L'ancienne maison de pêcheurs devenue son bistrot 'malin-marin' est bien sa dernière escale après cinquante-quatre ans de fourneaux et une fin de parcours teintée de nostalgie ("La gastronomie, de plus en plus réservée aux grandes adresses, vit des moments difficiles. Il y a un désamour et une méconnaissance à l'égard de notre métier").
Willer, Vergé, Rostang...
Mais quelle carrière ! Apprenti à 13 ans au Chalut (Le Touquet-Paris Plage), passé à Monte-Carlo (La Chaumière), Paris (Prunier Traktir, Pré Catelan), il découvre à La Baule la cuisine de palace et devient chef de partie garde-manger de Christian Willer. "Ça ne rigolait pas ! On commençait à 5 heures du mat' ! 200 kilos de langoustines vivantes à cuire et décortiquer." Puis à nouveau la Côte d'Azur, au Moulin de Mougins de Roger Vergé. "Pour la première fois j'ai goûté à la liberté de création et j'ai découvert qu'il n'y avait pas qu'Escoffier en cuisine !" Ensuite Antibes, chef de Jo Rostang à La Bonne Auberge, où il obtient à ses côtés la troisième étoile.
Puis c'est la décennie flamboyante du Negresco, de 1978 à 1988. Maximin apporte deux étoiles au Chantecler - une première pour un palace - met au point sa fameuse recette de Courgette fleur aux truffes, réinterprète le terroir niçois et enrôle de futurs grands. "Avec Jean-Max Haussy, impérial en salle, j'ai eu des pointures dans ma brigade ! Franck Cerutti, Bruno Cirino, Régis Mahé, Gilles Ajuelos, André Busson, Hubert Keller, Alain Solivérès, Philippe Dorange, Guy Krenzer, Jacques Torrès, enfant de Bandol devenu pâtissier-star à New York…" Il réalise son rêve, devenir meilleur ouvrier de France, publie Couleurs, parfums et saveurs de ma cuisine, son manifeste méditerranéen préfacé par Jacques Médecin, maire de Nice, et, justement résumé par Christian Millau, devient "le Bonaparte des fourneaux".
Du Negresco à son restaurant théâtre de la rue Sacha Guitry à Nice, qu'il ouvre en 1989, cuisine vitrée sur la scène et clients dans la salle, il est Maximin le conquérant. Crise du pétrole, départ de Médecin… trois ans plus tard, le rideau tombe sur une pièce inachevée mais d'autres épisodes suivront, dont la décennie plus calme de sa Table d'Amis, dans sa maison de Vence, avant l'ouverture du Bistrot de la Marine, en 2010.
Maximin, quel chef, quel personnage ! Cent fois copié, jamais formaté, mémoire culinaire phénoménale, menus du jour écrits à la main dans l'inspiration de l'instant. "Je ne note rien. Pour apprendre avec moi, il faut me voler le métier !" Artiste de l'immédiateté, incandescent, à fleur de peau, il attire l'adjectif comme l'arbre la foudre. Ses inconditionnels sont légion, d'autres ont fui sous la mitraille de ce surdoué au caractère bien trempé. Et fort en amitié. Alain Ducasse d'abord, Joël Robuchon et le banquier d'affaires Philippe Villin ont, avec d'autres, protégé 'Max' dans les moments difficiles. Au concours des MOF dont il est vice-président, en charge des thèmes culinaires, les candidats au col bleu-blanc-rouge redoutent ce technicien hors pair qui exige la maîtrise, pas l'interprétation personnelle.
Succès ou turbulences, c'est le formidable créateur et jusqu'au bout cuisinier, que l'on retiendra. Même s'il rompt avec une restauration qui l'a usé et ne l'amuse plus et redevient consultant, en missions pour Ducasse, jamais à court d'idées et de projets. "Je suis, plus que jamais, libre !"
Publié par Jacques GANTIÉ
mardi 19 avril 2016
mercredi 20 avril 2016
mardi 19 avril 2016