Julie Bares-Bonneau : "je m'adapte à la personne en face de moi en gardant ma personnalité"

Paris (75) Directrice de salle adjointe, restaurant le Meurice Alain Ducasse à Paris, Julie Bares-Bonneau est l'une des Femmes en Vue de l'Association Les Grandes Tables du Monde.

Publié le 21 septembre 2021 à 10:05

Le programme Femmes en vue, imaginé par l'Association Les Grandes Tables du Monde, a pour vocation la mise en lumière de celles qui s'engagent au quotidien dans leur métier, qui font figure de modèle inspirant pour leurs équipes et surtout qui valorisent la haute gastronomie en France et à l'étranger. Julie Bares-Bonneau fait partie de la nouvelle équipe du Meurice formée autour du chef Amaury Bouhours, du directeur de salle Olivier Bikao et du sommelier Gabriel Veissaire

Comment laissez-vous s’exprimer votre personnalité ?

Un service c’est un peu comme une pièce de théâtre que l’on joue selon les séquence imaginées par le Chef. Quand nous passons la porte de l’office, nous avons un rôle à jouer tout en restant nous-même. J’utilise une image un peu enfantine pour expliquer cela : je me compare à un Barbapapa, dans le sens où je m’adapte à la personne en face de moi en gardant ma personnalité. Je pense qu’avec Olivier Bikao notre volonté est de laisser s’exprimer le caractère de chacun. Nous ne sommes pas des robots. Il ne s’agit pas de créer des personnages qui sont tous les mêmes -ce qui est de toute façon impossible-, mais de jouer avec les forces et les faiblesses de chacun pour former une bonne équipe. En salle, on a beaucoup retiré de ce qui était découpe, avec comme objectif de se focaliser sur le partage avec le client, lui créant ainsi une vraie expérience. C’est notre ambition au Meurice. Cette émotion que nous voulons susciter est difficile à expliquer, et c’est un peu abrupt à dire, mais c’est comme la passion, il faut l’avoir en soi pour être en mesure de la partager. Et ça malheureusement, on peut difficilement l’apprendre aux gens.

 

A-t-on le droit aujourd’hui de tout faire dans un restaurant gastronomique ?

Je dirais que oui… même s’il y a quand même des limites…disons tout, à partir du moment où c’est cadré. A la base, je ne voulais pas entrer dans un restaurant gastronomique car je redoutais d’être bridée. C’est un défi que je me suis lancée après Ferrandi. J'avais des idées reçues parce qu’en fin de compte, ici, c’est un étoilé décomplexé. On a le droit de rire aux éclats et même de prendre des selfies avec les clients. On ne le fait pas tous les jours, mais ce qui pouvait déranger il y a quelques années, entre maintenant dans les mœurs. Je me souviens  d’avoir un jour pris des fillettes avec moi derrière le chariot à fromages pour le service elles étaient ravies et les parents aussi. Je constate qu’en 6 ans j’ai beaucoup évolué. D’abord parce j’ai pris confiance en moi et que mon poste actuel m'autorise plus de choses. Et contrairement à mon idée de départ, je suis vraiment faite pour l’étoilé !

Qu’est-ce qu’un service réussi ?

C’est quand je vois les yeux des gens briller et qu’à la fin ils me remercient. Et ce, même si on a passé un service compliqué et chaotique. C’est aussi quand tout le monde y a pris du plaisir, moi, le client, mais aussi les équipes en salle et en cuisine. Avec ce qui se passe actuellement, les gens ont besoin d’être chouchoutés. Les clients reviennent au restaurant certes pour le côté culinaire, mais aussi pour le côté humain. Et nous aussi avons évolué dans notre manière de faire le service. Si l’assiette est bonne mais que le reste ne suit pas, que vous n’avez pas compris le voyage proposé par le chef, leur client restera peut-être avec un petit gout amer à la fin du repas. Un service réussi c’est donc ce merci, mais un merci vraiment sincère.

 

Quelle est la place des femmes dans votre métier ?

Quand je suis arrivée ici il y en avait beaucoup, mais actuellement en poste fixe, je suis la seule. C’est un métier où notre présence est heureusement encouragée, mais il n’est pas forcément nécessaire d’en faire plus pour trouver sa place. Lorsqu’il m’est arrivé de rencontrer certaines difficultés à trouver la mienne, Olivier m’a mise en contact avec Claire Sonnet pour avoir ses conseils. Elle m’a recommandé d’être un peu plus ferme, d’avoir davantage confiance en moi, de montrer que j’étais bien là. Au sein d’une équipe, s’adresser à une femme est une chose, parler à un homme en est une autre. Il a peut-être plus de difficulté à recevoir d’une femme une critique ou un commentaire. La communication entre hommes est brute et part vite dans le conflit, alors qu’une femme va prendre plus de pincette. Ce qui ne devrait pas l’empêcher de faire preuve de fermeté.

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