Rien ne prédisposait Sybille de Margerie à devenir architecte d'intérieur. "Un métier qui n'a pas d'avenir", disaient ses parents qui ont insisté pour qu'elle fasse du droit. Passionnée d'art, Sybille de Margerie va, tout en se conformant au choix familial, mener des études d'architecture d'intérieur. Ainsi, en 1986, elle obtient sa maîtrise de droit des affaires tout en obtenant le diplôme de l'école Boulle. Encore aujourd'hui, elle revendique cette formation dissonante. "Les deux m'ont fortement servi, explique-t-elle. Dans notre métier, nous sommes amenés à traiter avec des spécialistes : investisseurs, juristes, financiers... Mes études de droit m'ont permis, par exemple, de rédiger les contrats de mes clients. Nous avons un métier lié à la créativité, le droit permet de lui donner un cadre, et de mener à bien les projets au travers d'une méthode. Parce que notre métier se situe dans l'émotion, cette autre partie de moi-même plutôt cartésienne redonne un juste équilibre." Vingt-trois ans après la création de sa société SM Design, Sybille de Margerie est fière d'être l'auteur de réalisations toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Les dernières en date ? Le Sofitel Old Cataract à Assouan (Égypte), le Mandarin Oriental à Paris (XVIe) ou le Cheval blanc à Courchevel (73), tous palaces ou sur le point de l'être. Aujourd'hui, son cabinet emploie 18 personnes, et réalise 4 M€ de chiffre d'affaires par an.
L'Hôtellerie Restauration : comment définissez-vous votre style ?
Sybille de Margerie : Je ne cherche pas à avoir un style, à coller des stéréotypes sur mes créations. Je cherche surtout à coller à la personnalité de mon client, à être en empathie totale avec lui. Je tire mon inspiration de mes voyages, de mes lectures, des expositions que je vais voir, de mes rencontres. Je suis curieuse du monde qui m'entoure, et en même temps, je transmets dans mes projets la 'culture française' avec ses codes et son histoire. Lorsque je me lance sur un projet, je cherche toujours à faire ressortir une émotion, comprendre une histoire, la culture dont il est imprégné. Mes voyages me font faire des découvertes. C'est cela aussi l'universalité du luxe, savoir utiliser l'art et l'artisanat local, et le traduire dans un esprit de modernité. Il y a des choses que j'aime, comme le langage de la couleur, la recherche du détail, car c'est dans le détail que l'on reconnaît le luxe, discret, loin de l'ostentatoire. Mes clients ont tous le même profil, qu'ils viennent de Paris, d'Ukraine, ou d'Arabie saoudite. Généralement très aisés, ils aiment le luxe et le confort. Car je crois que le confort est la condition du luxe.
Dans quel type d'hôtel vous identifiez-vous ?
J'ai la chance de pouvoir choisir les projets sur lesquels je travaille. Le luxe est leur seul dénominateur commun. Prenez l'hôtel du Petit Paris. Un seul mot le caractérise : luxueux. Et pourtant, c'est un tout petit hôtel.
Y a-t-il des tendances dans l'hôtellerie que vous aimez particulièrement ?
L'hôtellerie est un laboratoire. Il faut toujours être en avance sur les tendances car la construction d'un projet prend du temps, des années. Il faut donc anticiper les demandes. Les choses évoluent vite. La technologie est ce qui est le plus visible, mais elle est un moyen et non une finalité. Elle doit être au service du client et non l'inverse. Donc il faut qu'elle soit facile à utiliser. C'est ce que j'appelle faire de la technologie à visage humain. Ce n'est pas une tendance, c'est une obligation.
L'un des domaines qui a le plus évolué au cours des dernières années est l'espace bien–être. Les salles de bains sont passées de 4 m² à 15 m² en dix ans. Leur univers devient épuré, voire décalé pour être totalement dépaysant. Regardez le spa du Mandarin Oriental à Paris. La poésie du lieu vous transporte. C'est une véritable expérience. En cela, le luxe a évolué.
Quel est, parmi les hôtels ayant appartenu à la famille Taittinger, celui qui vous a le plus marqué ?
Le Lutetia incontestablement. C'est un hôtel attachant, qui possède un charme fou, car il a une âme et une histoire. C'est un hôtel qui impose qu'on le respecte. J'espère que la rénovation qui y sera faite conservera l'âme de l'hôtel. Pour moi, elle doit être du même ressort que la rénovation du Sofitel Old Cataract. Certains pensent que le nouvel hôtel est aussi bien que l'ancien, tant l' atmosphère qui s'en dégage est la même que celle de l'ancien palace. Pourtant, tout a été démoli à l'intérieur.
Quels sont vos projets ?
Je continue avec Mandarin Oriental, qui me confie la création d'un spa à Genève. Je finis l'Hôtel de Paris à Saint-Tropez, le Park Hyatt de Marrakech, pour une ouverture en 2013, ainsi que l'Hôtel Mont-Blanc à Chamonix. Je termine le restaurant Le 1947 au Cheval blanc de Courchevel qui sera tenu par Yannick Alleno, et je vais maintenant réaliser l'extension de l'hôtel. J'ai d'autres projets hôteliers qui se profilent à l'horizon, mais c'est une autre page à écrire.
Publié par Évelyne de Bast