L'Espagne séduit toujours les professionnels français

Espagne Depuis la fin des années 1990, la gastronomie espagnole a connu une véritable révolution, et suscité un engouement qui a séduit de nombreux professionnels Français. Aujourd'hui, l'euphorie est retombée, mais l'Espagne reste un pays à part, avec une image de créativité et de liberté qui incite encore à tenter l'expérience de l'autre côté des Pyrénées.

Publié le 08 mars 2012 à 11:22

En deux ans à peine, le 'miracle' économique espagnol s'est transformé en mirage. Depuis l'effondrement du secteur immobilier en 2008, tous les indicateurs sont au rouge. Avec un chômage touchant plus de 20 % de la population active, l'Espagne est l'un des pays d'Europe les plus marqués par la crise, et les professionnels de l'hôtellerie-restauration n'échappent pas à cette récession. Le chef Rémy Lefebvre résume la situation en une formule : "En Espagne, la folie des grandeurs est passée; on revient à la raison." Rémy Lefebvre est arrivé à Madrid au début de la grande 'movida gastronomique' espagnole, en 2001, sans aucune expérience dans le domaine de la restauration, mais avec la volonté de changer de vie : "J'étais diplômé en commerce international, et lorsque j'ai commencé à travailler en tant que commis pour gagner ma vie dans les restaurants de Madrid, les responsables d'établissements m'ont rapidement confié le poste de second en cuisine, pour mettre de l'ordre justement au niveau de la gestion, car il y avait énormément de carences à ce niveau-là en Espagne." Rémy Lefebvre se prend de passion pour son nouveau métier et franchit toutes les étapes en autodidacte.

Après deux ans d'expérience, il endosse ainsi son premier poste de chef au Locum, aux côtés de Víctor Sánchez-Beato Gómez, l'un des nombreux disciples de Martín Berasategui. Un tel parcours serait-il envisageable aujourd'hui pour un chef Français en Espagne? "Sans aucun doute", répond Éric Bausson, chef exécutif de l'Hôtel Hesperia Tower (groupe NH), à Barcelone : "Même si la crise économique a sensiblement frappé le secteur, il y a encore beaucoup d'opportunités pour les professionnels Français qui veulent travailler de ce côté-ci des Pyrénées, ne serait-ce que parce que la cuisine française reste une référence." Rémy Lefebvre, qui a aujourd'hui créé son propre restaurant, l'Artkuisine, dans la capitale catalane, confirme ce sentiment, mais avec un bémol : "Jusqu'à ces dernières années, il y avait une forte effervescence autour de tout ce qui concernait la gastronomie, notamment en raison de l'engouement suscité par la cuisine moléculaire ; tout le monde faisait ce qu'il voulait, parce qu'il y avait toujours des clients ouverts à tout type d'expérience culinaire, et prêts à en payer le prix! Cela était très stimulant pour un jeune cuisinier comme moi. Aujourd'hui, ces comportements excessifs sont terminés, mais la société espagnole n'a pas tellement changé: les gens aiment se faire plaisir et continuent de sortir, même s'ils consomment moins."

 

Des niveaux de rémunération plus bas

 

Les jeunes chefs Français peuvent donc trouver leur place dans la péninsule ibérique; mais attention à ne pas céder au "chant des sirènes", prévient Juan Navarro, directeur technique de la Fehr (Fédération espagnole de l'hôtellerie et de la restauration) : "La majorité des jeunes Espagnols s'engagent aujourd'hui en cuisine avec l'idée qu'ils vont suivre le chemin de Ferran Adrià, ce qui annonce beaucoup de désillusions." Conséquence de cette tendance : des candidats toujours plus nombreux pour les formations en cuisine, mais de plus en plus rares pour les métiers de salle. "La perte d'intérêt pour les formations concernant le service commence à devenir un problème, note Juan Navarro, car il est de plus en plus difficile de trouver du personnel compétent et motivé pour ces postes de travail." De fait, pour un maître d'hôtel Français, par exemple, il est plus facile de faire valoir ses compétences et son expérience en Espagne. À condition de consentir à un niveau de rémunération se situant en moyenne entre 15 et 25 % en dessous des salaires pratiqués dans l'Hexagone.

 

Arnaud Échalier a fait ce choix. Pour 2 800 € par mois, il assume la fonction de sommelier et de second de maître d'hôtel au restaurant étoilé Evo (L'Hospitalet de Llobregat), créé par Santi Santamaria. Le sommelier Français a d'ailleurs commencé sa carrière espagnole auprès de ce chef Catalan, il y a dix ans, après des études à l'école de sommellerie de Beaune, et une expérience en Grande-Bretagne. Pourquoi avoir choisi de vivre et travailler en Espagne ? "Pour la qualité de vie, le climat, et aussi parce que je profite ici d'une très grande liberté pour faire mon métier", répond Arnaud Échalier. Il y a en Espagne une sorte de fraîcheur, un appétit de la découverte qui est très important dans ma profession, car l'un des grands plaisirs du métier, c'est que le client accepte de se laisser guider dans le choix des vins." Ce jeune professionnel de 34 ans est pourtant l'un des rares sommeliers Français ayant effectué l'essentiel de sa carrière en Espagne. Côté inconvénients, Arnaud Échalier signale "le manque de rigueur des Espagnols dans la gestion du personnel". Mais d'une certaine manière, cela fait aussi un peu partie des caractéristiques de la société espagnole qui ont séduit nombre de professionnels de l'hôtellerie-restauration installés outre Pyrénées, comme semble l'indiquer Éric Bausson : "L'un des grands attraits du pays, c'est cette convivialité que l'on trouve notamment dans les bars et les restaurants, et que l'on a peut-être un peu perdue en France. C'est ce qui fait encore le charme de l'Espagne."


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Publié par Francis MATÉO



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