Viandes d'ailleurs et charbon de bois
Dans leur approche de la viande, de nouveaux restaurants s'inspirent des 'Steak Houses' américains en proposant des origines différentes, en termes de races mais aussi de pays d'origine. C'est le cas du Charbon rouge (Paris, VIIIe), ouvert en septembre 2009 par Fernando Periche et Julien Cote-Colisson. À la carte, les viandes sont classées par pays - Charolaise de France, Angus d'Argentine, Black Angus des États-Unis et Wagyu de Nouvelle Zélande… - et par pièces, dont le grammage est précisé. Le choix des accompagnements est lui aussi vaste, allant des légumes grillés, frites et salade César aux surprenantes frites de manioc. Le mode de cuisson est le charbon de bois, qui vient lui aussi d'Argentine, où il a été choisi pour sa durée de chauffe et sa température stable toute particulière. Restaurant ouvert il y a un an, le Braisenville (dans le IXe arrondissement) ne se prive pas de mettre en avant le four à braise dans sa cuisine ouverte sur la salle. Ce bistrot au décor seventies et arty propose une sélection de 'raciones', petits plats qui se partagent à plusieurs, mais aussi une viande de boeuf Black Angus grillée à la braise évidemment.
L'Argentine à Paris
Si le Steak house américain donne des idées à de nouvelles adresses parisiennes, l'Argentine fait également office de source d'inspiration pour sa cuisson au charbon, sa viande Black Angus ou son 'parillero' ('celui qui cuit la viande', en espagnol). Certains restaurants en revendiquent clairement l'étendard, à l'instar de l'historique El Palenque (Paris, Ve) ouvert dans les années 1960 avec sa carte de viandes de boeuf argentin, ses empanadas et ses desserts à base de dulce de leche (confiture de lait). Une annexe a d'ailleurs récemment ouvert ses portes non loin de là, la Cueva del Diablo (Ve). D'autres adresses argentines se sont fait remarquer dans la capitale, comme la Pulperia (XIe) qui s'est installé dans un décor de bistrot purement parisien, et Unico (XIe) avec son cadre d'ancienne boucherie revisitée.
Steaks et cocktails branchés from London
C'est en ouvrant un bar à cocktails à Londres qu'Olivier Bon, Pierre-Charles Cros et Romée de Goriainoff, déjà à l'origine des branchés Expérimental Cocktail Club (Paris, IIe) et Prescription (VIe), découvrent The Hawksmoor (www.thehawksmoor.com). À la fois Steak House et bar à cocktails, l'adresse londonienne leur inspire le Beef Club, qu'ils ont ouvert en mars dernier dans la Ville lumière. Lorsqu'ils s'adressent au boucher Yves-Marie le Bourdonnec (Couteau d'Argent, à Asnières, 92), celui-ci les met en contact avec l'éleveur anglais Tim Wilson.
La viande de boeuf, préparée chaque jour par un membre de l'équipe Le Bourdonnec, est proposée en différentes pièces - entrecôte, filet, picanha, araignée, burger, cuite au four à charbon de bois… - et servie avec toutes sortes d'accompagnement : champignons de paris au beurre d'escargot, gratin de blettes, frites, purée… Pour Le Bourdonnec, par ailleurs auteur du livre L'Effet boeuf (Michel Lafon), l'élevage anglais favorise des muscles gras et donc une viande naturellement persillée, ce qui est un facteur de goût. Interrogé sur cette diversification des races à viande dans la restauration, le boucher conseille de rester vigilant quant au mode d'élevage de provenances lointaines : celui-ci peut être industriel sans que le professionnel ne soit en mesure de le vérifier. "Vendue comme un label de qualité, mais issue d'un élevage intensif, la viande Black Angus en provenance d'Argentine peut être plus grasse et molle que goûteuse et tendre."
Le succès intemporel des restaurants grill
En France, ils ne s'appellent pas 'Steak House', mais bel et bien restaurant grill. Ils savent depuis longtemps mettre la viande de boeuf au coeur de leur activité. Au fil des années, quelques adresses sont devenues de véritables institutions, ouvertes sept jours sur sept et pratiquant des formules pratiquement inchangées depuis leurs débuts. Né en 1865 à côté de l'ancien marché à viande de la Villette à Paris (XIXe), Au Boeuf couronné, qui appartient aujourd'hui au groupe Gérard Joulie, attire une clientèle diverse autour d'une douzaine de pièces de boeuf allant du Pavé des mandataires (300 g) au Chateaubriand des bidochards (700 g) et des pommes soufflées, que l'on ne voit guère plus aujourd'hui dans la restauration. En 1959, le vigneron Paul Gineste de Saurs inaugure Le Relais de Venise, son Entrecôte (XVIIe) avec une formule à plat unique : contre-filet paré et sauce dont la recette est tenue secrète, pommes allumette et salade verte aux noix. Aujourd'hui, Hélène Godillot, la fille du fondateur, veille à ce que rien ne change, ni la formule, ni le décor ni le service et c'est ce qui fait le charme de la maison… Chaque jour, la file d'attente sur le trottoir ne cesse de s'allonger. Les villes de Londres et New York ont elles aussi leur Relais de Venise (si les Français s'inspirent du steak house américain, ils savent aussi exporter leur concept aux États-Unis), le 3e devrait ouvrir à Londres d'ici peu, ainsi qu'une franchise à Manchester. Le frère, Henri Gineste de Saurs a lui créé l'enseigne L'Entrecôte à Toulouse dès 1962, puis à Bordeaux, Nantes, Montpellier et Lyon autour d'une formule à peu près identique. Dans la famille, la soeur Marie-Paule Burrus est elle propriétaire du Relais de L'Entrecôte qui compte aujourd'hui trois adresses à Paris, ainsi qu'une à Genève avec une formule qui se rapproche de celle de son père, notamment dans le soin apporté au décor de brasserie et au service vêtu de noir et blanc, à l'ancienne.
Où en sont les chaînes de restaurant grill ?
Parmi les leaders du secteur que sont Buffalo Grill, Hippopotamus et Courtepaille, Hippopotamus met plus que jamais en avant les viandes de race. À travers ses 180 établissements (et plus de 200 en prévision), Hippopotamus souhaite de plus en plus s'affirmer comme "expert boeuf" explique Éric Vincent, directeur général du pôle restauration à thème, Groupe Flo. Cela passe par le développement de ses propres filières d'élevage (l'enseigne est partenaire de l'AOC Maine-Anjou), la déclinaison des races à viande française à la carte (Charolaise, Aubrac, Blonde d'Aquitaine, Limousine) et le choix varié des pièces. La clientèle semble suivre : 60 % des ventes de boeuf correspondent à des races à viande française. Parallèlement, l'enseigne Red d'Hippo créée fin 2010 par le Groupe Flo, selon "un concept qui allie qualité et rapidité, avec le meilleur du boeuf en 30 minutes", s'apprête à ouvrir sa troisième adresse en Ile-de-France, à la gare de Lyon à Paris, après La Défense et Neuilly.
Publié par Caroline MIGNOT