Najat Vallaud-Belkacem : "Intégrer les évolutions du secteur à la formation est un moyen de favoriser l'insertion professionnelle"

Nommée à la tête de l'Éducation nationale le 26 août dernier, la nouvelle ministre a accepté de répondre à nos questions sur la formation en hôtellerie-restauration. De nombreuses réformes de diplômes sont en cours, des projets pour valoriser l'apprentissage et la formation initiale aussi. Rencontre.

Publié le 24 septembre 2014 à 13:49
L'Hôtellerie Restauration : Aux assises du tourisme, Laurent Fabius a dévoilé une stratégie autour de cinq axes, parmi lesquels "développer la formation", et trente décisions dont : "Mettre en place à la rentrée 2015 un baccalauréat technologique hôtellerie-restauration." Pouvez-vous nous en dire plus ?

Najat Vallaud-Belkacem : Aujourd'hui, la filière hôtellerie-restauration accueille près de 100 000 élèves, étudiants et apprentis dans les différentes formations, du CAP au BTS. Dans le domaine des services, elle constitue ainsi l'un des secteurs professionnels les plus représentés sur le territoire, avec plus de 300 lycées publics et privés, qui offrent des formations sous statut scolaire et 250 centres de formation d'apprentis. Les CAP représentent encore plus de 40 % de l'offre globale de formation, tandis que les baccalauréats professionnels en représentent un tiers. Les BTS du secteur - plus de 7 000 étudiants aujourd'hui - ne cessent de progresser, en réponse à un besoin d'élévation générale des niveaux de qualification qui se traduit également par une demande de poursuite d'études après le BTS, en licence professionnelle et en master.

Pour satisfaire à cette demande croissante d'accès aux études supérieures, la mise en place d'un baccalauréat technologique conforme aux principes actuels du lycée s'est imposée, car s'il existe déjà un baccalauréat technologique dans ce secteur, sa réglementation remonte aux débuts des années 1990. Il visait à permettre une poursuite d'études et, dans une moindre mesure, une insertion dans le monde professionnel. Une particularité devenue aujourd'hui porteuse d'ambiguïté vis-à-vis du baccalauréat professionnel dont la finalité est précisément l'insertion. Le nouveau baccalauréat technologique doit devenir une voie de formation ambitieuse, destinée à former des bacheliers possédant une solide culture générale, mais aussi des connaissances scientifiques et technologiques propres à préparer des poursuites d'études dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Sur les trois années du second cycle de l'enseignement secondaire, il comportera un enseignement général destiné à apporter les bases culturelles et scientifiques conformes aux objectifs communs du lycée, mais adaptées aux enjeux du secteur. Les langues étrangères seront ainsi valorisées, y compris dans le cadre d'ateliers technologiques. De même, les enseignements d'histoire et de géographie favoriseront l'étude de thématiques en rapport avec les centres d'intérêt du secteur. L'enseignement technologique sera polyvalent - cuisine, restaurant, hébergement -, de façon à le distinguer clairement de la voie professionnelle. Enfin, un enseignement économique, juridique et de gestion sera proposé. Il sera principalement orienté sur les caractéristiques propres de ce secteur d'activité. La mise en place en classe de seconde est prévue à la rentrée de septembre 2015.

Le secteur de la restauration est le premier pourvoyeur d'emplois. Toutefois, le recrutement est bien plus délicat en salle qu'en cuisine. Quelles sont vos priorités en matière d'orientation pour mieux faire connaître ces métiers ?

Sur l'attirance des jeunes pour les métiers de la production culinaire, on ne peut s'empêcher d'y voir l'impact d'un certain engouement médiatique autour de la cuisine. Pourtant, en matière de création, ce que l'on appelle 'les arts de la table' ne sont pas en reste et le secteur de l'hébergement propose des métiers très diversifiés. Les tensions en matière de recrutement renvoient aussi les professionnels du secteur à leurs responsabilités. Ils ont un rôle essentiel à jouer pour faire évoluer les représentations, qu'il s'agisse de la variété et de la richesse des métiers, mais aussi des conditions de travail, de la rémunération et de la progression dans la carrière. Nous allons mettre en place pour tous les élèves, du collège au lycée, le 'parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel' créé par la loi de refondation de l'école. Il s'agit d'apporter aux élèves des connaissances, des compétences et des attitudes actives qui leur permettront de préparer leurs choix de formation et leur insertion professionnelle, du collège au lycée et du lycée vers l'enseignement supérieur. Pour réussir ce parcours, il faut que les branches professionnelles s'engagent dans sa mise en oeuvre. C'est ce que nous leur avons demandé dans le cadre de la grande conférence sociale. Il y a de nombreuses et de bonnes initiatives de coopération au niveau des lycées professionnels et des lycées technologiques, il faut les fédérer et les adapter afin qu'elles bénéficient aussi aux collégiens pour les aider dans leur orientation.

Quels sont vos prochains chantiers pour la formation dans le secteur des CHR ?

Comme beaucoup d'autres, les métiers de l'hôtellerie et de la restauration connaissent de fortes mutations : la personnalisation des demandes des clients, la diversification des modes et de concepts de restauration, l'ouverture à l'international, le poids croissant du numérique, les considérations liées à la santé, à la sécurité, au développement durable entraînent des changements profonds. De même, l'élévation des niveaux de qualification répond aux besoins d'intégrer davantage de paramètres professionnels, en matière de normes par exemple. Ces évolutions renouvellent les besoins en termes de compétences, de qualification. Les intégrer à la formation est un moyen de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. Dans le cadre de la grande conférence sociale, nous avons proposé aux branches - représentées par des employeurs et des salariés au sein des commissions professionnelles consultatives - de s'impliquer davantage dans la rénovation des diplômes. En particulier, d'assurer la rédaction des référentiels d'activité professionnelle, c'est-à-dire la description détaillée du métier visé par le diplôme, mais aussi la rédaction du référentiel de certification pour les compétences professionnelles. Cela concernera naturellement la 17e commission professionnelle consultative, au sein de laquelle trois CAP du secteur, dont le CAP cuisine, doivent être rénovés au cours de cette année scolaire. Pour y parvenir, il faut que les branches jouent le jeu, c'est-à-dire que les experts qui participent à ces travaux soient des professionnels reconnus, actifs et intéressés par les questions de formation. Du côté des services de l'Éducation nationale, j'attends qu'ils travaillent plus rapidement, le chantier de rénovation ne devrait pas excéder un an, et peut-être aussi de manière plus rationnelle, avec des échéanciers et des partages de responsabilités plus précis. J'attends de ces changements qu'ils améliorent la qualité des diplômes, mais aussi qu'ils contribuent à la qualité de la formation.

Publié par Propos recueillis par Hélène Binet



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