L'IRSN a pour mission de concourir à la surveillance de la radioactivité de l'environnement en France. Cet institut assure, sur tout le territoire français, une veille permanente sur les niveaux de radioactivité ambiants dans les différents milieux (air, eau, sol, aliments…) avec lesquels la population peut être en contact.
Une étude de l'impact d'un accident nucléaire sur le tourisme
L'étude présentée lors du congrès explicitait un aspect particulier : l'impact sur le tourisme, d'une étude plus globale qui a été médiatisée il y a quelques semaines en France. Qui chiffrait le coût d'un accident nucléaire grave à 120 milliards d'euros et celui d'un accident majeur à un chiffre astronomique de 430 milliards d'euros pour la France (pouvant aller jusqu'à 1 000 milliards selon le lieu et les conditions de l'accident).
En partant de l'expérience acquise lors des accidents nucléaires survenus dans le monde (Tchernobyl, Fukushima…) cette étude distinguait effectivement deux grands types d'accidents : les accidents graves et les accidents majeurs. La différence entre ces deux types d'accidents provient de l'importance des rejets. Dans les deux cas, l'hypothèse retenue est la fusion du coeur d'un réacteur de 900 mégawatts ; lors d'un accident grave, il y a très peu de rejets radioactifs (exemple : Three Mile Island) alors que lors d'un accident majeur, il y a des rejets massifs d'éléments radioactifs (exemple Tchernobyl).
Le calcul effectué distingue plusieurs types de coûts :
- Les coûts radiologiques sur site avec l'arrêt du (ou des) réacteur(s).
- Les coûts radiologiques hors site et les coûts des territoires contaminés.
- L'effet parc c'est-à-dire l'augmentation du prix de l'électricité (par exemple avec Fukushima le Japon a dû remplacer au prix fort 30 % de sa production d'électricité).
- Enfin les coûts d'image, ce sont à la fois le chao médiatique et par exemple, la perte de confiance dans les productions agricoles issues des territoires potentiellement contaminés et la chute brutale du tourisme dans ces mêmes régions.
Les coûts d'image seraient les plus élevés
L'étude analyse ces différents coûts et propose une estimation. De façon surprenante il en ressort que les coûts d'image seraient de loin les plus élevés pour l'économie française.
Le volet de cette étude présentée au congrès de Tokyo explique ce que sont ces coûts d'image. Ce sont les pertes engendrées lorsque les attitudes des consommateurs deviennent négatives que les producteurs souffrent d'un déclin des ventes pour une période donnée. N'importe quel type de produit ou de prestation peut-être affecté. Les auteurs de l'étude citent plusieurs exemples, en particulier celui des concombres espagnols accusés injustement en 2011 de transmettre la bactérie E. coli. Ils montrent comment ces coûts d'image par la suspicion créée sur le produit ont impacté jusqu'à la production hollandaise.
Les coûts d'image dans le tourisme
La dégradation des conditions sanitaires, sociales ou environnementales d'une région est perçue négativement par les touristes potentiels. Le doute s'installe, il génère de la peur, la perspective d'une expérience inoubliable s'efface, c'est l'exact opposé de ce que les acteurs du tourisme souhaitent susciter. Cette réaction est totalement compréhensible, peu de personnes actuellement doivent se précipiter pour visiter la région de Fukushima ou pour se nourrir avec des produits issus de cette région et plus globalement dans le nord du Japon.
Une telle dégradation d'image à la suite d'un accident nucléaire aurait des conséquences à trois niveaux :
- Les pertes directes d'activité pour les hôtels, les restaurants et tous les fournisseurs de prestations touristiques.
- Les pertes pour les sous-traitants de tous les opérateurs du monde du tourisme par exemple les blanchisseries…
- Les pertes d'emploi et de salaires pour les salariés travaillant dans les entreprises concernées.
Les auteurs de l'étude expliquent que la part irrationnelle de ces coûts d'image fait qu'ils seraient plus élevés pour les touristes potentiels les plus éloignés de la zone touchée. Ceci serait en partie dû au fait que les touristes potentiels les plus proches seraient mieux informés sur la nature des risques encourus, au contraire des plus éloignés (c'est notre cas pour le Japon). Cette analyse s'appuie sur les effets de l'impact par exemple des divers attentats terroristes dans le monde, des différents conflits mais aussi de l'ouragan Katrina (en 2005 aux États-Unis).
La France est un pays qui accueille chaque année un nombre considérable de touristes, soit pour visiter le pays soit en transit pour des pays alentours. Avec 80 millions de touristes étrangers, les recettes annuelles sont d'environ 40 milliards d'euros par an et si l'on ajoute les 90 % de Français qui passent leurs vacances en France, le chiffre d'affaires total de l'industrie du tourisme approche les 100 milliards d'euros par an. Toute l'activité touristique serait impactée par un accident nucléaire, par une désertion plus ou moins importante des touristes selon qu'ils sont français, qu'ils viennent d'Europe ou du reste du monde. Et ceci pendant une période plus ou moins longue après l'accident.
Sans entrer dans les détails de l'étude, il ressort que les coûts d'un accident nucléaire pour le tourisme en France et pour l'hôtellerie et la restauration oscilleraient de :
En coûts directs de perte d'activité de 13 milliards d'euros pour un accident grave à 36 milliards d'euros pour un accident majeur. Et avec les coûts induits de 23 milliards d'euros pour un accident grave à 74 milliards d'euros pour un accident majeur.
Ne pas faire du catastrophisme, simplement investir dans la sécurité
Bien sûr, ces chiffres donnent simplement un ordre de grandeur, le lieu et les conditions de la catastrophe pouvant modifier son impact. Par exemple les Japonais ont semble-t-il, dans leur malheur, eu la chance que les vents dominants au moment de Fukushima ne soient pas orientés vers Tokyo, mais vers l'océan. Ainsi en France une catastrophe comparable induirait des conséquences différentes selon le lieu d'implantation du réacteur concerné.
Pour les auteurs de l'étude il ne s'agit surtout pas de faire du catastrophisme en diffusant ces informations. La diffusion de ces informations est faite à titre préventif pour que les pouvoirs publics n'hésitent pas à investir dans la sécurité nucléaire à la suite de Fukushima. L'objectif que l'on ne peut qu'approuver est d'arriver à : "Zéro accident grave et zéro dissémination de radioactivité".
www.irsn.fr
Le site du congrès PSAM2013 au cours duquel cette présentation a eu lieu www.psam2013.org
Publié par Jean-Luc Fessard, 'Transition Verte et Bleue' et auteur du Blog des Experts