Nicolas Le Bec rebondit en Chine

Shanghai (Chine) Après avoir quitté Lyon avec fracas, l'ex-étoilé Michelin poursuit sa carrière à Shanghai. Rencontre.

Publié le 29 juillet 2015 à 12:57

"J'ai choisi la cuisine car je voulais rentrer le plus rapidement possible dans la vie active. Après mon CAP, je suis parti à New York travailler dans les restaurants de mes oncles, puis j'ai entamé un tour de France gastronomique. J'ai notamment été cuisinier pâtissier chez les frères Pourcel, Alain Passard et Jean-Pierre Vigato, et j'ai décroché mon premier poste de chef à La Réserve de Beaulieu, à Beaulieu-sur-mer. J'ai ensuite rejoint Les Fermes de Marie à Megève, un établissement créé par Jean-Louis Sibuet, avant de devenir chef exécutif de son groupe et de gagner une étoile Michelin pour l'un de ses restaurants, celui de l'hôtel La Cour des loges, à Lyon.

Fin 2003, j'ai quitté le groupe pour monter mon propre restaurant gastronomique à Lyon, rue Grôlée. C'était plein dès le premier jour ! Cinq ans plus tard, nous avons été sollicités par le groupe SSP pour ouvrir L'Espace Le Bec dans l'aéroport de Lyon. Cet espace moderne de 1 000 m² a été une bonne expérience, même si l'univers aéroportuaire n'est pas évident : il y a beaucoup de surcharges, comme les taxes d'aéroport et les commissions de sécurité. En 2009, nous avons lancé la Brasserie Rue Le Bec, un lieu de vie de 2000 m² dans le nouveau quartier de La Confluence. On avait un immense chai à vins, une salle de 300 couverts, un club cigare, un petit restaurant gastronomique de 20 couverts, un kiosque à fleurs, un pôle sushi…

Mais 200 salariés, cela devenait très lourd. J'ai vendu l'établissement de la rue Grôlée à Georges Blanc. J'ai prévenu les banques, le maire et le promoteur que je mettais en vente Rue Le Bec. Les banques m'ont demandé de rembourser l'emprunt de 5 millions d'euros en un mois, et le restaurant a été placé en redressement judiciaire. Des investisseurs m'avaient contacté pour ouvrir un établissement comparable à la Rue Le Bec dans un hôtel en Chine. Ma femme est chinoise, j'adore l'Asie, le projet nous a plu. Je suis alors parti à Shanghai, et la justice s'est occupée du reste en France. 
 
Un succès immédiat en Chine

Une fois arrivé en Chine, tout ne s'est pas passé comme prévu. Les tours destinées à héberger le projet n'étaient pas prêtes - elles le seront en 2016. Nous avons donc développé un autre concept, la Villa Le Bec. Cette maison est un bon moyen de tester le marché. Mais avant l'ouverture, ce fut un grand moment de solitude… Fallait-il faire du traditionnel, du moderne, de la fusion ? Utiliser des baguettes ou des fourchettes ? Faire du bistrot ou du gastro ? J'ai finalement opté pour du traditionnel, de type bistrot. Quatorze mois après l'ouverture, nous faisons 300 couverts par jour, avec une clientèle à 80 % asiatique. Plusieurs paramètres peuvent expliquer ce succès immédiat : l'engouement des réseaux sociaux, le charme du lieu, son jardin, le fait que les clients me voient aux fourneaux dans la cuisine ouverte… Nous importons également nos vins en direct. Nous avons probablement la plus belle carte de vins français de la ville, à des prix sympatiques, ce qui évite que les clients ne viennent avec leurs bouteilles. Après l'été, nous comptons également ouvrir une salle gastronomique de 20 couverts. 

Un marché compliqué

En Chine, rien n'est impossible, mais rien n'est simple. Les licences de restaurant sont compliquées à obtenir. Beaucoup de produits sont interdits à l'importation. Les journées sont longues, avec les afternoon teas et jusqu'à trois services le soir. La main-d'oeuvre n'est pas formée, car il n'y a pas d'école hôtelière. Les salaires augmentent beaucoup à Shanghai, et les loyers sont très élevés - il faut compter entre 40 000 et 90 000 € par mois pour 1 000 m² environ. Pour rentabiliser, les restaurants ouvrent généralement tous les jours. La Chine, bourrée d'énergie, ne s'arrête jamais… Quant aux taxes, elles sont moins importantes qu'en France : la TVA, par exemple, s'élève à 6 %. Enfin, la notion de gastronomie ou de chef n'est pas encore vraiment développée. Les Chinois ne sont pas prêts à mettre un prix élevé pour dîner, d'autant qu'il y a beaucoup de concurrence. Mais cela change de mois en mois."


Publié par Propos recueillis par Violaine Brissart



Commentaires
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chefpatrick

mercredi 1 juillet 2015

bonjour
Juste une question? comment peut on rembourser même dans une vie ces montants empruntés pour ce projet pharamineux?
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alecbrac

jeudi 2 juillet 2015

Même question... 'rembourser l'emprunt de 5 millions d'euros en un mois'
Comment a-t-il fait ?
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jeannot

jeudi 2 juillet 2015

Il n'a pas fait ! C'est du déjà vu ...des auréoles ici ou là , une gloire éphémère où l'on pense que l'on est fort et puissant avec un savoir faire culinaire. Les banques ouvrent les robinets sur recommandations et cautions plus ou moins garanties et Plouf ! Le succès imprudent et fragile n'est pas toujours au RDV , après.. aller en Chine ...c'est une motivation pour fuir les créanciers. Tout cela, c'est du classique habituel. Ce qui ne veut absolument pas dire que N. Le Bec n'est pas un bon chef , Il faut se souvenir de P. Gagnaire ...faillite avec 3 *** Michelin à St-Etienne.

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