réservé la période du 29 avril au 16 mai à ces fidèles, l'ouverture officielle étant le 19 mai. Curieusement, on n'a refusé personne. Tout s'est bien lissé sur cette période où nous avons reçu pas loin de 2 000 convives. C'est l'avantage d'avoir une histoire. J'ai toujours revendiqué mon statut d'aubergiste, donc j'ai agi en aubergiste. Il était possible de réserver deux mois avant l'ouverture officielle. Les gens ont été extrêmement touchés d'être reçus en cuisine. Cela a resserré des liens avec pas mal de clients.

 

Le transfert des équipes a-t-il été facile ?

En cuisine, ils ont très vite trouvé leurs marques. Nous étions en sur-régime rue Troyon. En salle, certains ont mis plus de temps malgré les trois semaines de rodage. Pour le même nombre de convives, il y a des distances beaucoup plus longues à parcourir. On sent une quiétude car il n'y a pas la même promiscuité en cuisine comme en salle. Rue Troyon, on devait aller à l'essentiel. Ici, de nouvelles envies éclosent.

 

Qu'est ce qui vous motive aujourd'hui ?

C'est une étape professionnelle, ce n'est pas une maison de retraite ! Inconsciemment, je savais que ces lieux allaient créer des choses. Mon rôle, c'est d'avoir du recul, de dire aux équipes de ne pas tout faire à l'énergie comme je l'ai toujours fait. Mon travail, c'est de canaliser cette énergie, de la dispatcher tous azimuts et j'ai la chance d'avoir des équipes exceptionnelles. 

L'ouverture du restaurant 3 étoiles a coïncidé à un mois près avec celle d'Étoile-sur-Mer (table gastronomique spécialisée dans le poisson en lieu et place de l'ancien restaurant Guy Savoy rue Troyon) et celle de Goût de brioche (brioches salées et sucrées), avez-vous d'autres  projets ?

L'attente de l'hôtel de la Monnaie m'a laissé du temps pour envisager la suite et encourager mes équipes en poursuivant notre développement. Maintenant, sans donner de date, il y a la brasserie de l'hôtel de la Monnaie, Savoy'R Faire.

 

Votre priorité ?

Le client. Comme tous les citoyens de la planète, on est toujours le client de quelqu'un et je me demande toujours ce que j'aimerais dans tel lieu ou tel autre. Cela me crée parfois des problèmes car j'ai une telle exigence pour mes convives que j'ai envie d'être traité de la même manière. Si l'accueil n'est pas là, je pars. Cette forme d'intégrisme du détail, je l'ai partout dans la vie. Je n'accepte pas que l'on ne mette pas tout en oeuvre pour un client.

 


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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