Le droit mène à tout. En s'engageant dans cette voie, Nicolas Scheidt avait conscience de faire un choix par défaut, mais n'imaginait pas qu'il le conduirait à la cuisine. C'est tout jeune pourtant qu'il a été imprégné par la gastronomie, et surtout celle de sa région, car il revendique se sentir encore "plus alsacien que français". Aussi, quand ses études ou ses loisirs l'ont mené de par le monde, a-t-il toujours abordé les pays visités par le biais de la découverte culinaire. "De ces voyages, j'ai gardé une curiosité pour ce qui est non pas exotique, mais neuf et surprenant", explique-t-il. Progressivement, la cuisine est devenue plus qu'une passion dévorante. "Il a fallu que je prenne une décision. "
Arrivé à Londres avec son épouse en pleine résurgence de la cuisine anglaise, il s'engage comme commis. En deux ans, il est chef de partie, puis sous-chef et passe au May Fair, au Bellamy's et au Fifteen de Jamie Oliver. Son envie est grande d'ouvrir sa propre affaire, mais il ne trouve pas alors d'établissement à la taille de ses ambitions encore modestes. C'est finalement à Paris qu'il se pose, en 2007, dans un ancien bar-tabac du IXe arrondissement. À l'Office (aujourd'hui repris par Charles Compagnon et le chef new-yorkais Kevin O'Donnell), il met au point son style : "une cuisine directe, sans calcul…"
Tributaire des arrivages
Mais Londres lui manque et sa famille s'agrandit. Il se met alors en quête d'un autre point de chute et trouve à Bruxelles une "ville habitée". Il a surtout un coup de foudre pour un établissement. Ou plutôt deux. Le Café des Spores, institution bruxelloise où l'on cuisine autour du champignon et qu'il laisse intelligemment dans son jus. Et juste en face la Buvette : "J'y ai trouvé le lieu idéal pour poser ma cuisine. C'est convivial, avec un confort qui est ce qu'il est… ", dit-il pour résumer le style de cette ancienne boucherie art déco qui accueille vingt couverts sur des chaises dépareillées.
Depuis bientôt deux ans, il propose un menu unique à 45 €. "Je ne définis rien à l'avance et reste tributaire de mes arrivages. Mais je fais une cuisine assez rassurante, qui revient toujours à quelque chose de connu. La cuisine française reste l'ossature et je ne veux pas m'en séparer." Nicolas Scheidt avoue d'ailleurs être encore envahi par "l'arsenal culinaire" de son enfance : pâte levée, viande confite, beurre noisette, pain d'épices, caramélisation l'inspirent toujours. "L'antithèse de la minéralité de certaines assiettes actuelles", résume-t-il.
Aujourd'hui, Nicolas Scheidt mesure le chemin parcouru. "Envoyer sept ou neuf plats, cela me paraissait inconcevable il y a quelques temps. Maintenant, je n'ai plus cette pression, mais je m'impose une surenchère ludique : aller plus loin à chaque menu." Intéressé par la création artistique en général, le trentenaire donne une dimension cérébrale à sa cuisine. "C'est un mode d'expression presque psychanalytique, reconnaît-il. Ma cuisine est exploratrice."
Publié par Marie-Laure Fréchet