du 27 janvier 2005 |
HÉBERGEMENT |
RAPPORT DU CONSEIL NATIONAL DU TOURISME
Quel avenir pour l'hôtellerie indépendante française ?
La situation des indépendants a été passée au peigne fin par la Section des questions économiques du CNT. L'hôtellerie indépendante a fortement régressé entre 1998 et 2004. Concurrence de nouvelles formes d'hébergement et dispositifs non adaptés à leur mode de fonctionnement tant en matière réglementaire, fiscale que financière expliquent en grande partie la disparition de ces hôtels. Reste qu'ils sont indispensables à l'attractivité de nombreux territoires touristiques. Alors, que veut vraiment faire le gouvernement à l'égard de ce secteur d'activité ? La question est posée.
La moue ! Tout lecteur initié peut la faire après
avoir lu les conclusions du rapport de la Section des questions économiques du Conseil
national du tourisme (adopté lundi 24 janvier) concernant la situation de l'hôtellerie
indépendante française. De fait, ces conclusions vous laissent sur votre faim. Et pour
cause : les rapporteurs du document, qui d'ordinaire ne mâchent par leurs mots - en
particulier Christine Pujol, présidente de l'Umih de l'Aude, associée ici à Gérard
Ruiz (inspecteur général du tourisme) - , paraissent un peu timorés dans leurs écrits.
"Il est urgent et indispensable, au niveau
national, que l'État et ses partenaires institutionnels, publics et privés,
s'interrogent sur la nécessité de soutenir ce secteur d'activité par une politique
nationale à caractère structurel, inscrite dans le long terme", déclarent-ils
ainsi en substance. Et de poursuivre : "Si la réponse est positive, il conviendra
alors de mettre rapidement en place des dispositifs réglementaires fiscaux pour clarifier
et unifier les avantages et les obligations propres à chaque mode d'hébergement, dont la
diversité est nécessaire à l'ambition d'une politique performante et de qualité dans
un contexte international en mutation rapide." Certes, la question a le mérite
d'être clairement posée aux pouvoirs publics : "L'hôtellerie indépendante
constitue-t-elle aujourd'hui un enjeu économique pour le tourisme en France ?"
N'empêche que le ton utilisé est plutôt gentillet. Surtout quand on a parcouru le
dossier dans le détail. Dossier, au passage, qui se révèle riche d'enseignements et
très bien documenté. Selon ce dernier, en effet, l'avenir d'une partie de l'hôtellerie
indépendante semble bel et bien compromis.
Perte
de 10 % de la capacité de l'hôtellerie indépendante entre 1998 et 2004
En termes de quantité tout d'abord,
on découvre ainsi que le maintien de la capacité hôtelière globale entre 1998 et 2004
dans l'Hexagone provient exclusivement de l'accroissement de l'hôtellerie de chaîne (ou
franchisée). Alors qu'elle comptait 19 000 établissements en 1998, l'hôtellerie de
tourisme française ne totalise effectivement plus que 18 400 hôtels au 1er
janvier 2004. En revanche, le nombre total de chambres a augmenté, passant de 586 000 à
613 000 sur la période examinée. "Une progression qui s'est faite au profit de
l'hôtellerie de chaîne (ou franchisée) et au détriment de l'hôtellerie indépendante,
celle-ci ayant perdu 1 500 hôtels représentant 45 000 chambres, soit 10 % de sa
capacité", précise toutefois le rapport. Parallèlement, la structure du parc
hôtelier français s'est aussi sensiblement modifiée. Le recul du nombre d'exploitants
indépendants paraît d'ailleurs significatif, notamment dans les catégories économiques
(de 0 à 2 étoiles) à moyenne gamme. Recul essentiellement localisé en zone urbaine (23
500 chambres). À noter par contre : les indépendants ont mieux résisté dans les
catégories 3 et 4 étoiles (- 8 %). Dans le même temps, le parc des hôtels de chaîne
ou franchisés a crû de quelque 33 600 chambres en 0, 1 et 2 étoiles. Le tout en milieu
urbain. Autrement dit, "il y a eu substitution de l'hôtellerie de chaîne (ou
franchisée) aux indépendants" en ville.
Disparition
de 200 hôtels indépendants à la montagne
Cette substitution ne s'est
cependant pas effectuée à la montagne ni même à la campagne : ces deux espaces
touristiques ont de fait beaucoup souffert au cours des années étudiées, au point que
la situation actuelle de l'hôtellerie modeste à moyenne, qui constitue pour l'essentiel
la trame des hébergements commerciaux en zone rurale et de l'ensemble de l'hôtellerie
saisonnière en montagne et sur le littoral, a atteint un point critique.
La preuve : "On a observé la disparition de
plus 200 hôtels indépendants (4 500 chambres) en montagne et 300 dans les zones rurales,
indique le document. Un phénomène de disparition qui semble difficilement
réversible et qui constitue un enjeu en termes de maillage, d'emploi et de structuration
du territoire, dont les élus locaux n'ont qu'une perception très relative, alors même
que l'accompagnement par un soutien public paraît indispensable à son maintien." Voilà
assurément de quoi interpeller les pouvoirs publics, sachant que ces derniers ne cessent
de vanter les atouts de l'hôtellerie française (et plus spécifiquement son remarquable
maillage de l'ensemble du territoire).
Reste qu'à ce tableau noir s'ajoutent d'autres éléments, avouons-le, guère plus
encourageants. À commencer par le vieillissement des exploitants indépendants : 40 % des
hôteliers étaient ainsi âgés de plus de 55 ans en 2004 tandis que 21 % dépassaient
les 60 ans. Une pyramide des âges qui risque bien sûr d'aggraver, à moyen terme, le
problème de reprise de ces hôtels. D'autant plus fortement que les dispositifs bancaires
pour accompagner les hôtels indépendants demeurent totalement inadaptés à ce secteur.
Le problème pour l'hôtellerie indépendante est effectivement structurel et lié aux
capacités d'investissement des exploitants et à l'importance des transmissions à venir.
Ce qui signifie que les solutions envisageables ne peuvent s'inscrire que sur du long
terme.
L'heure est donc grave ! Va-t-on laisser mourir tout
un pan de l'hôtellerie française ? Si oui, ça va faire mal côté emploi. Le taux
d'emploi dans l'hôtellerie indépendante (90 000 employés) se révèle supérieur aux
autres modes d'hébergement et à l'hôtellerie de chaîne (22 500 employés). Quant à
l'attractivité de nombreux territoires touristiques, elle sera sans aucun doute remise en
question. À bon entendeur, salut !
C. Cosson zzz36p
Quelques recommandations
issues du rapport (Liste non
exhaustive) Attirer l'attention des élus et des pouvoirs publics sur la nécessité de faire des choix stratégiques à l'égard de ce secteur. Favoriser la mise en place d'instruments financiers adaptés, tels que l'apport de garanties supplémentaires à travers le fonds Sofaris pour sécuriser les banques. Allonger les durées de prêts d'équipement et différencier les taux et conditions de crédit selon les biens et les opérations financés. Favoriser dans certains cas le portage de l'équipement par une collectivité locale qui le confie en gestion à un professionnel. Lier toute aide à la reprise à une évaluation du besoin de formation à la gestion du repreneur. Généraliser et coordonner la démarche diagnostic instaurée dans certaines régions pour faciliter la transmission-reprise et l'apport d'une aide sous formes d'avances, de primes ou de taux bonifiés. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2909 Hebdo 27 janvier 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE