Il est le seul salarié du George V, à Paris (VIIIe), à pouvoir déambuler dans le palace en jeans, tee-shirt et baskets. Personne ne lui en tiendra rigueur. Américain, ex-mannequin, Jeff Leatham chapeaute la direction artistique et la décoration florale de l’hôtel du groupe Four Seasons. Il a la même carte blanche dans le choix des 9 000 tiges qu’il reçoit chaque semaine que dans celui de ses tenues. À lui seul, il fait voler en éclats les codes vestimentaires propres aux palaces. Toutefois, en France, Jeff Leatham reste un cas à par, mais pour combien de temps ? Car du côté des 5 étoiles, ça frémit.
Dès 2016, sous l’impulsion du chef Juan Arbelaez, l’équipe du restaurant de l’hôtel Marignan (VIIIe) portait jeans, baskets rouges et tablier en cuir. Cette audace vestimentaire fait des émules, parce que le profil des clients évolue, rajeunit, recherche l’expérience, l’inédit et l’instagrammable. Également parce que le tailleur, les talons et le costume ne reflètent plus l’atmosphère ‘chic et décontractée’ que certains souhaitent instaurer dans leur établissement. Surtout à l’heure où la cuisine s’ouvre et se mélange parfois aussi avec la salle.
Au Brach, 5 étoiles parisien (XVIe) imaginé par Philippe Starck, le personnel est habillé par Le Coq Sportif. “C’était un souhait d’avoir des tenues sport casual pour les équipes. Je voulais qu’elles aient un autre look, qu’elles témoignent du luxe décontracté de l’hôtel, lié à son club de sport”, explique Emmanuel Sauvage, directeur général du groupe Evok Hotels Collections, auquel le Brach appartient. Si la clientèle internationale a vite compris le concept, les Parisiens qui fréquentent le restaurant du Brach ont été plus surpris : “Au début, on a eu des remarques. Maintenant, ça va mieux”, reconnaît Emmanuel Sauvage. Casser les codes est toujours plus simple sur le papier que dans la réalité.
“On vient comme on est”
Constance Vincent, responsable RH du groupe MOB, ne dira pas le contraire. Diplômée de l’Institut Paul Bocuse, elle a été en stage au George V avant de rejoindre les équipes d’hôtels 5 étoiles, notamment à Courchevel. Autant dire que lorsqu’elle a été pressentie pour prendre la tête des RH du groupe MOB, il a fallu qu’elle s’adapte. Car dans les hôtels imaginés par Cyril Aouizerate, pas de tailleur ni de costume pour le personnel : “On vient comme on est.”
Ce qui a posé quelques soucis à Constance Vincent lors de ses propres entretiens d’embauche : “J’en ai passé six avant d’intégrer le groupe MOB et, à chaque fois, je mettais deux heures à préparer ma tenue.” Habituée au tailleur, chemise blanche et talons, il était impensable pour elle de se présenter en jeans-baskets. “J’y allais avec un pantalon, un tee-shirt et des chaussures plus casual que des escarpins.” Deux ans après son arrivée au sein du groupe MOB, elle le reconnaît : “J’ai changé mon fusil d’épaule. Certes, nous regardons les compétences, le CV, mais nous fonctionnons aussi au feeling lors des entretiens d’embauche.” Or, une tenue en dit long sur une personnalité, un caractère, une ouverture d’esprit. “Un uniforme fait également l’identité d’un établissement”, reprend Emmanuel Sauvage. Si bien que pour le Sinner, autre 5 étoiles du groupe Evok, qui ouvrira dans le Marais (IIIe) à l’été 2019, “les tenues, signées Jean-François Keit, seront inspirées du clergé, avec des pantalons-robes, de grands chapeaux pour les voituriers… Car le Sinner sera un lieu de mode.”
“Au début, la clientèle ne distinguait pas le personnel des clients”
Frédéric Biousse et Guillaume Foucher ont conçu le Domaine de Fontenille, hôtel de 17 chambres à Lauris-Lourmarin (Vaucluse), comme une maison de vacances. Alors, pas question d’instaurer l’uniforme. “Le personnel est vêtu de pantalons chino et de baskets ou de Clarks aux pieds”, détaille Frédéric Biousse. Rien d’ostentatoire donc, juste une simplicité qui donne une allure à un lieu élégant mais sans chichis.
“Au début, venir travailler dans la tenue de son choix a créé quelques confusions parmi la clientèle, qui ne distinguait pas si facilement le personnel des clients, reprend toutefois Constance Vincent. Nous avons remédié à cela en faisant porter des tee-shirts estampillés ‘Paris les Puces Club’ à tous les membres de nos équipes. À cela s’ajoute une veste bleue, style veste de garagiste, quand il fait froid, et des badges MOB que l’on peut accrocher à ses vêtements.”
Au restaurant du Brach, on repousse toutes ces limites : “Les trois soirs de fin de semaine, le personnel en salle s’habille comme il le souhaite”, explique Emmanuel Sauvage. Il ajoute : “Là, les personnalités se révèlent.” L’excentricité ambiante se fait alors curiosité, voire spectacle. On vient pour la carte du chef. On revient aussi pour la tenue inattendue du serveur. Tout pour surprendre, fidéliser et faire le buzz sur les réseaux sociaux.
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Publié par Anne EVEILLARD
vendredi 29 mars 2019