De plus en plus de contraintes s’appliquent aux architectes en termes de développement durable. C’est le cas, par exemple, avec la certification Haute qualité environnementale (HQE) ou avec les réglementations thermiques RT 2012 (qui prévoit le bâtiment basse consommation) et RT 2020 (qui prévoit le bâtiment à énergie positive). Mais une fois les murs, sols et plafonds édifiés, qu’en est-il de l’agencement intérieur et de la décoration ? À ce stade, il n'existe que peu, voire pas, d’obligations quant au respect de l’environnement. Pourtant, de plus en plus d’hôteliers et de restaurateurs sont sensibles au durable et au responsable. “Ils prennent conscience que c’est un sujet majeur pour demain et qu’il faut donc l’intégrer dès aujourd’hui“, constate l’architecte d’intérieur Michael Malapert. Habitué à travailler pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration - il collabore avec les groupes Accor, Marriott, Club Med, Elegancia… -, il vient de créer une seconde agence, baptisée Casa Malapert, qu’il dédie aux projets responsables. Pour cela, il est accompagné par la start-up Carbon Saver, qui aide architectes et architectes d’intérieur à réduire leur empreinte carbone. C’est dans cette dynamique que Michael Malapert a réalisé les aménagements intérieurs d’une brasserie dans un éco-quartier face au parc de Sceaux (Hauts-de-Seine) ou encore ceux du restaurant bio Yuman, à deux pas de la BnF à Paris (XIIIe). Circuits courts, matériaux naturels, mobilier vintage, mise en valeur de l’existant… telles sont quelques-unes de ses priorités pour faire du beau et du bien, sans que cela ne coûte plus cher qu’un projet classique. Un parti pris qui fait écho à la 60e édition du Salon du meuble de Milan - du 7 au 12 juin 2022 – sur le thème du durable et au salon EquipHotel – du 6 au 10 novembre 2022 – ciblé sur l’hospitalité engagée.
- Rassurer l’hôtelier ou le restaurateur – “Imaginer et concevoir un intérieur, dans une logique durable et responsable, ce n’est pas empiler des palettes et autres caisses en bois dans un salon ou une salle de petit déjeuner”, prévient Michael Malapert. En effet, il ne faut pas confondre récup’ et 'bricolage entre copains' avec un travail d’agencement et de sourcing respectueux de l’environnement.
- Repérer les sources d’économies possibles – Dans un premier temps, Michael Malapert préconise de faire la chasse au plastique. À commencer par les bouteilles, qu’il remplace par une fontaine à eau. “A-t-on encore besoin d’un minibar dans les chambres ? Et d’un écran de télé ?”, s’interroge-t-il aussi. Et puis, côté buffet, “celui du petit déjeuner doit privilégier la qualité à la quantité, avec des fournisseurs de proximité : c’est une bonne façon de lutter contre le gaspillage alimentaire, sans dégrader l’expérience client”.
- Choisir les bons matériaux – Place au naturel. Michael Malapert puise dans les terres cuites, terrazzo, verre, argile, marbre, peintures sans solvant, rotin et autres bois responsables. Toutefois, il le reconnaît : “Ces matériaux sont jusqu’à 20% plus chers.” Alors comment rétablir l’équilibre dans un budget ? En préservant l’existant, dans certains espaces. “À l’hôtel Renaissance, à Bordeaux (Gironde), où les anciens silos à grains ont été conservés, j’ai gardé le béton dans les chambres pour éviter de créer de faux plafonds”, détaille l’architecte d’intérieur.
- Éclairer sans trop consommer – Le bon réflexe côté lumière, c’est la basse consommation pour toutes les sources lumineuses. L’astuce en plus : “Installer des détecteurs de présence dans les espaces de circulation ouverts 24 heures sur 24. Cela permet de diviser la consommation électrique par 3 ou 4”, précise Michael Malapert. L’investissement est donc vite rentabilisé.
- Inciter à trier les déchets – Enfin, plus question d’y échapper : les professionnels doivent trier leurs déchets selon 5 flux. Papier, métal, plastique, verre et bois doivent avoir chacun leur poubelle. Il faut donc penser à faire de la place en coulisses. Suggestion de Michael Malapert : “Si on supprime le plastique, cela fait une poubelle en moins, y compris dans les chambres.” La loi va déjà en ce sens. Quant à savoir par quoi remplacer le plastique, pour l’architecte d’intérieur, “ce type de défi doit stimuler la créativité”. Il ajoute : “Avoir moins de matière et travailler davantage avec l’existant, c’est une autre écriture architecturale pour nous.” C’est aussi celle de l’hôtellerie-restauration du XXIe siècle.
Publié par Anne EVEILLARD