Natalie Hautecouverture n'est pas issue du sérail. Après une école de commerce, elle a opté pour une carrière de responsable marketing chez Bic car "le secteur de l'hôtellerie-restauration lui faisait un peu peur étant jeune". Dix années passent. À 37 ans, son challenge est de devenir chef d'entreprise. "Je suis revenue à ma première passion : la cuisine", avoue cette reconvertie, qui a concrétisé son objectif par une formation intensive de quatre mois chez Alain Ducasse Formation. Reste à trouver le concept. "En tant que jeune maman, je me suis aperçu qu'il était difficile d'avoir du temps pour soi le soir pour, par exemple, faire une sortie restaurant-cinéma." De là naît l'idée d'ouvrir un restaurant-cinéma. Natalie Hautecouverture décide donc de monter un business plan et démarche les mairies du nord-est parisien, explique son projet. Celle du Xe arrondissement répond favorablement et lui propose le rez-de-chaussée d'un immeuble. Début janvier 2013, les travaux débutent dans ce local de 200 m² situé rue René Boulanger. En juin, Les Bobines ouvre ses portes. Au total, il aura fallu trois ans pour passer de l'état de projet à l'ouverture.
"Je n'ai pas eu à acheter de fonds de commerce. C'est un vrai avantage puisque c'est moi qui le crée. Et je n'ai donc pas de mauvaise surprise", constate Natalie Hautecouverture. Seule contrainte : il faut respecter l'architecture (extérieure comme intérieure) du bâtiment. Autre détail d'importance, le lieu est classé comme établissement recevant du public de 4e catégorie au lieu d'une 5e catégorie pour un restaurant classique. Ce qui implique les contraintes de sécurité inhérentes aux salles de spectacle : issue de secours, alarme incendie, suivi par un bureau de contrôle... Les murs laissés à l'état brut, les tuyaux apparents font penser à un entrepôt désaffecté. Des affiches de films dans les tons rouges, et des tables gravées de répliques célèbres complètent le décor. L'investissement s'élève à 400 000 €. Des frais que Natalie Hautecouverture supporte avec son associée, Amel Ben Meriem.
Formules le midi, tapas le soir
Le restaurant de 50 places (plus 30 en terrasse) se situe au rez-de-chaussée du bâtiment, tandis que la salle de cinéma de 40 sièges (des poufs et des grands canapés confortables) est au sous-sol. L'établissement étant situé dans un quartier d'affaires, seules deux formules sont proposées le midi : entrée/ plat ou plat/ dessert à 15 €, ou entrée/ plat/ dessert à 19 €. Des plats simples, copieux et faits maison, concoctés par le chef Maxime Lefort, ancien de l'Hôtel Saint James à Paris (XVIe) : Œuf bio, mousse d'asperge et ventrèche poivrée ; Tartare de boeuf charolais, pesto, parmesan et pommes de terre grenaille ; Mi-cuit au chocolat, framboise, piment d'Espelette, glace chocolat caraïbe. Le soir, l'établissement table uniquement sur des tapas salées et sucrées (de 3,90 € à 9 €) comme la crêpe parmentière au saumon fumé et sa crème fouettée combawa ou la Piña colada revisitée (espuma au rhum, sorbet de fruits exotiques et salpicon d'ananas). "Nous voulons que le service soit rapide de 20 à 22 heures - d'où les tapas - pour que la clientèle puisse descendre après en salle de projection", dit Natalie Hautecouverture. À l'affiche, un film récent par soir, du mardi au samedi.
Après un mois d'activité, Les Bobines enregistre 70 couverts par jour, pour un ticket moyen de 20 € le midi et 35 € le soir. Un ajustement a été nécessaire : devoir prendre 4 tapas minimum pour avoir accès au film gratuitement. "Nous ne faisons pas payer la séance. Mais certaines personnes ne prenaient qu'une consommation, voire une tapas. Nous avons donc dû instaurer cette règle" constate celle qui paie, bien sûr, des droits pour projeter les films. À la rentrée, Natalie Hautecouverture prévoit "de mettre en place des brunches-ciné ou goûters-ciné avec dessin animé pour les enfants". On lui a même demandé de privatiser le lieu. À ne pas négliger, elle compte sur les guides de cinémas pour se faire connaître ; mais aussi sur les réseaux sociaux et les blogs. Celle qui n'était pas restauratrice il y a quelques mois, mène son bout de chemin, et apprend à démarcher fournisseurs et viticulteurs pour parfaire sa carte. Mais, elle "ne regrette pas de s'être lancée. Même si c'est un chamboulement".
Publié par Hélène BINET