du 30 juin 2005 |
RECRUTEMENT |
RELEVANT DE LA CONVENTION COLLECTIVE DU... CAOUTCHOUC
COMMENT DEVENIR INSPECTEUR DU MICHELIN
Ils sont 70 à sillonner l'Europe pour visiter, essayer, et classer les hôtels et restaurants afin que, à n'importe quel moment de l'année, un lecteur du guide Michelin, puisse être assuré de faire halte dans un établissement de qualité adapté à son envie et à son budget. Liés par une clause de confidentialité ces inspecteurs n'ont pas le droit d'expliquer au public en quoi consiste leur métier. Et pourtant, il en fait rêver plus d'un car on y associe l'opportunité de bien manger en travaillant. Mais, s'il est indispensable d'être épicurien, ce n'est pas suffisant. C'est ce que Jean-Luc Naret, directeur du guide Michelin, explique aux lecteurs de L'Hôtellerie Restauration dans une interview exclusive.
Propos recueillis par Tiphaine Beausseron
L'Hôtellerie Restauration : En quoi consiste le métier d'inspecteur du
guide Michelin ?
Jean-Luc Naret : Le métier d'inspecteur s'organise principalement
en deux temps. Le temps de l'inspection qui dure 9 mois, et celui de la réédition pour
le reste de l'année. Pour les tournées d'inspection, ils ont un planning à l'année, et
ils organisent leurs tournées en fonction des régions qui leur sont attribuées. Ils
sont chacun responsables de plusieurs zones géographiques réparties volontairement un
peu partout sur tout le territoire national. L'idée est évidemment qu'ils ne puissent
pas être reconnus dans une région. Ces tournées sont également rythmées 3 fois dans
l'année par des séances 'étoiles', chapeautées par le rédacteur en chef du guide.
Elles réunissent tous les inspecteurs d'un guide pour faire un débriefing sur les
rapports qu'ils ont établis pendant leur tournée d'inspection.
Dans la phase de réédition, l'inspecteur va s'assurer que
toutes les informations recueillies pendant les 9 mois d'inspection sont justes. Il s'agit
de vérifier le prix des menus, les dates d'ouverture et de fermeture, et le commentaire
associé. L'inspecteur est responsable de tout ce qui est publié pour sa zone
d'inspection. C'est une manière de l'impliquer
jusqu'au bout.
Quelle est la
journée type d'un inspecteur en tournée ?
Une tournée comprend des visites et des essais de table. On parle de visites quand il
arrive dans un établissement pour inspecter les lieux officiellement c'est-à-dire en se
présentant au propriétaire. En général, il fait 4 visites le matin. À midi, il fait
'un essai de table'. Cela consiste à réserver une table sous un nom d'emprunt de façon
à déjeuner ou dîner incognito. L'inspecteur va alors analyser la carte, passer commande
de façon à faire un repas complet et représentatif de l'établissement. Il va observer
le service en salle, le décor, l'ambiance, et goûter les plats. À la fin de l'essai, il
devra remplir un rapport détaillé en deux parties bien distinctes ; une première partie
sur l'accueil, le décor et le service qui permettront la classification dans un nombre de
couverts de 1 à 5, et une deuxième partie dans lequel il devra notamment décomposer et
expliquer le menu dégusté, et décrire la qualité des produits, la maîtrise des
cuissons et des saveurs, évaluer la créativité et la personnalité du chef et le
rapport qualité/prix.
Il continue son après-midi, par 4 autres visites officielles. Le soir, il réserve dans
un hôtel sous un nom d'emprunt et dîne incognito pour un nouvel essai de table soit dans
le restaurant de l'hôtel, soit à proximité, Ce n'est que le lendemain matin qu'il
révèle son identité à la direction de l'hôtel. Il entame alors sa journée par la
visite officielle de cet établissement, celui dans lequel il vient de passer la nuit.
Quelles sont
les qualités requises pour devenir inspecteur ?
Avant tout, le candidat au métier d'inspecteur ne doit pas attendre de reconnaissance
extérieure car c'est un métier d'anonymat qui exige de passer inaperçu, de se faire
invisible, de beaucoup écouter sans se faire prescripteur. Un inspecteur ne peut dire à
personne qu'il est inspecteur Michelin, sauf quand il sort sa carte d'inspecteur du guide
dans le cadre d'une visite, ou à sa famille bien sûr. Et c'est très dur de ne pas
pouvoir s'exprimer librement sur son quotidien professionnel, surtout quand on voyage seul
sur la route (sauf pour les repas dans des restaurants étoilés). Et c'est souvent le
cas, puisqu'en moyenne il part 'inspecter' pendant 2 à 3 semaines pour revenir au bureau
une semaine afin de préparer une nouvelle tournée. Le métier d'inspecteur est donc aussi un métier de solitaire. Enfin,
bien sûr, il faut avoir la passion de la gastronomie et de la découverte de nouveaux
talents.
Quelles sont
les perspectives d'évolution ?
Quand ils commencent, les inspecteurs sont forcément inspecteurs juniors. Pendant 6 mois,
ils vont suivre une formation technique (goût, saveur, oenologie
) et pratique en
accompagnant ainsi des inspecteurs expérimentés sur la route. À la fin des 6 mois, ils
passent un test écrit pour valider leurs connaissances, et ils sont définitivement
embauchés uniquement si les inspecteurs valident leurs compétences à 'bien manger'.
Pendant la première année, ils peuvent tester des restaurants 1 ou 2 étoiles. Par
contre quand ils vont déjeuner ou dîner dans un 3 étoiles, ils ne testent pas, c'est
uniquement pour forger leur expérience et apprendre à faire la distinction entre les 1,
2 ou 3 étoiles. Et ce, dans plusieurs pays afin de les ouvrir à tous les types de
cuisines. De juniors, ils passent confirmés, puis seniors. N'oubliez pas non plus que
tous les rédacteurs en chef sont tous des anciens inspecteurs.
Quel est le
profil idéal pour pouvoir espérer être recruté comme inspecteur du guide ?
Dans la majorité des cas, les candidats embauchés comme inspecteurs du guide sont issus
d'école hôtelière et justifient d'une expérience de 5 à 10 ans en hôtellerie ou
restauration. Souvent ce sont des jeunes d'une trentaine d'années qui ont déjà exercé
des fonctions en management en cuisine ou en hôtellerie. Car il ne suffit pas de savoir
bien manger, il faut aussi savoir mesurer les difficultés que le restaurateur ou
l'hôtelier a dû surmonter pour parvenir à un résultat. Une formation en école
hôtelière est donc pratiquement indispensable. Ils doivent aussi avoir une bonne
aptitude à savoir défendre leurs dossiers dans des séances étoiles ou tous les essais
de table sont revus par les rédacteurs en chef avec tous les inspecteurs.
En France,
quels sont leur statut et la convention collective applicable ?
La convention collective est celle du caoutchouc puisque le groupe Michelin est d'abord un
grand groupe de pneumatique. Les juniors commencent agents de maîtrise, et les seniors sont tous cadres. Mais ce
genre de distinction est très français, et ce n'est pas dans tous les pays aussi
marqué.
Recrutez-vous
souvent ?
Non pas tellement, car il y a peu de turn-over. Même si quand ils commencent, les jeunes
inspecteurs pensent qu'ils vont faire ce métier pendant quelques années, on s'aperçoit
qu'ils restent finalement assez longtemps. Quand on recrute, c'est soit pour renouveler
les équipes qui arrivent à la retraite, soit pour constituer une nouvelle équipe lors
de la création de nouveaux guides. Par exemple en 2004 les rédacteurs en chef de 4 pays
- Espagne, Allemagne, Italie et Belgique - ont changé, ce qui a généré un recrutement
d'inspecteurs. Pour le guide de New York, dont la publication est programmée aux
alentours du 15 novembre 2005, on a choisi 4 inspecteurs qui avaient déjà pas mal
d'expérience sur d'autres pays, et on a recruté 2 Américains. On espère avoir une
équipe véritablement locale au bout de 3 ans.
Comment
procédez-vous ?
On a pas mal de candidatures dans nos dossiers, bien que notre vivier ne soit pas
suffisant à mon goût. En fait, les candidatures nous arrivent par vagues. Ainsi, elles
sont souvent nombreuses, juste après une présentation dans les écoles hôtelières.
Mais, comme on ne les recrute pas à la sortie de l'école mais seulement quand ils ont 5
à 10 ans d'expérience professionnelle, ces candidatures viennent enrichir notre vivier,
et on a du mal à retrouver leur trace à ce moment-là. Cela nous arrive aussi de passer
des annonces dans la presse spécialisée comme L'Hôtellerie Restauration, mais dans ce cas bien sûr, l'annonce est suffisamment elliptique pour
qu'on ne devine pas que c'est nous qui recrutons.
Quant au processus de recrutement, à côté d'un
recrutement traditionnel avec entretiens individuels, il y a forcément un déjeuner ou un
dîner avec un inspecteur du guide qui évaluera la capacité du candidat à 'bien manger'
comme on dit dans notre jargon. zzz82 zzz68m zzz22i RE0607
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L'Hôtellerie Restauration n° 2931 Hebdo 30 juin 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE