“On ne m’a pas prévenu”, regrette Patrick Duval. En juin dernier, il s’est retrouvé avec un trou béant devant la porte de son restaurant Issé, rue de Richelieu à Paris (Ier). La raison du chantier : des câbles électriques à réviser. Conséquence pour le restaurateur : “Je n’ai pas pu dresser les douze couverts que j’ai, d’habitude, en terrasse.” Et si l’intervention n’a duré qu’une journée, “c’était en plein service du déjeuner, entre midi et 16 heures”, déplore encore le restaurateur. De l’autre côté de la Seine, Roxana Maillet doit, quant à elle, faire face à des travaux sur le réseau de gaz, amorcés le 1er juin et prévus jusqu’au 17 septembre prochain. Un chantier vécu comme une double peine par la gérante de La Cantine de Gaston, rue de Tolbiac (XIIIe), car elle a créé et ouvert ce restaurant un mois avant la crise sanitaire et le premier confinement. “Un matin, je suis arrivée et j’ai vu des tracés sur le trottoir, à la place de ma terrasse, et la pose des premières barrières. Je n’étais au courant de rien”, raconte-t-elle. La suite : des pelleteuses, des marteaux-piqueurs, du bruit, de la poussière et une tranchée dans la rue de Tolbiac. “Avant le début des travaux, j’avais installé quelques tables autorisées sur les places de stationnement. J’ai pu les laisser, mais personne ne vient manger au milieu d’un chantier”, explique la jeune femme. Quant aux tables habituellement dressées en extérieur, côté devanture, elles ont été remplacées par des plaques de tôles posées sur le trottoir, pour boucher les trous et permettre aux passants de circuler.
“Personne n’est venu me voir”
Elle ne compte plus les courriers envoyés en recommandé à la mairie du XIIIe arrondissement et restés sans réponse. Roxana Maillet collectionne les accusés de réception. “Personne n’est venu me voir”, dit-elle. Alors c’est elle qui s’est déplacée, à trois reprises : “À la mairie, on m’a répondu qu’on allait s’occuper de mon cas.” Mais rien n’a changé depuis.
Karine Delplace, gérante du Café Lilou, boulevard de Port-Royal (Ve), a réussi, pour sa part, à susciter l’attention de sa maire d’arrondissement. Et pour cause, elle habite au-dessus de sa brasserie. Du coup, elle a eu plusieurs fois l’occasion de rencontrer des élus. “Deux d’entre eux sont venus me voir au début des travaux”, confie-t-elle. Débats, discussions, puis terrain d’entente avec le chef de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU), à l’origine des tranchées creusées dans le bitume. “L’Algeco qui bouchait la vue d’une partie de la salle a été déplacé, le marteau-piqueur est utilisé avant le service du matin et le gros des travaux aura lieu en août, lorsque nous serons en vacances”, détaille Karine Delplace. Ce qui lui permet, pour l’heure, de maintenir en place sa terrasse “de 20 à 30 couverts, selon la météo”. Roxana Maillet n’a pas obtenu autant d’arrangements. Loin s’en faut. Sevrée de clients, elle n’arrive plus à se verser de salaire, privilégiant le paiement des charges, du loyer et le remboursement des prêts. “Certes, il y a les aides de l’État, dit-elle. Mais celles-ci ont mis du temps à être débloquées et j’en attends encore une dernière.”
“Ces travaux menacent l’existence de mon restaurant”
“Parfois, on se dit que l’on paye un droit de terrasse pour pas grand-chose”, regrette Patrick Duval. Il fait allusion aux longs mois qu’il a fallu pour achever le ravalement de l’immeuble voisin de son restaurant : “Durant cette période, les échafaudages cachaient mon enseigne et je ne pouvais pas sortir la terrasse, à cause du bruit et des projections.” De son côté, Roxana Maillet ne compte pas en rester là : “Ces travaux menacent désormais l’existence même de mon restaurant.” Elle a donc décidé de lancer un recours au tribunal administratif, en vue d’être indemnisée par le maître-d’œuvre du chantier de la rue de Tolbiac.
Publié par Anne EVEILLARD