Une centaine de jeunes scolarisés en apprentissage dans l’Allier auraient été contraints, depuis le printemps, de quitter leur formation et leur employeur, faute d’obtention d’une autorisation de travail. “Il s’agit principalement de mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance et de quelques jeunes majeurs. La majorité d’entre eux ont reçu une obligation de quitter le territoire français [OQTF] lorsqu’ils étaient mineurs”, explique Florence Carteron, membre de l’association Réseau Vichy Solidaire.
Le département de l’Allier compterait 230 mineurs non accompagnés confiés à l’ASE. Ce statut leur accorde protection (hébergement, scolarité, santé…) jusqu’à leur majorité. Les professionnels de l’ASE orientent majoritairement les jeunes qui en ont l’âge vers des formations en apprentissage pour leur permettre d’être autonomes à leurs 18 ans. Ce choix scolaire implique une demande d’autorisation de travail pour que les élèves puissent se rendre en entreprise. Cette demande - qui est habituellement une simple formalité - pose ici problème.
Des autorités qui peinent à répondre
Contacté, le conseil départemental, dont dépend l'ASE, ne souhaite pas donner d’information à ce jour. La préfecture nous a répondu sous la forme d’un courrier standard désignant les jeunes concernés comme de “faux mineurs”. Elle informe de la mise en place avec le département du dispositif “d’appui à l’évaluation de la minorité”, opérationnel dans l’été, pour aider ce dernier, grâce notamment à l’usage des empreintes digitales. La missive ne fait pas mention du nombre jeunes concernés, ni du pourcentage formé aux métiers des CHR.
Les professionnels de l'hôtellerie-restauration concernés sont choqués. “Nous les avons formés, nous avons partagé leurs repas deux fois par jour avec eux. Aujourd'hui, ils sont mis dehors, certains doivent aller dormir sous des ponts. Au-delà des galères administratives, nous devons gérer des drames humains.”
Des centres d’apprentissage qui se vident
Le département est organisé autour de trois bassins de vie : Moulins, Montluçon et Vichy. Dans le seul bassin de Vichy, l’association Réseau Vichy Solidaire annonce que 30 jeunes sont concernés, dont 20 se destinent aux métiers des CHR.
Le centre de formation IFI 03 à Moulins, qui forme en particulier aux métiers de bouche, aurait perdu une cinquantaine d’élèves. Contacté, le directeur, Thierry Loreau, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Les hôteliers et restaurateurs qui témoignent souhaitent garder l’anonymat. La pression est palpable. L’incompréhension domine. “C’est un paradoxe, nous peinons à recruter, ce sont des gens motivés qui demain seront parfaitement autonomes et intégrés”, explique, sidéré, l’un d’entre eux. La plupart des professionnels ont sollicité les élus. La députée Bénédicte Peyrol a reçu quinze d’entre eux sur le bassin de Vichy.
Double peine pour les jeunes majeurs
Pour ceux qui ont reçu l’OQTF juste avant leur majorité, c’est la double peine. C’est le cas pour ce jeune Ivoirien tout juste majeur. Après sept mois de procédures administratives, il a été confié à l’ASE par le juge des enfants et a intégré une formation, il était dans l’attente d’une autorisation de travail. “J’ai reçu l’OQTF trois mois avant mon anniversaire.” Deux mois plus tard, son employeur, un restaurateur, lui explique qu’entre l’absence d’autorisation de travail et l’OQTF, il ne va pas pouvoir continuer à l’employer.
“Je devais signer mon contrat jeune majeur [un délai supplémentaire de protection de l’ASE accordé aux jeunes majeurs pour terminer leur parcours], on m’a informé que toute personne sous OQTF ne pouvait pas signer ce contrat.” Puis son anniversaire est arrivé, et ses 18 ans ont sonné la fin de l’hébergement en foyer. “On m’a dit que je devais partir.” Aujourd’hui, il se débrouille “avec les amis” pour la vie quotidienne. Mais il s’inquiète pour les mois à venir, en attendant la décision de la Cour d’appel de Lyon. “Comment fera-t-on dans six ou sept mois ? Comment fera-t-on quand on sera plus nombreux à la rue ?”
Les professionnels des CHR du département peinent toujours à recruter. L’Umih évoque 80 000 à 100 000 emplois non pourvus en France et annonce la nécessité de doubler le nombre d’apprentis d’ici à cinq ans pour passer de 30 000 à 60 000 à l’échelle nationale.
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Publié par Sandrine ROCHAS