du 20 octobre 2005 |
CARRIÈRE |
S'EXPATRIER OUTRE-ATLANTIQUE
À NEW YORK : MAÎTRISE DE L'ANGLAIS ET PREMIÈRE EXPÉRIENCE EXIGÉES
La ville qui ne dort jamais fait la part belle aux professionnels français prêts à s'adapter à la culture américaine et à une cadence effrénée. Le plus dur : obtenir un visa de travail.
À New York, préparez-vous à vivre ce que vous vivez en France en 10 fois plus rapide et 10 fois plus intense. |
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Ici, on ne s'arrête jamais de travailler. Il n'y a pas vraiment de saison, c'est du non-stop en permanence, même si la meilleure partie de l'année pour les affaires s'étend de septembre à janvier. D'ailleurs, l'hôtel est pratiquement toujours plein." Le témoignage d'Erik Anderouard, directeur du Sofitel New York, donne le ton. New York, ville du 'business' par excellence, vibre au rythme d'une énergie presque frénétique. L'effet est entraînant aussi bien pour les affaires d'une manière générale que pour l'activité hôtelière et de restauration. Aussi, à New York, les professionnels français peuvent y trouver de belles opportunités de carrière. À condition bien sûr d'être armé d'une solide appétence pour le travail. Rappelons que les New-Yorkais ne prennent que 2 semaines annuelles de congés payés grand maximum. En outre, si la législation permet de bénéficier de 2 jours de repos par semaine, il est très fréquent que les jeunes ambitieux de la profession ne se les accordent pas. "Lorsqu'on débute (N.D.L.R. : commis ou chef de partie), si l'on veut travailler 5 jours sur 7, c'est possible. Mais si l'on déborde d'énergie, et qu'on préfère travailler plus, on le peut très facilement. Quand on est payé à l'heure, les heures supplémentaires sont vraiment payées plus cher, et ça rapporte. C'est motivant. Alors, quand on en veut, on fonce", explique Olivier Muller, aujourd'hui chef de DB Bistro Moderne. Le jeune homme n'a jamais compté ses heures, et a longtemps enchaîné les services en cuisine avec des prestations banquet-traiteur lorsqu'il officiait dans l'un des autres restaurants de Daniel Boulud. "Ici on travaille avec deux brigades. L'une du matin, de 6 heures à 18 heures, l'autre du soir, de 12 h 30 à minuit, car il faut assurer en moyenne 1,5 service au déjeuner et 2 à 3 services le soir, ce qui revient à 400-500 couverts par jour. Pour ma part, je fais du 10 heures-1 heure, 6 jours/7, parfois 5 jours/7", confie ce Strasbourgeois de 31 ans, embauché 5 ans plus tôt au poste de commis. La cadence de travail est à peu près équivalente pour Sébastien Rondier, 30 ans, sous-chef du restaurant Alain Ducasse at The Essex House. "Le restaurant est ouvert uniquement le soir, mais je travaille de 10 heures à 23 heures tous les jours sauf le dimanche", précise le jeune homme.
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Maturité
exigée
Contrairement à Londres, qui attire
les jeunes professionnels français très tôt au sortir de leur école hôtelière, New
York exige plus de maturité. C'est en tout cas ce que disent les professionnels du
secteur. En témoigne Daniel Boulud, propriétaire de 5 restaurants aux États-Unis dont 3
à Manhattan : "Il est indispensable de savoir parler anglais. À cet égard, une
première expérience à l'étranger est un plus, car elle démontre un esprit d'aventure,
une curiosité sur le monde et une certaine liberté de pensée. C'est important dans une
ville qui brasse une multitude de nationalités. D'ailleurs dans mes restaurants, j'essaie
de maintenir cette mixité. En moyenne, j'emploie 30 % de Français, 40 % d'Américains,
et le reste est réparti entre des nationalités différentes. Enfin d'une manière
générale, il faut que le jeune justifie de 5 à 7 ans d'expérience minimum et d'une excellente
formation. Et c'est mieux s'il est recommandé par un chef reconnu pour son
professionnalisme et la bonne tenue de son établissement." Daniel Boulud, qui
emploie au total près de 140 cuisiniers et 250 personnes en salle, est également un
adepte de la fidélisation du personnel par la promotion interne. "C'est un hasard
si actuellement les chefs de mes 3 restaurants new-yorkais sont français. Par contre, ce
n'est pas un hasard qu'ils soient tous issus de la progression interne",
ajoute-t-il.
Jean-Michel Bergougnoux, chef et propriétaire du
restaurant l'Absinthe, quant à lui, explique : "Je n'engage pas de jeunes
Français sortant immédiatement de l'école. Je demande un minimum de 2 à 5 ans
d'expérience, avec une certaine maîtrise de l'anglais. Car non seulement le démarrage
dans la vie professionnelle n'est pas facile, mais il l'est encore plus à New York. Et,
pour m'assurer de leur véritable motivation, je leur demande, au cours d'un entretien
téléphonique, s'ils sont prêts à se déplacer à New York pour faire un essai de 2 à
3 jours à leurs frais", avoue cet Auvergnat installé à New York depuis presque
20 ans, et chef de son propre restaurant depuis 10 ans.
"New York, c'est quitte ou double : soit on adore, soit on déteste." Vincent Vienne, hotel manager au Sofitel New York. |
Visas
: fastidieux mais pas impossible
Du travail, donc il ne semble pas en
manquer à New York, pour les jeunes Français désireux de consolider leur parcours
professionnel par une expérience outre-Atlantique. Mais attention aussi au travail
illégal. La pratique semble assez répandue, même si d'aucun ne veut l'avouer
officiellement. Or, en tant que Français, le plus dur pour pouvoir travailler à New York
consiste à obtenir une autorisation de travail (visa), car les règles d'immigration sont
compliquées et contraignantes. Il existe plusieurs types de visas (lire le complément
d'article sur le web), mais, dans tous les cas, un visa ne peut être obtenu que si et
seulement si une entreprise américaine vous sponsorise, c'est-à-dire qu'elle en fasse
elle-même la demande à l'administration américaine. Le dossier à remplir est déjà à
ce stade tellement compliqué, qu'en pratique, ces entreprises le sous-traitent à des
agences spécialisées américaines (plus rarement à un avocat spécialisé en droit de
l'immigration). Ces agences sont plus ou moins rapides.
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En moyenne, le délai pour obtenir un visa peut varier entre 3 semaines et plusieurs mois. Le fait de passer par une agence spécialisée ne vous évite pas le coût du visa (compris entre 1 600 et 2 500 dollars assurance comprise - parfois l'entreprise accepte de supporter une partie des frais), mais elle garantit à 99 % l'obtention de ce document indispensable. Car ce n'est que si l'entreprise 'sponsor' obtient l'autorisation de travail que vous pourrez introduire votre demande de visa auprès de l'ambassade des États-Unis en France. Vous devez obligatoirement faire votre demande de visa sur le sol français en vous déplaçant dans les locaux de l'ambassade des États-Unis à Paris pour passer un entretien avec un officier consulaire. "La prise de rendez-vous se fait impérativement par téléphone et elle est facturée 14,50 E par appel. Nous conseillons aux candidats de prendre très au sérieux cet entretien, car même s'ils remplissent toutes les conditions administratives, rien ne garantit l'obtention du visa, qui relève de l'entière discrétion des autorités américaines. Il est donc impératif de faire bonne impression à l'agent d'immigration, en lui faisant notamment comprendre que votre but n'est pas de rester indéfiniment sur le sol américain, mais plutôt de gagner une expérience professionnelle tout en faisant profiter l'entreprise américaine de votre savoir-faire français", explique Bernadette Fouquet, du service expa-conseil de l'Espace Emploi International. Ce service, issu du rapprochement de l'ANPE International et de l'Omi (Office des migrations internationales), informe, conseille (droit du travail, fiscalité, assurance sociale et retraite), et oriente tous ceux qui désirent s'expatrier outre-Atlantique.
36 ans : c'est la moyenne d'âge des Français immatriculés à New York City. |
Colocation
Et, avant de partir, n'hésitez pas
à vous renseigner préalablement sur la ville de New York, sur l'ambiance qui y règne au
quotidien et dans le travail. Contrairement à Londres par exemple, qui est à peine à 3
heures de Paris en train, revenir sur le sol national en cas de coup de blues une fois les
valises posées dans Big Apple n'est pas facile (c'est 7 heures en avion, et coûteux :
entre 500 et 2 000 E le billet). En outre, le fossé qui sépare la France et New York en
termes de différence culturelle est beaucoup plus marqué qu'avec Londres, qui, malgré
des spécificités britanniques, reste une ville européenne. À New York, préparez-vous
à vivre ce que vous vivez en France en 10 fois plus rapide et 10 fois plus intense.
"Les 3 premiers mois sont épuisants, ne serait-ce qu'en raison de l'effort que
demande le maniement de la langue", confie Laurent Renaud, un Nantais de 30 ans
qui vient de rejoindre son frère, chef et propriétaire de Fleur de Sel, un petit
restaurant typiquement français situé sur la 20e, tout près de Union Square.
"Si j'avais un conseil à donner à ceux qui sont tentés par l'aventure
new-yorkaise, ce serait de partir en ayant un ami ou une personne de confiance déjà
installés. Sur place, un bon moyen pour rencontrer du monde : l'inscription à des cours
de langue ou encore la colocation", poursuit-il. Partager son appartement se
pratique fréquemment d'ailleurs entre jeunes professionnels de
l'hôtellerie-restauration. "Je suis arrivé à New York avec mon meilleur ami, et
on se partageait alors un 3 pièces pour 350 dollars par semaine. Aujourd'hui, je loue
seul un 2 pièces pour 1 500 dollars par mois dans Manhattan", témoigne quant à
lui David Malbequi, arrivé comme commis chez Daniel (Le restaurant 4 étoiles au New
York Times de Daniel Boulud), et aujourd'hui sous-chef chez BLT Steak, le steak house
de luxe qui monte. En raison des horaires décalés liés aux métiers de
l'hôtellerie-restauration, il est prudent de ne pas trop s'éloigner de son lieu de
travail même si taxi et métro s'emploient facilement assez tard. Les quartiers les plus
habités par les jeunes professionnels français travaillant au coeur de New York City :
le sud-est de Manhattan, le Queens, et Brooklyn
Brooklyn dont il semblerait qu'il
séduise de plus en plus de nouveaux restaurateurs
Avis aux candidats à l'aventure.
Tiphaine Beausseron envoyée spéciale à
New York zzz99
500 restaurants
d'une fourchette à 3 étoiles pour le Michelin New York City 2006
L'Hôtellerie Restauration : En tant qu'ancien directeur d'hôtel ayant
exercé un peu partout dans le monde (Tahiti, île Maurice, Afrique du Sud
),
qu'avez-vous envie de dire aux jeunes qui rêvent d'expatriation au début de leur
carrière ? Et que pensez-vous de New York comme terre
d'expatriation ? Vous vous apprêtez à sortir un guide Michelin New
York City. Pourquoi ? Quelle sera la sélection du Michelin New York City
2006 ? Y aura-t-il des nouveautés ? Avez-vous d'autres projets de développement à
l'international ? |
Yannis Stanisière,
31 ans, directeur du restaurant Alain Ducasse "À New York, la restauration c'est comme la mode"
"Le marché de la restauration
est énorme car les New-Yorkais aiment dîner dehors et sortent au restaurant en moyenne
3,5 fois par semaine. Parallèlement, la clientèle - beaucoup de personnalités
exigeantes du monde des affaires - est très difficile à fidéliser. À New York, la
restauration c'est comme la mode. On peut très facilement être placé sous les feux des
projecteurs, puis, dès le lendemain, retomber dans l'oubli", explique le
directeur du restaurant Alain Ducasse at The Essex House, installé à New York depuis
maintenant 5 ans. Ce jeune Français originaire de Sainte-Marie-aux-Mines (68) a fait ses
études à l'école hôtelière d'Illkirch. Il dirige aujourd'hui une équipe de 55
personnes brassant 25 nationalités différentes. Dès le début de sa carrière, il vise
les établissements haut de gamme en commençant comme commis de salle dans des 2 et 3
étoiles Michelin. Il tente aussi l'expatriation embarquée comme chef de rang sur
un bateau de croisière de la Royal Carribean Cruise Line. Puis il entre assistant maître
d'hôtel au Louix XV de Monaco. Il ne quittera pratiquement plus l'univers d'Alain
Ducasse, sauf pour un intermède de 10 mois lorsqu'il décide de partir travailler en
Californie comme maître d'hôtel à San Diego. |
Vincent Vienne, 32 ans, hotel
manager du Sofitel New York
Bertrand Chemel, 30 ans, chef de
cuisine au Café Boulud |
Obtention d'un visa
de travail Vous
n'obtiendrez un visa de travail qu'à partir de la France et à condition d'avoir trouvé
à New York un employeur qui vous sponsorise. Le schéma est le suivant : |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2947 Hebdo 20 octobre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE