du 7 avril 2005 |
JURIDIQUE |
DU CÔTÉ DES PRUD'HOMMES
FAIRE BON USAGE DU CONTRAT D'EXTRA
Les contrats d'extra sont des contrats d'usage dans les CHR et chez les traiteurs organisateurs de réceptions. Les entreprises les utilisent pour une ou plusieurs vacations car l'activité étant fluctuante, il faut bien recruter ponctuellement pour y faire face. Le conseil de prud'hommes vient de confirmer sa validité et ses conditions.
Bien que très fréquent, le contrat d'extra est réglementé par
peu de textes. En effet, le Code du travail comme la convention collective nationale des
CHR du 30 avril 1997 se contentent de prévoir la possibilité de recourir à un extra
dans la limite de 60 jours dans un trimestre civil. Au-delà, le contrat à durée
indéterminée s'impose. Est-ce à croire qu'il n'existe que cette seule restriction ?
Cette question, nombre de professionnels de la
branche d'activité se la sont posée et continuent de le faire. Le conseil de prud'hommes
de Paris, lui, y répondait dernièrement à l'occasion d'un énième conflit opposant un
extra à son ex-employeur.
Un
traiteur utilisera fréquemment un extra pendant 5 ans
Cet employeur, c'est un traiteur
organisateur de réceptions, un TOR comme on a coutume de les appeler. Un des plus grands,
dont l'enseigne est fort appréciée des amateurs de réceptions de haut standing. Il est
vrai qu'il se donne les moyens de son succès : la cuisine est de taille. En son sein, les
cuisiniers, pâtissiers et autres commis chargés de la préparation s'activent à la
préparation des produits destinés aux banquets et autres cérémonies.
Les festivités auront lieu au domicile du client,
dans son jardin, dans une salle des fêtes, ou mieux encore, dans un château loué pour
les besoins.
Pour assurer le service des invités, c'est parfois le client qui se débrouille. Mais
souvent, il demande au traiteur de s'en charger. Aussi la société emploie-t-elle nombre
de chefs de rang et de maîtres d'hôtel, embauchés dans le cadre de contrats d'extra.
L'entreprise est, par son activité, soumise à la CCN du 30 avril 1997 dans les hôtels,
cafés, restaurants : rien d'anormal, a priori.
C'est précisément dans ces conditions qu'elle a employé, de 1997 à 2002, un salarié
sous contrats successifs d'extra à durée déterminée - le salarié intervenait en
qualité de maître d'hôtel. À la suite d'un incident de taille avec un client - le
maître d'hôtel a été surpris en train de voler -, le traiteur organisateur de
réceptions décide de ne plus recourir
à ses services. Du jour au lendemain, cet extra ne se verra plus proposer la moindre
vacation.
Ce dernier ne l'entend pas de cette oreille : il
considère que depuis le temps qu'il intervenait pour le compte de la société, il ne
peut plus être question d'un statut d'extra. Pour lui, son contrat de travail était un
contrat à durée indéterminée, et si la société désirait se passer de ses services,
elle n'avait qu'à le licencier.
Le
salarié demande la requalification de son contrat
Quelques jours après avoir pris
possession de son solde de tout compte, l'extra saisit le conseil de prud'hommes. Ses
demandes sont nombreuses et très importantes : il y en a pour plus de 67 000 E. De quoi
faire trembler son ancien employeur
En premier lieu, le salarié demande au conseil de
prud'hommes de reconnaître qu'il était employé par ce traiteur organisateur de
réceptions en contrat à durée indéterminée.
L'argumentation du salarié est simple : il a travaillé de façon suffisamment fréquente
et régulière chez cet employeur pour être embauché sous CDI. Selon lui, le poste qu'il
occupait était un poste permanent, nécessaire à la bonne marche de l'entreprise dans le cadre de son activité normale. Il a
exécuté pas moins de 800 vacations d'extra entre 1997 et 2002. Cette argumentation
repose sur des textes : l'article L. 122-3-13 du Code du travail prévoit qu'un contrat à
durée déterminée conclu au mépris des règles, et plus précisément l'article L.
122-2-1 du même code, peut à la demande du salarié être requalifié en contrat à
durée indéterminée.
Or, cet article L. 122-2-1 interdit de conclure un
contrat à durée déterminée pour un poste permanent relevant de l'activité normale de
l'entreprise. Le CDD, et a fortiori le contrat d'extra, est un contrat d'exception.
La sanction de cette requalification : une indemnité égale à un mois de salaire autant
de fois qu'il y a eu de contrats
d'extra conclus à tort. Le salarié fixe, quant à lui, arbitrairement cette somme à 30
000 E.
Pour
invoquer le non-respect de la procédure de licenciement
Par la suite, l'extra demande au
conseil de prud'hommes de tirer les conséquences de cette requalification de son contrat
de travail. Tout d'abord, en ce qui concerne sa rupture : l'extra considère qu'il doit
être indemnisé du fait de la rupture de son contrat de travail. Si l'employeur avait
quelque chose à lui reprocher, il devait le convoquer à un entretien préalable pour se
passer de ses services, et seulement à la suite de cela lui adresser une lettre
recommandée avec AR énonçant de façon précise les faits qui lui étaient reprochés.
En l'absence d'une telle procédure, la rupture du
contrat de travail est un licenciement abusif. L'employeur devra être condamné à lui
verser son préavis, une indemnité de licenciement et de lourds dommages-intérêts. Le
salarié les estime à 6 mois de salaire minimum.
Et il n'en reste pas là. Il demande également au conseil de prud'hommes de tirer les
conséquences de la requalification de son contrat de travail sur le terrain du rappel de
salaire. En effet, il explique qu'il était en permanence à la disposition de son
employeur, lequel décidait ou non de l'embaucher sous contrat d'extra. De la sorte, il
lui a été impossible, pendant toute la période comprise entre 1997 et 2002, de mettre
sa force de travail à disposition
d'une autre société. Cela, l'employeur doit désormais le réparer en lui versant un
rappel de salaire correspondant à un emploi à temps plein.
Le salarié cite, à l'appui de sa demande, de
nombreux arrêts de la Cour de cassation (Cass. Soc. 1er mars 1995, ou encore
26 mai 1994).
Ces
contrats ont été conclus en bonne et due forme
En réponse à cette avalanche de
demandes, l'employeur entend rappeler devant le conseil de prud'hommes de Paris les
conditions dans lesquelles cet extra a pu intervenir à l'occasion de diverses réceptions
en sa qualité de maître d'hôtel.
Ainsi, il indique que si le salarié a effectivement
été employé de janvier 1997 à septembre 2002, c'est dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs d'extra conclus
dans le strict respect des usages de la branche d'activité des CHR.
Et cet extra ne peut pas, dit-il, contester la
réalité de ce statut. La forme a été respectée. Ainsi, à chacune de ses
interventions, celui-ci se voyait présenter à la signature un contrat de travail écrit
à durée déterminée d'extra.
Ces contrats étaient rédigés en référence au Code du travail. Le 3e
alinéa de l'article L. 122-1-1 du Code du travail prévoit que "le contrat de
travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants :
emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels dans certains secteurs d'activité
définis par décret ou par voie de convention, ou d'accord collectif étendu, il est
d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en
raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces
emplois".
Par suite, l'article D. 122-1 du Code du travail vient ajouter que l'hôtellerie et la
restauration figurent effectivement parmi les secteurs d'activité pour lesquels ces
contrats d'usage peuvent être conclus.
Le traiteur poursuit son argumentation en démontrant que cet extra était
systématiquement entré puis sorti des effectifs de la société à l'occasion de ces
vacations. Il produit au conseil de prud'hommes les déclarations uniques à l'embauche
réalisées par le comptable, ainsi que le registre unique du personnel sur lequel
celui-ci était invariablement inscrit en entrée et en sortie à l'occasion de chaque
vacation.
Puis le traiteur explique que le salarié ne peut pas non plus contester la régularité
de ces interventions dans le cadre de vacations d'extra. Le fond aussi a été respecté.
Plus précisément, le salarié ne peut pas prétendre que ses interventions fréquentes
et multiples - aussi nombreuses soient-elles - légitimeraient la requalification de ses
contrats à durée déterminée d'extra en un seul et unique contrat à durée
indéterminée.
À ce titre, la société s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation en date du
26 novembre 2003, arrêt n° 2 663, selon lequel le rôle du juge, en cas de conflit
relatif aux extras, est tenu "seulement de rechercher, par une appréciation
souveraine si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit dans
ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d'usage
constant de ne pas recourir à un tel contrat".
Dans
la limite de 60 jours par trimestre civil
La société rappelle également que
la convention collective nationale du 30 avril 1997 limite à 60 jours par trimestre civil
les conditions de recours à l'extra. Or, le maître d'hôtel n'intervenait pas plus de 60
jours par trimestre civil, et même nettement moins.
La société verse même aux débats des
témoignages de salariés confirmant que leur ancien collègue intervenait, en sa qualité
d'extra, en fonction et des besoins de l'entreprise et de ses propres disponibilités afin
d'assurer le service à l'occasion de réceptions chez les clients. Le salarié était
donc bien employé sous contrat d'extra.
Pour conclure, la société demande au conseil de prud'hommes de tirer les conséquences
de sa démonstration. Puisque le salarié était employé sous contrats d'extra
successifs, il ne peut pas prétendre à une requalification de sa relation contractuelle
en un contrat à durée indéterminée et à aucune indemnité de ce chef.
Il ne peut pas davantage prétendre avoir été licencié. À tout moment l'employeur
était libre de ne plus recourir à ses services sans qu'il soit nécessaire de le
licencier. Aucun dommages-intérêts n'est dû.
Il ne peut pas non plus demander le paiement de ses salaires entre deux vacations.
D'ailleurs, le traiteur n'hésite pas à le faire remarquer : cet extra n'a pas manqué
d'être indemnisé, le cas échéant, par les Assedic entre deux vacations.
Le
conseil de prud'hommes confirme la validité du contrat d'extra
Après avoir entendu les plaidoiries
des parties, le conseil de prud'hommes s'est retiré comme à son habitude pour
délibérer. Le 6 avril 2004, il a rendu son jugement, déboutant le salarié de
l'ensemble de ses demandes.
Pour le conseil de prud'hommes, les contrats d'extra
en cause ont été conclus conformément aux dispositions des articles L. 122-1-1, L.
122-3-10 et D. 221-2 du Code du travail ainsi que de la CCN du 30 avril 1997.
De ces articles - la Cour de cassation l'a rappelé -, il ressort que l'élément
fondamental d'appréciation est l'existence ou non d'un usage autorisant le recours à
l'extra.
Or, en l'espèce, les contrats d'extra en cause ont bien été conclus en référence à
un usage officiellement reconnu dans la branche d'activité des CHR.
Dès lors, il n'y avait pas à vérifier si ces contrats avaient pour objet de pourvoir un
poste permanent ou non dans l'entreprise, sauf à ce que la limite d'emploi fixée par la
branche n'ait pas été respectée.
L'entreprise n'ayant pas dépassé la limite maximale fixée par la convention collective
nationale des CHR à 60 jours par trimestre civil, les contrats d'extra pouvaient se
succéder avec le même salarié sans requalification.
Voilà une décision qui a au moins le mérite de
clarifier et de simplifier les conditions de recours aux extras dans les CHR.
Franck Trouet (Synhorcat) zzz60c
CE QU'IL FAUT
SAVOIR Le contrat d'extra L'article 14 de la CCN du 30 avril 1997 précise les conditions d'emploi des extras. La convention rappelle que l'emploi d'extra qui, par nature, est temporaire, est régi par les dispositions légales en vigueur. Un contrat à
durée déterminée Attention à
la requalification Les
formalités Plus d'infos sur www.letee.fr Centre
national TEE de Lyon Le salaire
d'un extra Rédaction du
bulletin de paie Retrouvez d'autres modèles de contrats d'extra sur le Sujet Interactif 'Tous les modèles de contrats de travail dans les CHR' sur www.lhotellerie.fr |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2919 Hebdo 7 avril 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE