Restauration : comment faire carrière dans une administration ou une institution ?

Les places sont chères et les demandes nombreuses dans les cuisines des administrations et institutions françaises. Comment les intègre-t-on ? Quels sont les avantages ? Comment s'organise le travail ?

Publié le 08 mars 2012 à 11:05


"Travailler pour les plus hautes instances de la République se mérite. Mieux vaut être diplômé ou tout du moins formé par de grandes maisons avant de postuler dans une brigade comme la nôtre", révèle Jean Dubille, intendant à la présidence de l'Assemblée nationale. Cuisiniers, maîtres d'hôtel, plongeurs… Ils font partie des plus prestigieuses brigades de France, celles des administrations et institutions françaises, des brigades pas tout à fait comme les autres. Première différence : les intégrer n'est pas chose aisée. Mieux vaut donc être très motivé car les places sont rares. À la présidence de l'Assemblée nationale, par exemple, seules cinq personnes composent la brigade, tandis qu'à celle du Sénat, ils sont huit en cuisine.

Première exigence pour les candidats : avoir un curriculum vitæ brillant. CAP, BP, BEP ou bac pro cuisine,  il n'y a pas de niveau d'étude particulier exigé mais être passé par de grandes maisons et/ou avoir un titre est un plus. "C'est le parcours qui nous intéresse, les maisons dans lesquelles le candidat a travaillé, les chefs qui l'ont formé. Il faut avoir une très solide expérience de chef de partie dans un 3 étoiles Michelin ou de second très confirmé dans un 2 étoiles, à savoir cinq ans minimum dans le poste", explique Stéphan Rivière, intendant à la présidence du Sénat, avant d'ajouter : "Il ne faut pas forcément être Meilleur ouvrier de France, en revanche, il est préférable d'avoir été formé par un MOF." Pour preuve, la composition de l'équipe de la Présidence du Sénat : le chef, Gilles Poyac, est Meilleur ouvrier de France 2000, les seconds, Jérôme Leminier et Pascal Grière, MOF 2004 tous les deux et le chef pâtissier, Fabrice Desvignes, Bocuse d'or 2007. L'intendant est lui-même MOF 2007 dans la catégorie 'maître du service et des arts de la table'.

 

Une motivation sans faille

Si autrefois le service militaire était la voie privilégiée du recrutement des personnels hôteliers pour les institutions et administrations, les portes sont aujourd'hui ouvertes aux candidatures spontanées, sans oublier que, dans ces métiers, la cooptation et la recommandation restent des pratiques courantes. Mais plus que la formation, c'est la motivation qui prime. "Il suffit de postuler lorsqu'une offre d'emploi est ouverte, après étude du C.V. du parcours un entretien d'embauche est programmé pour évaluer les motivations du candidat", relate Stéphan Rivière.

Les qualités attendues chez les nouvelles recrues ? La disponibilité, l'écoute, la discrétion, l'humilité, la flexibilité, la force de travail, l'honnêteté et l'excellence. Même son de cloche du côté de la présidence de l'Assemblée Nationale : "Il faut posséder de nombreuses qualités, comme la réactivité, la disponibilité et surtout la créativité pour proposer des menus sans cesse renouvelés, indique Jean Dubille. Chez nous, on recherche avant tout le prestige, plus que l'attrait financier." S'il n'est pas le premier des avantages, le salaire n'est pas non plus négligeable. À la présidence du Sénat par exemple, le salaire d'entrée d'un cuisinier est de 3 000 € brut.

 

Des conditions de travail privilégiées

Avec plus de dix ans d'ancienneté en moyenne, les brigades d'institutions et d'administrations françaises font figure d'exception par rapport à celles des restaurants classiques où le turnover est souvent élevé. La raison est à chercher dans les conditions de travail privilégiées. Dans les administrations, le restaurant fonctionne comme dans une maison bourgeoise, avec une relative indépendance. C'est-à-dire qu'il n'est pas ouvert aux clients extérieurs, mais réservé au Président, ministre ou ambassadeur en place, à ses proches conseillers et ses invités. Il n'y a ni carte, ni menu fixe. À la présidence du Sénat, le travail se déroule du lundi au vendredi de 8 heures à 23 heures, avec une astreinte de week-end. Le personnel dispose de sept semaines de congé par an. En ambassade, le personnel hôtelier est, lui, affilié au ministère des Affaires étrangères et bénéficie des avantages de la fonction publique (congés, retraites, primes…).

Au-delà des privilèges, tous sont d'accords pour dire que la passion du métier prime. La volonté de servir la France et de représenter leur pays également. "Il faut réaliser des repas pour le 2e personnage de l'État qui est le président du Sénat, réaliser et préparer des déjeuners ou dîners officiels pour des personnalités étrangères, c'est un honneur et un challenge enthousiasmant", développe Stéphan Rivière. Autre atout non négligeable : ces brigades travaillent dans des lieux de pouvoir prestigieux (Palais du Luxembourg, de l'Elysée, Hôtel de Lassay…), elles ont accès à du beau matériel, des casseroles en cuivre et de la vaisselle en porcelaine de Sèvres par exemple, et oeuvrent au milieu d'un décor luxuex. Un univers de musée en quelques sortes…

 

Des hôtes de renom

En cuisine comme en salle, le maître mot est 'excellence'. Tous les produits utilisés sont frais, les cuissons faites à la dernière minute, le couvert dressé avec minutie (nappes repassées à même la table, chaises et verres alignés au fil, couverts dressés avec des gants blancs pour éviter les traces de doigts, compositions florales étudiées…). Il faut dire que les 'restaurants' des administrations et institutions reçoivent des hôtes de renom composés de personnalités politiques, dirigeants et chefs d'États étrangers. Ils sont la vitrine de la France et le personnel hôtelier qui leur est rattaché a la responsabilité et la fierté de mettre en avant le savoir-faire français. Les denrées travaillées et mets présentés se doivent d'être représentatifs de la France et de son patrimoine culinaire. Pour autant, pas question de se cantonner aux mêmes recettes. Au contraire d'un restaurant classique, ici, il n'y a pas de carte et les cuisiniers doivent faire preuve d'imagination pour servir des menus renouvelés à chaque service. Pour les cuisiniers exerçant dans les administrations à l'étranger, la difficulté est de réussir à pratiquer une cuisine à la française avec les denrées disponibles sur place. 

Bien sûr, les inconvénients existent : "la disponibilité, la longueur des journées, travailler les week-end et le soir, être disponible 365 jours sur 365", reprend Stephan Rivière. Il faut aussi avoir conscience que ces cuisiniers travaillent dans l'ombre, peu médiatisées par rapport à ceux des grands restaurants.

 

"Il faut être curieux de tout"

Les places sont chères certes, mais les portes ne sont pas fermées. Si la présidence du Sénat ne prend pas de stagiaire, elle accepte en revanche des apprentis. "Il faut être curieux de tout, être étonné, exigeant avec soi-même, rechercher l'excellence, faire preuve d'humilité, connaître ses devoirs et avoir une solide expérience dans les métiers de la haute gastronomie. Le chef actuel a travaillé chez Pierre Gagnaire, ses seconds au Ritz, au Plaza Athénée, chez Bernard Loiseau, Georges Blanc et à La Tour d'argent. Il faut savoir intimement quel type de restauration vous intéresse et vous impliquer entièrement en ayant pour objectif d'apprendre et de comprendre", conseille Stephan Rivière. Retenons également les recommandations de Jean Dubille :"Servir la France peut ouvrir de belles perspectives de carrière, dans l'hexagone comme à l'étranger." Nul doute qu'avoir exercer à l'Elysée, à la présidence du Sénat ou de l'Assemblée nationale est valorisant sur un curriculum vitae…


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Publié par Julie GERBET



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