"Ne dites pas que je suis le seul brasseur de Paris, ça me gêne", explique avec délicatesse Thierry Roche qui ne souhaite pas heurter le microcosme de la brasserie parisienne. Pourtant, avec l'ouverture de sa Brasserie de la Goutte-d'Or, il n'est pas faux de le dire puisque les bières 'maison' concernent dans Paris intra-muros des pubs avec une consommation uniquement sur place (Frog's & Rosbif et l'historique O'Neil de la rue des Canettes). Et si les brasseries artisanales foisonnent en région parisienne, elles sont toutes situées en dehors du périphérique : Outland à Bagnolet, My Beer Compagny à Levallois-Perret ou Zymotik à Montreuil.
Pour offrir aux Parisiens, pour la première fois depuis soixante ans, une bière brassée sur le pavé de la capitale, Thierry Roche aura démissionné en février 2011 de son poste de cadre dans la communication. Le quadragénaire fait alors un stage à l'université de la Rochelle et décroche un diplôme de brasseur dans le cadre du programme Science Infuse. Il trouve des locaux dans le quartier de la Goutte d'Or où il a habité pendant huit ans, partage des recettes de fabrication avec "le gros réseau des gens qui brassent chez eux" et lève 200 000 € auprès des banques, de la Région grâce à l'organisme Paris Initiative Entreprise (PIE) et de 179 internautes qui misent entre 5 et 400 € sur son projet jusqu'à réunir 7 500 €. C'est dire si ce Grenoblois d'origine, issu d'une région de brasseurs, aura eu des arguments pour convaincre les plus timorés.
Brassage de malt et de culture à la Goutte d'Or
Le projet est original : brasser de la bière dans un quartier lui-même brassé par les cultures. Barbès va inspirer ses recettes : "Dès l'ouverture, je souhaite proposer quatre recettes de bière conditionnées en bouteilles, non filtrées et non pasteurisées. Elles seront caractérisées par les parfums du quartier grâce à l'adjonction de produits frais comme le gingembre, le piment… Ma première carte sera composée d'une IPA (Indian Pale Ale) aux reflets dorés ; d'une bière blonde fruitée et parfumée avec des dattes ; d'une rousse épicée et enfin d'une bière ambrée au goût tourbé, plus alcoolisée, titrant 7,5° d'alcool. Cette dernière sera plus un produit de dégustation à apprécier au début ou à la fin d'un repas."
Thierry Roche regrette l'augmentation des taxes sur la bière qui s'ajoute à l'explosion du prix des matières premières et même si le prix de revient d'un litre de bière avoisinera les 25 centimes d'euro, le Brasseur envisage une production de 250 hectolitres pour la première année. Comme l'entrepreneur sera seul dans les 200 m2 de son site de production, il préfère prévenir : "Mes produits seront disponibles chez des cavistes, des épiciers et des restaurateurs même si des ruptures d'approvisionnement seront probables en début d'activité."
Publié par Francois PONT