du 27 octobre 2005 |
L'ÉVÉNEMENT |
LE RAS LE BOL DES PROFESSIONNELS DES CHR
TROISIÈME SEMAINE DE GRÈVE DES TRANSPORTS EN COMMUN
Marseille (13) La capitale régionale est malade de ses conflits sociaux. Après le blocage du port et le conflit de la SNCM, Marseille affronte sa 3e semaine de grève des transports en commun. Résultat : baisse des chiffres d'affaires, difficultés dans les approvisionnements et le transport des salariés, mauvaise image.
Une terrasse vide, des professionnels inquiets. La profession accuse déjà un sérieux manque à gagner. |
Les
professionnels de l'hôtellerie-restauration affichent leur ras le bol et font front
commun avec la CCIMP, Terre de Commerces et l'UPE 13. Ils réclament des transports de
substitution, une exonération de charges sociales pour la durée du conflit. Ils
pourraient porter plainte pour entrave à la liberté du travail. Marseille n'en finit pas
de surprendre. D'un côté, il y a la ville qui fait la fiesta dans un lieu improbable
sous l'autoroute du littoral et accueille le plus gros congrès national d'avocats jamais
réuni en France, 3 700 personnes qui, pendant 2 jours, ont rempli les hôtels de la
région. De l'autre, il y a Marseille qui s'enfonce dans un 3e conflit social
et une 3e semaine de grève du métro et des autobus. Le leitmotiv de la CGT
est identique, la lutte contre les privatisations. Les syndicats jugent inacceptable le
souhait de Jean-Claude Gaudin d'associer la RTM (Régie des transports marseillais) au
privé Connex dans la gestion du tramway. En attendant, Marseille est privée de
transports en commun urbain. Selon Thomas Chavane, président de Terre de Commerces (2 000
adhérents) : "La baisse des chiffres d'affaires atteindrait 350 000 E par
jour, soit environ 50 % de baisse dans l'hyper centre-ville et 10 % dans les quartiers
périphériques." Il faudra attendre l'issue du conflit pour avoir un chiffrage
précis. Chez les professionnels de la restauration et dans les cafés, la baisse des
chiffres d'affaires atteint tous les quartiers. "Près des lycées et collèges,
la petite restauration est touchée de plein fouet à cause de l'absentéisme des élèves",
explique-t-on à la cellule de crise mise en place à la CCIMP pour recevoir les appels
des entreprises et les aider à obtenir les reports de charges sociales et de TVA.
Situation difficile à l'Escale Borrely, dans les quartiers sud. Humberto Viera, directeur
de la restauration du Sport's Beach Café : "Nous accusons 30 à 35 % de baisse
parce que la clientèle qui se déplace en voiture pour venir déjeuner n'a plus envie
d'affronter les embouteillages terribles pour venir chez nous."
Pour La Réserve, le restaurant du Sofitel Palm Beach, Domenico Basciano annonce 30 % de
chute pour les mêmes raisons : "L'autre jour, nous avons eu 10 couverts à midi,
cela n'était jamais arrivé. Quant au soir, les clients qui ont galéré toute la
journée n'ont plus envie de quitter leur domicile." Seul coin de ciel bleu pour
le Sofitel : le congrès national des avocats lui a permis d'afficher complet "pendant
deux soirs, deux soirs seulement".
Guillaume Sourrieu, chef étoilé de L'épuisette, accuse une nette baisse de la fréquentation. |
Au Vallon des
Auffes, à quelques kilomètres du Vieux Port, Guillaume Sourrieu, chef étoilé de
L'Épuisette, accuse une nette baisse de la fréquentation. "Avec l'annulation des
escales de croisières, on avait déjà perdu des clients. Maintenant ils ne viennent plus
parce qu'ils ne peuvent plus circuler ou se garer. Encore une fois, on rigole de
Marseille. On s'était refait une
image, et tout est fusillé pour une poignée de gens qui nous prennent en otages. C'est
épuisant pour le personnel qui doit partir de chez lui 1 heure à 1 h 30 plus tôt pour
venir travailler. Comme le dit Guy Condroyer, mon chef pâtissier, cela aurait été plus
intelligent que les grévistes fassent fonctionner les transports et laissent voyager
gratuitement. Ils auraient eu tout le monde avec eux."
Non loin de lui, Michèle Visciano, propriétaire de
Chez Michel, autre étoilé Michelin
: "On accuse une petite baisse. Les clients qui venaient passer une journée à
Marseille et déjeuner chez nous ont reporté leur déplacement. Les plus touchés sont
nos salariés. Ils mettent un point d'honneur à être à l'heure. Quant à l'entreprise
de nettoyage, elle a renoncé à venir. Avec ma mère (Jeanne Visciano, le chef), nous
devons faire le ménage."
Laurent Caratu, restaurant Chez Toinou, annonce 25 % de baisse de son CA. | Paul Léaunard, La Côte de Boeuf : "Je n'ai jamais connu une telle situation même pendant l'épisode de la vache folle." |
Catastrophe
sur le Vieux Port
Près du Vieux Port, la situation
frise la catastrophe. Rue Sainte, chez La Table à Denise, Denise Benchimol annonce 20 %
de perte et un ticket moyen en baisse. "Nos clients du midi travaillent en
centre-ville. Pour gagner du temps et rentrer plus tôt chez eux le soir, ils sautent le
déjeuner. Je m'en sors encore parce que je n'ai qu'une salariée à qui je paie le taxi
chaque jour. Mais ceux qui ont une grosse structure ?" Chez Toinou, le plus gros
restaurant de la ville avec ses 60 salariés, Laurent Caratu annonce 25 % de baisse du CA
: "Octobre est le démarrage de la saison dans notre spécialité (100 %
écailler). J'ai renoncé à recruter 9 saisonniers." Il poursuit : "Le
plus grave, c'est la perte de confiance en Marseille. Restaurer la confiance coûte
beaucoup plus cher que faire de la publicité." Un sentiment partagé par Georges
Antoun, vice-président tourisme à la CCIMP et président du groupe hôtelier Erghot :
"La grève des transports est une catastrophe pour l'hotellerie-restauration et
surtout pour le personnel. J'ai dû mettre en place un service de taxis et beaucoup font
du covoiturage. Cela nous coûte de l'argent, mais le plus néfaste, c'est l'image que
cela donne de Marseille."
Le discours est identique à la Samaritaine, sur le
Vieux Port : 20 % de chute et une terrasse bloquée à chaque manifestation. À la Côte
de Boeuf, chez Paul Léaunard, la baisse est de 30 à 40 % le midi. "Je n'avais
jamais connu une telle situation, même pendant l'épisode de la vache folle. J'ai une
clientèle d'affaires en provenance de la Joliette (N.D.L.R. : 1,5 km de distance
environ). Ils avaient l'habitude de venir en voiture. Mais comme les parkings sont
pleins, ils renoncent."
Chez Lionel Lévy, chef étoilé de Une Table au Sud, "les fournisseurs ne veulent
plus livrer à cause des embouteillages. J'ai adapté ma carte aux produits qui sont à ma
portée. Je vais chercher moi-même mes poissons à la criée, mon fromage à Aix et mes
légumes près de Gordes. Quand on est en bout de chaîne, il faut se débrouiller. Et si
le personnel est en retard, je travaille un peu plus. Dans ce métier, il faut savoir
donner".
Lionel Lévy et son équipe : "Si le personnel est en retard, je travaille un peu plus. Dans ce métier, il faut savoir donner." |
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Front
commun contre la CGT
Très remonté, Christian Borelli,
patron des Allées sur la Canebière, membre de Terre de Commerces : "Cette grève
est un scandale. Elle tue le commerce. Je ne remets pas en cause le droit de grève. Je
réclame le droit au travail. Comment allons-nous payer nos charges sociales, nos
salariés quand nous accusons comme moi 30 % de baisse de CA ?"
Pour faire face à cette situation, la CCIMP a mis
en place un standard téléphonique : Urgence entreprise*. La FIH 13 fait partie du
collectif mis en place avec l'UPE 13
(Union pour les entreprises) et Terre de Commerces. Lundi 17 octobre, une page entière du
quotidien local expliquait : "Commerçants, la grève RTM (Régie des transports
marseillais) nous tue. Sauvons notre chiffre d'affaires. Préservons nos emplois et nos
salariés. Tous ensemble, exigeons un service minimum à la RTM. La liberté des uns de
faire grève s'arrête où la liberté de travailler des autres commence." Le
mécontentement des entreprises s'affiche aussi sur la façade de l'UPE 13. Le collectif
demande aussi un étalement, voire une exonération de charges sociales pour la durée du
conflit. Il pourrait porter plainte contre la CGT pour entrave à la liberté du travail.
Dominique Vlasto, présidente de l'office de tourisme, adjointe au tourisme, constate :
"Cette grève est triste parce que des gens qui ont du travail empêchent les
autres de venir travailler. Il s'agit en fait d'un test politique. Pendant les vacances,
c'est un manque à gagner pour les professionnels du tourisme et tous les commerçants."
Pierre Alfonsi, président de la FIH 13, demande une
exonération de toutes les charges et va plus loin : "On en a ras le bol. Cela
fait des semaines que cela dure. Je demande une exonération de charges sociales
patronales et salariales pour la durée du conflit puisque le gouvernement ne fait pas
respecter le droit de travailler. Pourquoi n'aurions-nous pas le droit d'être
dédommagés ? "
Dominique Fonsèque-Nathan zzz74v
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* Tél. : 04 88 10 44 99
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L'Hôtellerie Restauration n° 2948 Hebdo 27 octobre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE