Michelin 2013 : Arnaud Donckele en quête d'émotion

Saint-Tropez (83) À 35 ans, le Rouennais décroche la 3e étoile pour le restaurant de la famille Delion, dans le golfe de Saint-Tropez. Une ascension ultra rapide pour un jeune chef inspiré.

Publié le 20 mars 2014 à 10:58

"Ce n'était pas tout à fait une surprise puisque, depuis deux ans, nous avons senti que la cuisine forte et personnalisée d'Arnaud Donckele, la formidable équipe du restaurant et la magnifique terrasse formaient un ensemble de plus en plus reconnu, déclare Jean-Claude Delion, propriétaire de la Résidence de la pinède à Saint-Tropez (83). Cette troisième étoile est une belle consécration. Mais le plus dur vient de commencer. J'ai bloqué à 45 couverts. Nous avons ouvert le 19 avril avec 45 nouveaux fauteuils, pas un de plus."

Le 19 avril était attendu avec impatience et un brin d'appréhension par Arnaud Donckele. L'obtention de la troisième étoile lui a été annoncée par Michael Ellis en février, alors que le restaurant était fermé. Depuis, les demandes d'information et de réservation ont afflué et toute l'équipe avait à coeur de se remettre à l'ouvrage.

Cela fait presque dix ans qu'Arnaud Donckele a posé ses valises à La Vague d'or. En 2004, il conserve l'étoile. En 2010, c'est la deuxième et en 2013, la troisième, à 35 ans. Le jeune Normand avait fait ses classes avant de rejoindre la famille Delion à Saint-Tropez. Il a commencé sa carrière en apprentissage chez Goumard-Prunier à Paris (Ier), puis Michel Guérard à Eugénie-les-Bains (40) en 1998, Alain Ducasse au Louis XV à Monaco en 1999, le Plaza Athénée (Paris, VIIIe) en 2000, et pour finir, Lasserre (Paris, VIIIe), avec Jean-Louis Nomicos.

 

Une cuisine ancrée dans son environnement

C'est en 2008 que le chef situe le grand virage, avec l'arrivée de Thierry Di Tullio, directeur de salle et Varois, et le feu vert de Jean-Claude Delion d'écouter son inspiration. "Pas facile, tout d'un coup, de faire disparaître le foie gras et de présenter de la liche ou de la sériole aux clients. M. Delion a eu le courage de me laisser faire", explique le chef. La rencontre entre Arnaud Donckele et Thierry Di Tullio a été déterminante. Ils sont sur la même longueur d'onde tant sur les goûts que sur l'exigence. Ils ont réfléchi à la cuisine du Sud et se sont interrogés sur leur environnement. "La cuisine sudiste utilise des produits locaux : aubergine, tomates confites… et des produits de saison. C'est bien, mais il y a des vieux plats de la région que l'on peut remettre au goût du jour." Cette réflexion entraîne de longues recherches dans les livres et dans le patrimoine local pour les deux hommes bien décidés à offrir à la clientèle internationale de l'établissement une cuisine originale ancrée dans son environnement. À tel point que la cuisson des poissons et des crustacés est réalisée dans leur environnement naturel, c'est-à-dire de l'eau de mer filtrée, ou que les plats sont présentés sur des pierres taillées remontées du fond de la Méditerranée. "Tout doucement, sans aucune prétention, nous avons cherché des éléments qui nous permettent de raconter une histoire de notre région."

Les recherches d'Arnaud Donckele se focalisent évidemment sur les produits locaux. "Pour moi, le produit n'est pas une abstraction mais une obsession. Ce n'est pas le cuisinier qui définit le plat, c'est le produit qui détermine sa vivacité et comment on va pouvoir l'amener à sa quintessence." Mais pour connaître le produit, il faut du temps. Deux ans de recherche pour mettre au point son plat à base de liche. Et les deux hommes parcourent les environs à la rencontre des producteurs, à la recherche de produits d'exception et de ceux qui sont prêts à travailler avec eux pour les mettre au point. La période de fermeture de l'établissement est aussi celle des recherches.

"Dans ma philosophie de travail, je considère que les recettes de ma cuisine ne forment que 60 % de l'ADN d'un plat. Les 40 % restants, c'est ce qui se passe tous les soirs en cuisine. Je goûte tout, les jus, les sauces, les sorbets, les pains… et je finis moi-même les plats, car c'est là que tout se joue. Je n'ai jamais manqué un seul service, c'est impossible", avoue le nouveau triple étoilé. Auprès de lui, Guillaume Gesson, second depuis trois ans, et Guillaume Godin, chef pâtissier (qui a commencé comme stagiaire à La Vague d'or).

"Ma plus grande préoccupation, c'est de créer de l'émotion, d'où, par exemple, le poste dédié à la sauce, car c'est ce qui apporte de l'émotion", explique Arnaud Donckele. L'obtention de la troisième étoile a créé, elle aussi, de l'émotion. "C'était un très grand moment, je suis très content pour mes équipes et mes propriétaires, reconnaît-il. Mais nos recherches vont continuer. Je n'ai que 35 ans, et j'ai encore tellement à apprendre et tellement à prouver. Je me considère comme un apprenti devant la nature."


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Publié par Nadine LEMOINE



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