Le tribunal de commerce de Paris a jugé, le 25 septembre 2023, que le locataire-gérant devait payer au propriétaire du fonds de commerce 100 % des loyers et des redevances dus pour la période covid du 15 mars 2020 au 21 juin 2021. Cette décision est innovante car les redevances à payer par les locataires-gérants sont réduites de 20 à 50 % dans la plupart des affaires jugées par les tribunaux de commerce.
Le locataire-gérant en question n’avait pas payé les redevances pour la période du 15 mars 2020 au 21 juin 2021. Il demandait au tribunal d’annuler sa dette de 206 544 € à l’égard de son propriétaire, ou de la réduire à 3 201 €, car :
- il a subi baisse du chiffre d’affaires pendant la période covid ;
- le propriétaire ne lui a pas transmis de clientèle, et ne lui a donc pas délivré un fonds de commerce conforme ;
- le propriétaire n’était pas de bonne foi ;
- les subventions de l’État et les exonérations de cotisations sociales étaient insuffisantes pour couvrir ses charges fixes ;
- il n’y avait pas de fonds de commerce à exploiter et donc il y avait une perte de la chose louée.
Le tribunal lui a donné tort compte-tenu de la rédaction du contrat de location-gérance, car :
- il n’était pas indiqué que le montant de la redevance dépendait de la variation du chiffre d’affaires ;
- ce sont des décisions administratives, indépendantes de la volonté du propriétaire du fonds, qui ont empêché la clientèle d’accéder aux locaux. De plus, le locataire-gérant avait la possibilité de faire de la vente à emporter aux périodes autorisées, car elle était permise dans le contrat.
Bonne foi des propriétaires du fonds de commerce
Les deux parties ont subi toutes les deux les conséquences de ces mesures : le propriétaire du fonds de commerce sur la valeur du commerce et le locataire-gérant sur les redevances à payer. Le propriétaire du commerce a, lui, reporté le paiement de la redevance d’un trimestre, n’a pas demandé la résiliation du bail, et a appelé à plusieurs reprises le locataire-gérant à négocier et à ce qu’il sollicite son assureur pour garantir les pertes de revenus, ainsi que sa banque pour l’octroi d’un prêt garanti par l’État (PGE). De plus, le fonds de commerce était le seul revenu de ses propriétaires.
Les propriétaires du commerce étaient donc de bonne foi car ils ont tendu la main au locataire-gérant de manière à ce qu’ils partagent ensemble les conséquences de la pandémie, alors que celui-ci restait ferme sur sa position.
La loi prévoit que le locataire gérant exploite le fonds à ses risques et périls, sauf s’il est prévu autrement dans le contrat de location-gérance. Or, le contrat de location-gérance précisait : “les pertes éventuelles d’exploitation seront supportées par le preneur sans recours possible contre le propriétaire ”. Enfin, le contrat prévoyait qu’en cas d’événements imprévisibles, il était possible pour le locataire-gérant de renégocier le contrat avec le propriétaire, à condition d'exécuter ses obligations durant la négociation. Or, il n'en a rien fait.
Cette jurisprudence concerne tous les contrats de location-gérance mais elle peut aussi être transposée aux locataires commerciaux et à tous les loyers et redevances, car les obligations des parties sont légales et dépendent surtout du contenu du contrat.
Publié par Sophie Petroussenko, avocate