“J’ai commencé ma carrière chez Pino. Pendant des semaines, je n’ai mangé que des pizzas. Chez McDonald’s, c’est quoi le repas du personnel ? s’interroge Alain Fontaine, le président de l’Association française des maîtres restaurateurs (AFMR), pour qui le repas du personnel est à la fois un enjeu de santé au travail et une source intense de réflexion. “Cela représente un coût important pour nos entreprises. La TVA sur la nourriture de nos équipes est inacceptable, d’autant que cet avantage est lié à la nature intrinsèque de notre activité. En outre, on paye des charges sur ce poste en haut de la fiche de paye. Une double peine !” Pour Stéphane Manigold, président du groupe Eclore, bien nourrir ses collaborateurs est essentiel : “Ils mangent deux fois par jour dans nos restaurants, ce n’est pas rien en période de baisse du pouvoir d’achat. C’est le premier avantage de notre secteur !”
Les employés de la restauration sont-ils bien traités au réfectoire ?
“Dans les grandes maisons, même dans les années 1970, on était plutôt bien traité, même si on mangeait souvent debout. C’était une autre époque”, regrette Gérald Passedat, 3 étoiles Michelin au Petit Nice à Marseille. “Mal nourrir ses collaborateurs, ça existe encore avec des employés qui mangent un fond de casserole sur un coin de piano. Mais c’est vraiment à la marge et contreproductif pour retenir ses équipes. Plus jeune, j’ai été marqué par le film Garçon ! de Claude Sautet. C’est un modèle de ce que devrait être le repas du personnel”, envisage avec sincérité Alain Fontaine. “Lorsque je dis à un nouvel employé qu’il aura 45 minutes pour manger, il ne peut pas le croire. Ce moment a fortement changé, il est toujours convivial. Le chef parle du PSG avec les commis, mais je suis frappé de les voir manger ensemble en salle - alors qu’ils ont un réfectoire -, tous plongés dans leur portable. Pour le menu, ils ont 3 ou 4 choix et uniquement du frais. Les fournisseurs nous offrent des échantillons : andouillettes, glaces... On respecte les religions, les régimes. L’alcool est interdit. Certains mangent double ration”, liste Stéphane Malchow, le directeur de la brasserie parisienne Mollard.
“Au Petit Nice, le chef élabore, chaque semaine, le menu des équipes. Tous les départements de la cuisine sont mis à contribution. On ne transige pas sur la qualité avec deux fois de la viande et trois fois du poisson par semaine. Avant Noël, il y avait du lièvre à la royale, une autre fois de la bouillabaisse. Pas de congelé et toujours une entrée, plat et dessert. Le coût pour l’entreprise est bien supérieur à l’indemnité légale mais la première chose à faire pour respecter ses collaborateurs, c’est de bien les nourrir”, certifie Gérald Passedat. “Comme à un client, lorsqu’un employé arrive chez nous, on lui demande quel est son régime ou s’il a des allergies. C’est un écueil de sociabilité”, vient conclure le président de l’AFMR.
Publié par Francois PONT