Pourquoi le décret plage menace l'équilibre des établissements

Cannes (06) Les professionnels des plages témoignent.

Publié le 02 juin 2016 à 13:38

"Un ensemble économique en péril"
Albert Bouffier, Hélios Plage et Le Colombier à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes)

"Nos deux plages, l'Hélios Plage et Le Colombier sont rattachées à l'hôtel Helios, ce sont nos points de restauration et elles contribuent à l'attractivité de l'hôtel. Pour nous, l'échéance est en 2020, lorsque la délégation de service public prendra fin, alors le décret plage devra s'appliquer à Juan-les-Pins. Nous avons créé un ensemble économique qui comprend un hôtel et deux plages, ainsi qu'un restaurant au centre-ville, si je devais perdre mes plages, mon entreprise ne serait plus viable. L'attractivité de Juan-les-Pins repose sur les plages, les boutiques, les bars et restaurants ; si on enlève une de ces composantes, on détruit l'équilibre économique de la ville. Pour compenser la concurrence des pays voisins, nous offrons de la qualité, ce qui demande de l'investissement et une visibilité que nous n'avons pas en ce moment." 



"Ouvrir à l'année pour pérenniser nos emplois"
André d'Oriano, A Siesta à l'Ile-Rousse (Corse)

"Ma plage est située en zone urbaine, on nous demande donc de fermer six mois par an alors qu'on voudrait travailler à l'année. Cette année, nous étions fermés à Pâques car ce week-end est tombé hors période d'ouverture autorisée, c'est une aberration ! La Direccte demande aux professionnels corses de développer un tourisme des quatre saisons, les hôteliers nous demandent de rester ouvert pour accueillir les touristes, mais nous ne pouvons pas. On pourrait travailler neuf mois par an. Nous voudrions garder notre personnel plus longtemps, pour pérenniser nos emplois, mieux les former et améliorer nos prestations, c'est vraiment ce point là qui nous gêne. Ici, le climat est doux, on a un potentiel hors-saison, la Corse vit du tourisme, il faut assouplir ces règles."

 

"Embaucher plutôt que licencier"
Fabrice Augey, C Beach sur la Croisette à Cannes (Alpes-Maritimes)

"Sur la Croisette, l'application du décret plage entraînera la disparition de huit lots sur les 24 plages qui existent actuellement. Le risque c'est de perdre notre entreprise, de voir nos 20 salariés au chômage, de mettre en difficultés nos fournisseurs. Je préférerais recruter que licencier ! Pour le moment, nous sommes dans le flou sur le contenu des appels d'offres, nous n'avons aucune idée de la charte architecturale par exemple. On nous demande d'investir de l'argent sur quelque chose qui ne nous appartient pas et sur un projet dont on ne sait rien. Avec la perte d'attractivité de la plage, les riverains verront aussi la valeur de leur bien immobilier baisser. Tout est lié !"

 

"On risque de tout perdre!"
Gilles Esmiol, Chez Nounou à Golfe-Juan (Alpes-Maritimes)

"Il y a plus de 100 ans, les pouvoirs publics ont voulu ces deux établissements, Nounou et Tétou, pour animer Golfe-Juan, petite station où il n'y avait rien et qui se trouvait entre Cannes et Juan-les-Pins. Ils ont contribué à l'attractivité de cette commune balnéaire. Nounou c'est un établissement patrimonial, les gens sont liés à cet endroit et viennent depuis plusieurs générations, c'est un phare dans l'histoire de la commune. Nous avons un fonds de commerce, un permis de construire et des autorisations de l'époque faites en bonne et due forme mais depuis 2014, on nous demande de 'prendre nos dispositions pour débarrasser la plage de nos gravats'. On doit détruire et on ne pourra pas reconstruire. Cela fait quarante-trois ans que je tiens cet établissement et aujourd'hui on risque de tout perdre."



"De la durée pour rassurer les banquiers"
Thierry Thiercelin, Hi Beach à Nice (Alpes-Maritimes)

"Ma plage est rattachée à l'hôtel qui se trouve à 5 minutes à pied, c'est une activité jumelée, l'une va avec l'autre. Sur la promenade des Anglais, nous avons une partie en dur sur le domaine public communal et l'autre sur le domaine public maritime qu'on démonte chaque année. A Nice, nous n'avons pas trop de problèmes car les choses se sont équilibrées dans le temps. Les plages situées aux extrémités ont moins de monde et ont réduit leur surface, laissant plus de place pour celles du centre. Si on pouvait avoir des concessions de dix-huit ans, ce serait mieux pour les investissements, ça rassurerait les banquiers. Pour celui qui arrive au début de la concession, qui est de douze ans, ça va ; pour celui qui prend la plage en cours de concession, c'est plus compliqué."


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Publié par Marie TABACCHI



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