du 23 juin 2005 |
CARRIÈRE |
DES ANTILLES EN GRANDE-BRETAGNE
JIMMY DESRIVIÈRES, LA CUISINE DANS LES TRIPES
Bien loin de la mer des Caraïbes dont il est originaire, c'est malgré tout sur une île, et la plus grande d'Europe, que Jimmy a su s'imposer comme chef de cuisine haut de gamme dans un hôtel de luxe de New Forest, au sud-ouest de l'Angleterre.
Jimmy Desrivières. |
Lorsqu'il n'est pas en cuisine, il ne se sent pas
bien, et ne cesse de s'imaginer ce qui s'y passe. "Ce n'est pas parce que je ne
fais pas confiance à mon équipe, qui est très professionnelle et dynamique, mais j'ai
besoin d'être cuisine", justifie Jimmy Desrivières, 27 ans, chef des cuisines
du Westover Hall Hotel. Il y est donc presque 7 jours sur 7. Par passion, par envie, par
plaisir. C'est comme ça. La cuisine, c'est en lui. À se demander si ce n'est pas
génétique. Car sa mère, cuisinière de métier et de coeur, là-bas, en Martinique,
avait bien tenté de l'en éloigner en l'orientant vers un CAP d'électro-technique
En vain. Le jeune Antillais qui a baigné toute son enfance dans une ambiance 'cuisine
créole' ne pouvait s'en défaire. Il commence donc sans diplôme, au Calypso, un
hôtel-restaurant gastro-antillais du sud de l'île où il parfait sa connaissance et la
pratique des produits locaux de la mer des Caraïbes : langoustes, fruits de mer,
poissons.
C'est la curiosité et l'envie d'en apprendre
davantage qui le mène en métropole. Naturellement guidé dans une région alliant mer,
soleil et gastronomie, il atterrit à Marseille. De là, il décide de passer un CAP de
cuisine, intègre le pôle pâtisserie du Vallon de Valrugues, et décroche son CAP de
pâtissier en candidat libre. "Rigueur, ponctualité, précision, souci du détail
et respect du produit." Voilà ce qui marque particulièrement le jeune
Martiniquais très impressionné par la haute qualité et le professionnalisme de la
brigade de Laurent Chouviat, le chef de cet hôtel-restaurant de prestige. "J'ai
même appelé ma mère pour lui dire que j'étais sûrement dans l'un des plus grands
restaurants de Provence", se remémore-t-il.
D'une
Cadillac à une Ferrari
La cadence de travail est alors
foncièrement différente. "C'était comme si d'une Cadillac je passais à une
Ferrari", se souvient Jimmy. Le changement est rude, mais il est pleinement
séduit. Il est de surcroît mis en confiance, et encouragé par son chef pâtissier qui
prend le temps de lui enseigner méthode et recettes. Après un peu plus d'un an, le jeune
homme alors âgé de 22 ans décide de se rapprocher de la région parisienne. En lisant L'Hôtellerie Restauration, il tombe sur une annonce pour un poste chez
Hélène Darroze, l'année de sa première étoile. Ni une ni deux, il 'monte à la
capitale', et obtient une place de commis tournant. "Mais trouver un logement à
Paris, c'était la galère", explique-t-il, et au bout de 8 à 9 mois de travail
effréné imposé par un domicile en banlieue et une présence en cuisine de près de 15
heures par jour, le jeune homme décide de s'exiler en province. Mais pas n'importe où.
Il veut monter en gamme, et cette fois-ci, il vise l'excellence d'un 3 étoiles. Par
bonheur sa candidature dans le restaurant de Georges Blanc à Vonnas est retenue. Pendant
7 mois il tourne aux entremets, au chaud, aux poissons, et aux spécialités maison, puis
il est hissé au grade de chef de partie. "J'ai beaucoup apprécié travailler
avec Alexandre Blanc, qui m'a bien orienté et a beaucoup d'idées", précise
Jimmy Desrivières.
Quand il décide de partir en Angleterre après
quelques mois à l'Hôtel Meurice, c'est délibérément qu'il fait le choix d'un lieu où
il n'y a pas d'autres Français. "Pour être sûr d'apprendre à parler
anglais." Grâce à une annonce publiée dans L'Hôtellerie Restauration, une agence de recrutement le met en contact avec les
propriétaires du Westover Hall Hotel, alors à la recherche d'un sous-chef pour seconder
leur jeune chef anglais. Après quelques mois de totale immersion dans la culture
britannique, Jimmy devient presque bilingue, prêt alors pour un nouveau challenge :
emmener l'établissement vers une reconnaissance des guides gastronomiques anglais. C'est
aujourd'hui chose faite puisque le restaurant de l'hôtel est classé 2 AA Rosettes, l'un
des classements les plus médiatiques en Grande-Bretagne.
Tiphaine Beausseron zzz18p
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Parcours express
18-20 ans Chef de partie à
l'hôtel-restaurant Le Calypso au Diamant (Martinique)
20-22 ans CAP de cuisine (Afpa de Istres), CAP de
pâtisserie (CFA d'Avignon), commis tournant au restaurant Le Vallon de Valrugues
(Saint-Rémy-de-Provence), commis puis demi-chef de partie chez Hélène Darroze (Paris VIe)
23-25 ans Commis puis chef de partie chez Georges Blanc (3 étoiles Michelin à
Vonnas), chef de partie au Meurice (room-service, jardin d'hiver, puis restaurant)
26-27 ans Sous-chef puis chef du restaurant du Westover Hall Hotel (Hampshire, GB)
Aperçu des responsabilités ?
Opérationnelles
Réception et contrôle des marchandises en qualité
et quantité
Négociations des prix fournisseurs
Mise en place et service du chaud pour le bar style 'rapide gastro' à midi et pour
le restaurant gastronomique le soir
Relationnelles
Management d'une brigade européenne (Français, Allemands, Espagnols, Polonais,
Anglais)
Visites chez les producteurs pour mesurer leur capacité à produire les produits
frais en qualité et quantité
Entretien des relations avec les fournisseurs locaux
Communication de proximité avec les autres professionnels de l'hôtel :
réceptionniste et maître d'hôtel et direction pour savoir comment la clientèle
perçoit sa cuisine, et trouver comment l'améliorer et innover
Créatives
Conception et création de nouvelles recettes
Essais de nouvelles recettes en coupures ou au service du midi.
Trois questions à
Stewart Mechem, l'un des propriétaires du Westover
Hall Hotel
Pourquoi avez-vous choisi un chef français ?
Parce que notre hôtel de luxe avait besoin d'une cuisine
'au top', et qu'une cuisine française nous semblait être la meilleure pour représenter
notre maison.
Pourquoi avoir retenu Jimmy ?
Parce qu'il est créatif,
très professionnel, dynamique, et qu'on voyait en
lui celui qui pouvait emmener notre maison sur la voie des Rosettes.
Avez-vous
l'intention d'embaucher d'autres Français, salariés ou stagiaires ?
Rien de précis n'est envisagé à ce jour, mais d'une
manière générale, nous sommes très contents du travail fourni par les professionnels
français, donc nous serons sans doute amenés à en recruter d'autres dans l'avenir. Pour
le moment notre brigade est européenne.
Complément d'article 2930p30
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L'Hôtellerie Restauration n° 2930 Hebdo 23 juin 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE