Stéphanie Le Quellec : "Il faut oser et assumer sa cuisine"

Paris (VIIIe) Sa victoire lors de la première saison de Top Chef l'a mise sur le devant de la scène, mais c'est au Prince de Galles, dans sa Scène, qu'elle s'est imposée, raflant une première étoile neuf mois après l'ouverture. Stéphanie Le Quellec sort son premier livre. Rencontre.

Publié le 30 octobre 2014 à 17:44

L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir chef ?

Stéphanie Le Quellec : Vers cinq ans déjà, au lieu de jouer à la poupée, je jouais avec de la pâte sablée avec ma grand-mère. J'avais ma petite boîte en fer avec mes emporte-pièces. À la maison, j'ai eu la culture de la table. Je suis issue d'une famille d'épicuriens, de gourmets qui aimaient faire le marché, mais aucun ne travaillait dans la restauration. Mais nous avions des amis qui tenaient un restaurant et j'ai vu très tôt comment cela fonctionnait. L'adrénaline du service m'a tout de suite plu. À 14 ans, j'ai convaincu mes parents de me laisser commencer tout de suite mes études en cuisine. Pourquoi attendre alors que je savais ce que je voulais faire ? Dans ma vie, beaucoup de choses se sont décidées très vite.


Votre grand plat classique favori ?

Le pot-au-feu. C'est aussi un souvenir d'enfance, on le faisait tous les dimanches en hiver. On commençait à 10 heures et on le dégustait tous ensemble à 13 heures. J'étais fan des tartines de pain grillé avec l'os à moelle. J'ai gardé le goût de le déguster et le préparer, et une interprétation de ce plat va bientôt apparaître sur la carte du restaurant.

 
Votre plat best-seller ?

Les Petits rougets de roche 'cuits de peur', sucs de bouillabaisse, gnocchi, poutargue, céleri, marjolaine. C'est l'un des plats que j'ai faits à Terre blanche après le départ de Philippe Jourdain, l'une des premières fois où je m'exprimais en tant que chef. Ce plat a beaucoup évolué depuis et c'est le seul qui n'a pas quitté la carte depuis l'ouverture du restaurant. Pourtant, je ne m'en lasse pas.


Votre plat préféré à votre carte ?

Les Ris de veau, salicorne, pomme bien dorée au jus, compression de romaine, Caesar salade, confiture d'olive noire. C'est un plat plein de contrastes, de reliefs. J'aime beaucoup les plats terre et mer. Celui-ci en est une illustration, tout en élégance parce qu'on a juste les ris de veau, la salicorne et quelques petits anchois pour le côté salin. Il plaît beaucoup aux clients.


Le repas le plus éblouissant en France ?

Mon premier repas chez un étoilé, c'était au George V avec Philippe Legendre. Cela reste un grand souvenir. Mais je préfère me cantonner aux repas de cette année, chez deux 3 étoiles Michelin : Arnaud Donckele et Emmanuel Renaut. Ils synthétisent ce que je recherche aujourd'hui : le supplément d'âme. Dans ces deux tables, la magie opère en osmose parfaite avec la salle et la sommellerie. C'est un enchaînement de plats qui raconte une histoire avec une cohérence incroyable. Évidemment, dans l'assiette, il y a deux identités fortes que l'on ne peut pas retrouver ailleurs. Ils m'ont donné à réfléchir sur ma cuisine et mes envies. 

 
Le repas le plus éblouissant à l'étranger ?

C'était au restaurant chinois du Four Seasons de Hong Kong, 3 étoiles Michelin, dirigé par le chef Lung King Heen. Depuis toute petite, j'aime la cuisine chinoise. Là-bas, j'ai découvert qu'en fait, je ne connaissais rien à cette gastronomie. Je ne savais pas que cela pouvait être aussi sublime dans les textures, les températures… Découvrir de nouveaux produits, de nouvelles techniques, c'est passionnant et on sait qu'un jour, cela ressortira sous une forme complètement différente.


Ce qui vous agace le plus ?

La nonchalance, le manque d'engagement ou de passion, le faire pour faire, les choses bâclées ou réalisées sans amour… Je ne peux pas comprendre les gens qui se lancent dans ce métier sans passion. C'est un métier qui demande tellement d'investissement personnel et de sacrifices, que si c'est pour mal le faire, je n'en vois pas l'intérêt. Il faut être à 100 %. Après, si le résultat n'est pas à la hauteur, ce n'est pas grave, mais il faut avoir tout donné. Le travail permet ensuite de combler les lacunes.

 
Le plus beau compliment ?

Quand le client me dit qu'il s'est régalé, sans partir dans des débats techniques ou une analyse des textures… Cela me touche. Quand j'ai pris cette place de chef, le plus joli compliment, c'était d'entendre : "On ne s'attendait pas à ça", en positif bien sûr. Cela signifiait : "On attendait quelque chose et on a eu un peu plus." Si l'on arrive à surprendre les gens positivement, c'est bien. On ne peut pas juger quelqu'un avant d'avoir goûté.


L'image de la gagnante de Top Chef a-t-elle été tremplin ?

Cela m'a servi pour la notoriété, mais ce n'était pas suffisant. Dans mon CV, il y a dix ans de travail avec deux MOF, et des 2 et 3 étoiles Michelin. Jamais je ne renierai Top Chef. Certains arrivaient au restaurant avec un a priori, mais on ne peut pas en vouloir à ceux qui ne connaissent de toi que ce qu'ils ont vu à la télé. Cela fait dix-huit mois que l'on a ouvert. On a encore des clients qui ne sont jamais venus et qui repartent contents, avec une opinion différente. La première étoile a beaucoup aidé. Cela donne tout de suite une légitimité.


La critique qui vous a le plus marquée ?

C'était une critique constructive de Jean-François Piège pendant Top Chef. Il m'a dit : "Tu fais une cuisine très technique mais scolaire. Qu'est-ce que tu nous racontes ? Où es-tu dans l'assiette ?" Il avait raison. Cela m'a fait réagir à un moment où je prenais ma première place de chef. Être une bonne élève, on s'en fiche. Il ne faut rien s'interdire. Il faut oser et assumer sa cuisine. C'est avec ce conseil que j'ai commencé à changer et je pense que c'est ce qui m'a fait gagner Top Chef. C'était trois ou quatre mois avant la finale et, entre temps, j'avais cogité et évolué. Lors de la finale, les chefs m'ont dit qu'ils ne reconnaissaient pas mes plats. Je faisais enfin ce dont j'avais envie. Ce n'était pas toujours bien mais c'était ma cuisine. C'est ce qui m'a libéré aussi pour venir au Prince de Galles et ne pas m'inscrire dans les codes traditionnels des palaces.


Le secret de la réussite ?

Le travail acharné et la passion… ce truc que tu as en toi et qu'il faut cultiver.


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine



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