Le café ne cesse de se moderniser, porté par de nouveaux acteurs, qui propagent sa culture. Torréfacteurs artisanaux, baristas passionnés et grandes chaînes internationales participent à en faire un produit infiniment tendance. Tour d'horizon.
Les nouveaux torréfacteurs
Avec une ou plusieurs boutiques, les torréfacteurs artisanaux veulent faire connaître les arômes du café fraîchement torréfié, les crus différents ou les assemblages de leur création et ne laissent pas les chefs indifférents. Terres de café est une marque créée par Christophe Servell en 2009. Audit, vente et location de machines, formation, assemblage sur mesure et service après-vente, l'enseigne propose différentes formules aux professionnels visant toutes le suivi régulier des machines. Il n'y a pas de bon café sans machine bien entretenue. Lieu de vente et de dégustation, la 4e boutique comptoir Terres de café vient d'ouvrir à Paris, avec une vingtaine de variétés, des grands crus, des blends et un assemblage spécialement créé pour la boutique. Selon Pauline Mayot, qui travaille sur le développement commercial de la marque, "la tendance est au cru, au café de terroir et si l'on peut donner le nom de la ferme, c'est encore mieux". L'engagement sur l'origine et la traçabilité traduit le sérieux du torréfacteur, sans compter qu'il est aussi sourceur et a envie de faire partager ses découvertes à ses clients. Dans le cadre d'une maison de café, ces noms aux consonances exotiques permettent au client de voyager le temps d'un café et, même s'il ne visualise pas la région de production (à moins qu'il ne connaisse le Costa Rica ou l'Éthiopie), le nom de la ferme est déjà gage d'évasion. Revient au professionnel de faire durer le rêve en détaillant les arômes et les qualités du café qu'il sert. Bref, une découverte et un plaisir partagé.
Après cinq ans passés à Melbourne (Australie) à se former auprès de torréfacteurs, Antoine Nétien ouvre, avec son associé australien Tom Clarck, Coutume café (Paris, VIIe) en 2010. Un lieu atypique, avec son imposant torréfacteur dans le fond de la salle, son mobilier scandinave et ses clients buvant leur café les yeux rivés sur leur ordinateur. Grâce à son équipement de pointe (une Marzocco) et son envie de faire découvrir, Coutume café décline le p'tit noir sous différentes formes. À la carte, les clients choisissent parmi les origines et les extractions, expresso, café noir, système goutte à goutte (24 heures pour un café) ou 'café siphon'. Ce café épais se préparait dans les palaces parisiens jusque dans les années 1970. On le retrouve aujourd'hui à l'hôtel George V (VIIIe) fourni par Coutume café grâce à une machine rééditée au Japon. Autre client, l'Hôtel de Vendôme (Ier), qui propose l'après-midi le 'Coffee Time' avec ses pâtisseries et ses cafés grands crus. Coutume café les accompagne de l'installation de la machine aux assemblages désirés. Et le résultat d'un café considéré avec la même exigence qu'un autre produit de gastronomie est là…
Antoine Nétien et son associé font partie d'une communauté très active sur internet qui réunit des torréfacteurs passionnés à travers le monde. Certains venant de pays dans lesquels la culture du café était inexistante il y a peu encore, d'autres parcourant les plantations à la recherche de grains exceptionnels et qui proposent d'acheter en commun. Antoine Nétien veut créer un même réseau en France, avec chacun ses spécialités, et se réjouit de l'arrivée de nouvelles enseignes, "ça donne une dynamique et contribue à faire connaître le café de qualité".
Le barista
Ce terme d'origine d'italienne désigne aujourd'hui le professionnel hautement qualifié dans la préparation du café et plus seulement celui qui se tient derrière le comptoir pour le servir. Le barista est devenu un expert dans la connaissance du café, ses variétés, ses qualités organoleptiques et dans l'art de le préparer. À l'image des barmen, la dextérité de ce 'sommelier du café' peut s'avérer très visuelle et spectaculaire, d'où les concours et les tournois de plus en plus nombreux. La France compte des initiatives locales comme chez Coutume café, des concours organisés par les marques de café, comme Malongo auprès des étudiants et des professionnels, mais aussi son championnat… En janvier 2011 au Sirha de Lyon, se tenaient pour la première fois les championnats de France de Barista, de Cuptasting (reconnaître les spécificités organoleptiques des cafés) et de Latte Arte (l'art de réaliser des dessins sur la mousse de lait d'un expresso). Et pour la 4e année consécutive, la France a participé à la sélection pour le World Barista Championship qui s'est tenue à Bogota (Colombie) en juin 2011. Les prochains championnats de France se tiendront du 4 au 6 juin 2012 dans le cadre du Salon du bar et des barmen à Paris, avec également le championnat de France de Coffee in Good Spirits (inscription sur www.scaefrance.org).
Les nouveautés des géants
Illycaffè crée les 'monoarabicas' et développe ses Espressamente
Depuis sa création en 1933, Illy produisait un seul et unique mélange de neuf arabicas. En 2011, la volonté "d'entrer dans un parcours pédagogique", selon Erika Le Noan, directrice Illy France, donne lieu au lancement de trois 'monoarabicas' issus des neuf du mélange et simplement baptisés Guatemala, Éthiopie et Brésil. Illy organise en 2011 un voyage au siège à Trieste, pour sensibiliser les chefs à ces produits. Ainsi, Michel Portos découvre "le savoir-faire de la marque, la recherche esthétique, son côté high-tech et son esprit très familial". Le chef s'interroge : "Est-ce que le client sera attentif à ce que son café soit un monocépage ?" Lorsqu'il est arrivé au Saint-James (Bouliac, 33), le chef avait créé un café avec un torréfacteur, mais "les clients ne se retrouvaient pas dans son goût". Ce qui compte pour lui est de servir "un bon café", aussi le chef trouve indispensable que, chaque mois, un technicien Illy vienne vérifier et nettoyer les machines. Proposés aux professionnels, les 'monoarabicas' sont aussi servis dans les Espressamente, ces coffee shop à l'italienne lancés en 2006 et déclinés dans le monde entier (200).
McCafé crée une école et lance son concours : les Bari'Stars
L'enseigne née en Australie en 1993 s'est étendue ensuite en Asie, aux États-Unis et en Europe. La France a découvert son premier McCafé à La Défense en 2004, et en compte 150 aujourd'hui (plus de 12 % des restaurants McDonald's ont un McCafé). 250 à 300 points de vente sont prévus d'ici trois ans. En 2011, la marque a lancé son petit déjeuner à la française (avec pain baguette), ainsi que le premier concours Bari'Stars auprès des baristas des McCafés. Actuellement, elle communique sur la McCafé École et le savoir-faire des 500 baristas qu'elle forme chaque année, "une institution pointue qui enseigne aux futurs experts l'histoire du café et la maîtrise des nombreuses techniques utilisées au quotidien dans les 150 McCafés de l'Hexagone", d'après la marque.
Starbucks se met aux jus
La chaîne devenue emblématique du café cherche, elle, à se diversifier et vient de racheter la marque de jus de fruits Evolution Fresh. Pour Howard Schultz, président de Starbucks Coffee Company, "notre intention est de construire une marque en accord avec les enjeux de santé et de bien être actuels et d'en tirer parti grâce à nos ressources et la qualité de nos produits." Starbucks prévoit de nombreux investissements pour les installations existantes afin de faciliter la distribution de ce nouveau produit.
Dans ce renouveau du café, priment la qualité et la fraîcheur du café, les machines performantes, le savoir-faire du barista, mais aussi toute l'ambiance créée autour du produit. Après l'explosion de l'enseigne Starbucks dans les années 1990 et 2000, les nouvelles chaînes ne se privent pas de ce concept qui allie la culture italienne du comptoir où l'on échange avec le barista et la culture anglo-saxonne du lieu où l'on se sent 'comme à la maison'. Le boom du bon café en France ne fait-il que commencer ? D'après Antoine Nétien, de nouvelles enseignes, comme l'australienne Toby's Estate (www.tobysestate.com.au), prévoient de s'installer bientôt dans l'Hexagon. "Attention, prévient-il, leurs concepts sont super rôdés. On devrait de plus en plus entendre parler du café dans les années à venir".
Publié par Caroline MIGNOT