"Le système coopératif est devenu un modèle"

Pour plaire aux investisseurs, les chaînes intégrées doivent souvent adapter leur stratégie, voire modifier leurs enseignes. D'autres réseaux combinent autonomie et ancrage territorial, mais apportent des services similaires : ce sont les coopératives, un modèle d'organisation qui s'installe lentement dans le paysage hôtelier. Entretien croisé entre le président de la Fédération du commerce associé (FCA), Guy Leclerc, et Jean Lavergne, président du directoire de la Société européenne d'hôtellerie (SEH).

Publié le 16 février 2012 à 13:04
L'Hôtellerie Restauration : la SEH a choisi la forme de coopérative. En quoi ce statut se distingue-t-il des autres dans l'hôtellerie ?
Jean Lavergne (SEH) : Le parc hôtelier s'est beaucoup complexifié. Initialement, il y avait deux blocs distincts, les chaînes intégrées et les chaînes volontaires. Actuellement, nous recensons 6 modèles différents, autant en termes de structure que d'organisation, sur le marché français. Le premier bloc est représenté par les chaînes capitalistiques détenues par des structures financières et, notamment, des fonds d'investissements. Le deuxième comprend les réseaux d'indépendants, le plus souvent détenus par un actionnaire principal ou un groupe d'investisseurs. Le troisième est constitué par de petits groupes d'hôtels appartenant à une seule personne. Les réseaux associatifs forment le quatrième bloc, tandis que le système de la fédération, largement 'aidée' par les collectivités locales, forme le cinquième. Le sixième bloc comprend les réseaux d'indépendants unis en coopérative. C'est le statut de la SEH, par exemple, où chaque hôtel est réuni sous une enseigne, chacun étant actionnaire du réseau. Certains réseaux peuvent aussi disposer d'une image internationale.
Selon nous, Société européenne d'hôtellerie, le régime coopératif demeure un système attractif pour l'hôtelier indépendant, car il lui garantit une plus grande liberté d'action tout en lui proposant toute la gamme de services d'une chaîne intégrée : commercialisation, marketing, programme de fidélité, image de marque, achats, formation, qualité, e-distribution…

Outre l'autonomie, en quoi les coopératives demeurent-elles attractives pour les hôteliers ?
Guy Leclerc (FCA) : La première qualité de la structure coopérative est la réactivité. Les entrepreneurs de terrain sont, en effet, en permanence en contact avec le consommateur et peuvent donc prendre plus rapidement les décisions stratégiques. Composés d'entreprises de proximité, de petite taille généralement, les réseaux coopératifs sont installés durablement dans leur région. Les associés connaissent parfaitement leur région, leur clientèle et le marché local. À la différence de groupes intégrés où la mobilité des directeurs de points de vente ne permet pas d'instaurer un ancrage et une connaissance aussi poussée, les associés ont aussi l'esprit 'commerçant'.

Cette forme de groupement est d'ailleurs particulièrement performante. Depuis plus de dix ans, la Fédération du commerce associé publie des résultats qui font état d'une croissance supérieure à celle du commerce de détail français, tous secteurs confondus. Autre élément important, la pérennité. En ces temps de crise, le taux de survie dans une entreprise coopérative est deux fois supérieur à celui d'autres formes d'organisations commerciales. Enfin, ces entreprises sont non délocalisables.

Jean Lavergne : Le système coopératif s'appuie d'abord sur des valeurs humaines : la solidarité, l'entraide et l'échange. À titre d'exemple, nous travaillons actuellement à la mise en place d'un dispositif pour soutenir les jeunes qui souhaitent reprendre une entreprise indépendante ainsi qu'à des schémas de transmission d'entreprise.

Guy Leclerc : Je dis souvent que les grandes enseignes ont le regard fixé sur leur valeur en Bourse, alors que l'entrepreneur, lui, a le regard fixé sur ses produits. L'entreprise indépendante - l'hôtel en l'occurrence - a un rôle à jouer dans le territoire. Il crée de l'emploi et de la richesse qui permet de faire vivre des zones rurales parfois désertées.

Jean Lavergne : autre élément attractif, la simplicité. Les décisions à prendre dans l'entreprise sont plus simples. Alors que les directeurs d'hôtels de chaînes intégrées au modèle capitalistique ont dix mille mémos à considérer avant de prendre la moindre décision, l'hôtelier coopérateur, lui, aura deux objectifs : assurer le remplissage de son hôtel, et fidéliser sa clientèle par un service personnalisé et chaleureux.

Pourtant, le poids des coopératives dans le parc hôtelier reste encore minime. Comment expliquer ce manque d'intérêt ?

Jean Lavergne : L'hôtellerie ne s'est intéressée que très tard à ce genre de statut. Aujourd'hui, la SEH représente 3 % des hôtels en France et 4 % du parc chambres, ce qui est peu, même si nous avons vu apparaître depuis d'autres réseaux coopératifs. En revanche, nous sommes conscients d'avoir un vrai déficit d'image. C'est pourquoi nous devons renforcer la communication autour des valeurs de ce modèle économique.

Guy Leclerc : Les coopératives ont vu le jour au XIXe siècle. Si elles ont subi une véritable évolution, passant du stade de centrale d'achat à celui de réseaux d'enseigne, elles ont eu du mal à s'imposer et à se faire connaître. Beaucoup confonde encore coopérative avec collectivisme. Avec la crise, et parce que les entreprises issues de ce modèle ont obtenu des niveaux de performances reconnues, le système coopératif est devenu un modèle. En période de crise, on cherche refuge dans des valeurs d'entraide et de solidarité, d'où un nouvel engouement pour ce système.

Quelles sont les attentes de la SEH en tant qu'adhérent de la FCA ?

Jean Lavergne : Nous sommes adhèrent depuis une dizaine d'années et les échanges d'expériences avec des réseaux différents de l'hôtellerie nous ont permis de progresser. La Fédération nous a apporté son expertise pour réaliser la fusion avec la coopérative Relais du Silence. Mais ce que nous attendons pour nos hôteliers, c'est un accompagnement juridique et financier mais aussi humain.

Guy Leclerc : Comme cela est inscrit dans nos statuts, nous faisons la promotion de notre modèle coopératif auprès de tous les métiers comme auprès des pouvoirs publics. Nous abordons toutes sortes de sujets : la fiscalité, le statut de coopérateur, les dispositifs d'aide à la reprise d'établissements. Nous travaillons sur des valeurs comme la confiance, la mutualisation, la transparence et l'échange d'expériences.

Nous proposons ainsi à nos adhérents des lieux de rencontre pour qu'ils puissent échanger justement. Nous leur apportons des outils tels qu'un système de veille juridique ou encore des séances de formation thématique, et leur recommandons des experts qui peuvent être utiles.

L'année 2012 est l'année des coopératives selon les Nations unies. Quelles actions de communication préparez-vous à cette occasion ?

Guy Leclerc : Nous allons multiplier les actions de communication auprès de nos adhérents, et des médias en présentant la coopérative comme un outil moderne de développement pour les PME. Plus que jamais nous croyons en notre message : "S'associer pour gagner."

Jean Lavergne : Nous venons de lancer un vaste mailing auprès de tous les hôteliers indépendants français pour leur montrer les avantages de notre système. En tant que 1er groupe coopératif multimarque européen d'hôtellerie indépendante, nous présentons la force de notre réseau qui, tout en laissant à l'hôtelier une entière liberté de gestion, est structuré comme n'importe quel réseau de chaîne intégrée, avec des canaux de distribution modernes, et un éventail d'enseignes complémentaires auxquelles ils peuvent adhérer. Nous espérons pouvoir les convaincre, car si 2012 est l'année des coopératives, nous travaillons déjà à l'après 2012.

Publié par Propos recueillis par Évelyne de Bast



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