"Je ne me destinais pas à devenir sommelière", confie Mathilde Favre d'Anne. Son bac en poche, elle s'inscrit en cuisine au lycée hôtelier de Thonon-les-Bains (74), car les fourneaux comme les petits plats l'inspirent. "Mes premiers stages, dans le Sud de la France notamment, ont tous eu lieu dans les cuisines de restaurants", se souvient-elle. Malgré cela, à sa sortie de l'école, elle a la bougeotte. Elle part prendre des cours de management à l'université de New York (NYU). À son retour, elle se marie avec le chef Pascal Favre d'Anne, qu'elle a rencontré au lycée de Thonon. Ensemble, ils partent un an travailler à l'ambassade de France de Colombie, à Bogota : lui en cuisine, elle au service comptabilité. Mais très vite, la France s'impose à nouveau.
Première descente à la cave
Le restaurant du Golf de Champigné (49), situé à une vingtaine de kilomètres d'Angers, leur ouvre ses portes. Puis ils font leurs premières armes en solo à l'Auberge de Mozé, toujours à Champigné. C'est là que Mathilde Favre d'Anne descend à la cave pour la première fois. "Je m'occupais de la salle et j'avais fait appel à un sommelier. C'est lui qui m'a appris le goût de la dégustation, sans me noyer sous les termes techniques." Un apprentissage sur le tas et sur le tard. Si bien que lorsque le sommelier a quitté l'auberge pour ouvrir sa propre cave à Angers, Mathilde Favre d'Anne a repris le flambeau. C'était en 2002. "Depuis, dit-elle, je me plonge dans le vin au quotidien. J'apprends tous les jours. C'est devenu une passion. Même en vacances, je participe à des dégustations."
En 2006, les Favre d'Anne font l'acquisition d'une demeure angevine, sur les bords de la Maine, qu'ils baptisent à leur nom. Le Favre d'Anne est né. Cette table de 40 couverts sera auréolée d'une étoile au Michelin moins de deux ans après. Si, d'emblée, Mathilde Favre d'Anne jette un oeil à la comptabilité de la maison, elle se positionne avant tout en tant que sommelière du lieu. Mieux : elle forme aussi les jeunes stagiaire. "Ils arrivent avec une formation théorique que je n'ai pas", reconnaît-elle. Mais cela ne la complexe pas. Elle leur apporte une autre approche du vin, leur parle de sensibilité, de rencontres - "je connais tous les viticulteurs avec lesquels nous travaillons" -, de sensations - "je reconnais certains vins rien qu'au nez".
Pour Mathilde Favre d'Anne, le vin est aussi une affaire de goûts. Si bien qu'elle est associée à tous les accords entre mets et vins. "Je participe aux essais, sachant que nous privilégions les vins du Val de Loire, comme nous misons avant tout sur les produits locaux." La carte, riche de 450 références, en recense 70 de la région. Quant aux pigeons, filets de boeuf, sandres, canards, fruits, légumes, huiles et herbes bio, ils viennent également d'Anjou. Conséquence : "85 % de notre clientèle nous suit dans le choix d'un vin pour un déjeuner ou un dîner." Avec cette souplesse de pouvoir proposer au verre la grande majorité des étiquettes en cave. Outre le Val de Loire, la sommelière propose des flacons de Savoie, du Jura, du Languedoc-Roussillon, de Bourgogne et du Sud-Ouest. Le Bordelais ? Elle y travaille : "Cet hiver, je pars à Pessac pour goûter de nouveaux millésimes."
"Savoir rester humble"
S'il est un conseil qu'elle donnerait volontiers à un futur sommelier, c'est de "savoir rester humble dans l'apprentissage de son métier." Une humilité qui l'incite à citer ses deux mentors : Bruno Bozzer, l'ex-sommelier de Marc Veyrat - "il m'a appris la dégustation dans la simplicité" - et Patrick Rigourd, des Halles Roseraie à Angers, avec lequel elle aime échanger. Car la sommellerie n'est pas un travail en solitaire pour Mathilde Favre d'Anne. C'est d'abord une histoire de rencontres.
Publié par Anne EVEILLARD