On ne l'attendait pas à cet endroit, perdu au milieu d'une zone artisanale. Après plus de quinze ans d'absence, l'ancien étoilé Bruno Sohn fait son retour à Obernai (67), en toute discrétion. Il a ouvert cet été Mon Bistrot (35 couverts) dans une ancienne pizzeria à emporter. "Cela faisait un an que je cherchais un local. Je voulais une terrasse et un parking, chose introuvable en centre-ville. Ici, j'ai les deux, confie le chef, avant d'ajouter. J'ai toujours été dans des endroits improbables. Si la cuisine est bonne, les gens se déplacent."
Bruno Sohn n'en est, en effet, pas à son premier défi. En 1992, il obtient une étoile au guide Michelin alors qu'il officie au Foyer des pêcheurs à Illkirch (67), un restaurant situé au bord d'un étang en pleine forêt. Il ouvre ensuite Le Cerf, toujours à Illkirch, avant de s'installer en 1995 à Obernai à La Table de Bruno. Là, en 1999, il obtient une nouvelle étoile, mais "les banques (l)e lâchent". Il dépose alors le bilan. "Ce n'est pas évident de tout laisser comme ça, d'avoir travaillé pendant cinq ans pour rien", regrette-t-il.
"Une vie de pacha"
"Usé", cet "anticonformiste" quitte alors l'Alsace pour Hong Kong. Il lui fallait parcourir 12 000 km pour redémarrer. Il multiplie les expériences, travaille pour des restaurants luxueux, côtoie la jet set. Son CV impressionne : chef à l'hôtel Island Shangri-La, un 5 étoiles hongkongais, cuisinier personnel du milliardaire russe Roman Abramovitch (propriétaire entre autres du club de football de Chelsea), chef exécutif au Palais de la Méditerranée à Nice puis sur un yacht de luxe en Grèce. Là, il mène "une vie de pacha", "travaille les meilleurs produits dans un Relais & Château flottant"... De beaux souvenirs.
Aujourd'hui, de retour dans sa région natale, Bruno Sohn aspire à plus de simplicité. La décoration de son bistrot en est le reflet. Tout comme sa cuisine d'inspiration italo-niçoise, plus épurée, plus sage. "À l'époque de la Table de Bruno, je travaillais le homard. Aujourd'hui je lui préfère les sardines et l'anchois. Je vais à l'essentiel", sourit-il. À l'ardoise (qui change tous les deux ou trois jours), on trouve une sélection réduite d'entrées, de plats et de desserts et, le midi, un plat du jour à 10-12 €. Parmi ses propositions, des rillettes de sardine à la marjolaine (12 €), une frégola sarde cuisinée comme un risotto, calamars et gambas (22 €) mais aussi des pizzas, la classique Margarita (18 €) ou la blanche à la truffe d'été (21 €). Côté douceurs, un tiramisu à la mirabelle confite amaretti (9 €). Plus de simplicité pour se faire plaisir, souffler. "Je ne veux plus de pression. Je ne vise pas du tout l'étoile Michelin. Un Bib Gourmand, ce serait bien."
Publié par Sonia DE ARAUJO