Il vient de nulle part, comme il aime à le dire. Frédéric Fass, parfait autodidacte et fils d'un artisan balancier de Villefranche-sur-Saône, fait un constat. Sans revendiquer la moindre filiation culinaire ou diplôme dans le secteur où il évolue depuis trente ans, il s'épanouit en occupant aujourd'hui un poste à haute responsabilité. Preuve évidente que les métiers de service peuvent être porteurs et garants d'un bel avenir.
En 1982, à 16 ans, l'école ne le séduit qu'à moitié. Sans qu'il en soit alors conscient, la lecture d'une petite annonce dans un quotidien local va sceller son destin. À Meximieux, dans l'Ain, en son restaurant étoilé, Claude Lutz cherche un commis pour le service de salle. Frédéric se présente, est embauché : il y passe trois ans et finit chef de rang. "Je voulais travailler et je ne connaissais rien du service mais j'avais la volonté d'apprendre. J'ai découvert les couverts en argent, la belle vaisselle et la clientèle huppée des chasses voisines de la Dombes."
L'étape suivante sera plus déterminante encore. En 1986, le voilà chef de rang chez La Mère Brazier, à Lyon. Dans ce restaurant mythique, il découvre le charme d'un établissement très prisé des politiciens, des hommes d'affaires et des personnalités en vogue. "Ce fut une belle formation que cette découverte du luxe d'une maison étoilée. Il existait une vraie complicité en salle et j'y ai reçu une formation à nulle autre pareille auprès de Carmen et Jacotte Brazier", déclare celui qui, six ans après son entrée, se voit promu maître d'hôtel.
C'est à ce moment, fin 1992, qu'Hubert Benhamou vient le chercher. Le Groupe Partouche, qui reprend le casino de Charbonnières, entend investir dans la restauration. "À La Rotonde, nous aurons deux étoiles dans six ou sept ans", lui promet le patron. En cuisine, il mise sur Jacques Maximin et Philippe Gauvreau, laissant à Frédéric Fass le travail de la salle tant au restaurant gastronomique qu'ensuite au banquetting et au bar.
Premier service le 21 janvier 1993, première étoile en 1994, deuxième en 2000, au moment où il est définitivement promu directeur du restaurant. "Une autre expérience avec beaucoup de choses à mettre en place, ce qui était passionnant. Former son équipe, la développer, avancer en parfaite harmonie avec la cuisine où j'ai noué une vraie complicité avec Philippe Gauvreau, cela me confirmait le charme d'un métier où chaque maison a son propre caractère, ce qui permet d'apporter sa propre vision des choses."
En 2009, quand le restaurant quitte le premier étage du casino et ses machines à sous pour intégrer le Pavillon de La Rotonde, le voilà promu à un poste auquel n'osait songer le petit commis de seize ans. "Je n'ai aucun bagage et je me retrouve directeur d'exploitation d'un hôtel 5 étoiles", dit-il, encore émerveillé par le métier qu'il a choisi.
Publié par Jean-François MESPLÈDE