Très recherchée par les épargnants qui anticipent une éventuelle dislocation de l'euro, la monnaie helvétique s'est appréciée de plus de 25 % en quatre ans avec d'importantes répercussions sur le secteur du tourisme et de l'hôtellerie. D'une part, les établissements suisses connaissent une désaffection relative de la clientèle en raison d'un change défavorable (lire encadré), alors que les ressortissants étrangers montrent un intérêt renouvelé pour les salaires en franc fort, en particulier les frontaliers français, ce que confirme Jean-François Colloud, directeur des ressources humaines de l'hôtel Intercontinental de Genève : "Un employé qualifié de type chef de rang gagne 4 100 francs suisses mensuels. Par le simple jeu du change, cela fait environ 3 400 euros soit 800 euros de plus qu'il y a trois ou quatre ans - explique-t-il d'une voix franche. Dans ces conditions, le salaire est la motivation principale pour venir travailler en Suisse. On le sait, c'est légitime. Pour les cadres, nous n'assistons pas à une situation de dumping avec des candidats prêts à baisser de position ou de salaire pour décrocher à tout prix un poste en Suisse."
Les Européens du Sud se bousculent, les Français se rapprochent
Du côté du Beau Rivage Palace à Lausanne, Fanny Rudaz, responsable des ressources humaines, note une augmentation des demandes d'emploi en provenance des pays du sud de l'Europe, plus touchés par la crise. "Nous avons toujours travaillé avec les Français qui représentent presque la moitié de notre personnel. Si nous percevons de leur part un intérêt plus important pour nos établissements, les candidatures restent en adéquation avec nos métiers alors que les Portugais et les Espagnol n'ont souvent pas le profil. Ils expriment la volonté de changer de métier pour accéder à tout prix à un emploi."
Ce que confirme une assistante du DRH du Mandarin Oriental de Genève : "Les postulants espagnols et portugais qui se manifestent en nombre n'ont souvent aucune expérience hôtelière. Ces situations de détresse nous peinent. Ils cherchent du travail et pas forcement des francs suisses. Pour les Français, c'est plus nuancé. Nous sommes toujours à 42 heures hebdomadaire, les frais sont importants (logement et transport) et la crise n'a pas encore explosé en France alors nous ne notons pas d'affluence soudaine de cette population."
À la direction des ressources humaines de l'hôtel du Président Wilson de Genève, on constate pourtant que les Français viennent s'installer de l'autre côté du lac : "C'est comme un pré-positionnement en cas d'aggravation de la crise. Les permis de travail sont faciles à obtenir pour un frontalier. Ces nouveaux collaborateurs ont des exigences raisonnables et ils sont plus fidèles." Un point de vue relayé au Novotel Centre de Genève par le responsable de l'hébergement : "Il y a une grande stabilité des équipes, on ressent de la part de nos collaborateurs un désir de conserver sa place." "Depuis quelques mois, il est rare qu'un frontalier donne sa démission pour retourner travailler en France", ajoute-t-on au Richemond de Genève.
À Gstaad, en Suisse alémanique, le son de cloche est bien différent. Ainsi M. Wagner, assistant du directeur des ressources humaines du Gstaad Palace, constate une augmentation des candidatures grecques alors que les Français sont toujours aussi peu représentés dans ce cinq étoiles, avec 12 compatriotes sur 200 employés. Quant au Grand Hôtel Park, un autre palace de la station, ce sont les Italiens qui postulent : "On sent leur intérêt pour les salaires mais ils n'en parlent pas. Les Français préfèrent la Suisse romande et la possibilité de passer la frontière chaque jour avec un pouvoir d'achat stimulé par le change."
Publié par Francois PONT