"Tout récemment, Natalie Nougayrède, directrice du journal Le Monde, a publié un éditorial soulignant les évolutions majeures auxquelles notre société est aujourd'hui confrontée. On y lisait en particulier : "Ce basculement s'inscrit dans un mouvement spectaculaire de mutations technologiques dont la rapidité et l'ampleur transforment les modes de production, de consommation, le financement des entreprises et leur management. De nouveaux acteurs, de nouveaux produits, de nouvelles règles, de nouveaux métiers dessinent une nouvelle économie et une nouvelle société. Aucun champ n'y échappe : de l'industrie à l'économie de la connaissance et de la culture, de la banque à l'univers du luxe, des acteurs multiples du secteur de l'énergie à ceux de la grande distribution ou de l'automobile."
La restauration aurait pu y être citée car elle n'échappe pas à cette règle. Tous les jours, elle doit s'adapter pour maintenir son activité et se développer dans un monde où les modes de consommation changent rapidement et se sont globalisés.
Quand nous écoutons le débat qui anime actuellement notre profession, avec les prises de positions de certains qui voudraient limiter l'utilisation du terme 'restaurant' aux acteurs qui n'utilisent que des produits bruts, nous ne pouvons qu'être profondément attristés.
Quel aveuglement, pour ne pas dire quel obscurantisme !
Ne voient-ils pas que nos métiers ont profondément évolué au cours des dernières décennies et que les attentes des consommateurs pour se restaurer sont devenues multiples ?
Ne voient-ils pas que dans beaucoup de centres urbains, les cuisines se sont faites beaucoup plus compactes, compte tenu des prix au m², obligeant le restaurateur à faire réaliser certaines tâches à l'extérieur de son établissement sans pour autant sacrifier à la qualité de sa prestation ?
Les mutations de nos métiers se sont faites grâce à de nouveaux produits de plus en plus élaborés, de plus en plus sûrs au plan sanitaire, et à de nouveaux équipements qui intègrent de nouvelles technologies au profit d'une maîtrise optimale des températures de cuisson et de la consommation énergétique de nos cuisines.
Dans ce débat qui voudrait opposer tradition et modernité, regardons un instant en arrière ce qu'il est advenu de la cuisson sous vide. À l'origine, c'est le talent de quelques uns de nos compatriotes, notamment de Georges Pralus, qui a permis la mise au point de ce mode de cuisson permettant le mariage de plusieurs ingrédients (par exemple, le boeuf aux carottes de Joël Robuchon) pour aboutir à des préparations d'une rare qualité.
À l'époque, la méfiance de nombreux professionnels à l'égard de ce mode de cuisson et le manque de pédagogie à destination des médias a ralenti considérablement son usage en France.
Aujourd'hui, force est de constater que ce process est davantage utilisé en dehors de nos frontières, là où l'innovation est perçue comme une marche en avant et non pas comme une régression. Voilà un bel exemple de notre capacité à gâcher nos talents, assis sur des certitudes d'un autre âge...
La restauration française, dans sa grande diversité, est notre bien commun. Un bien précieux. Prenons garde de ne pas l'asphyxier avec une réglementation qui lui interdirait de s'adapter aux mutations indispensables.
Laissons à chaque restaurateur le soin de définir le mode opératoire le mieux adapté à la prestation qu'il souhaite offrir à sa clientèle. Laissons au client le soin de choisir la prestation qui lui convient selon qu'il vient dépenser une quinzaine d'euros ou qu'il est prêt à payer quatre ou cinq fois plus cher... Faisons crédit au professionnel dont la principale préoccupation reste d'offrir à ses clients le meilleur rapport qualité-prix, seul gage de pérennité pour son établissement.
Le seul sujet qui mérite notre mobilisation doit être de combattre, avec la plus grande fermeté, toute tromperie visant à abuser un consommateur de bonne foi, comme par exemple l'usage non justifié des termes 'produit frais' ou 'fait maison'.
Si certains souhaitent mettre en exergue des modes de préparation spécifiques, pourquoi pas ! Le titre de Maître restaurateur, titre d'État, a été instauré pour valoriser le travail et les prestations de certains professionnels. La notion 'd'artisan restaurateur' peut aussi être approfondie, si l'on parvient à en préciser le contenu.
Enfin n'oublions pas qu'un restaurant est un endroit où l'on vient se restaurer. Cette fonction peut être remplie de multiples façons. À quel titre certains professionnels pourraient-ils s'arroger le droit de remplir à eux seuls cette fonction ?
Au-delà de cette bataille d'Hernani sur l'appellation de 'restaurant', laissons aux Français et aux nombreux touristes désireux de découvrir notre patrimoine culinaire, la possibilité de continuer de se restaurer quelle que soit la taille de leur portefeuille. Le restaurant est et doit rester un lieu de convivialité et de plaisirs partagés... pour tous.
Défendons le 'restaurant' pour tous !"
jeudi 16 mai 2013
jeudi 16 mai 2013
jeudi 16 mai 2013
jeudi 16 mai 2013