du 15 décembre 2005 |
LA PAGE DU CHEF |
UN CAS D'ÉCOLE FONDÉ SUR LA QUALITÉ DU PRODUIT ET DU SERVICE
COMMENT LÉON DE BRUXELLES A REDRESSÉ LA BARRE
En 2001, Léon de Bruxelles fait face à de lourdes difficultés et se retrouve dans l'incapacité de satisfaire ses clients : produits aléatoires, service inégal qui génèrent un bouche à oreille négatif. Comment l'enseigne s'est-elle relevée d'une telle spirale qui plonge l'entreprise progressivement vers une issue inéluctable ?
Par Michel Kosossey
Dès son arrivée en mars 2002, Michel Morin, président du directoire de Léon de Bruxelles, a mis le cap de l'entreprise sur la qualité du produit et du service. Les résultats sont spectaculaires. |
Dans
le métier, rares étaient ceux qui pensaient que Léon de Bruxelles était en mesure de
surmonter ses difficultés. Pourtant, 3 ans et demi après ce qui aurait pu être un
sinistre majeur, Léon de Bruxelles fait partie des entreprises les plus rentables du
secteur de la restauration. Comment est-ce possible ? Certes, les compétences de manager
de Michel Morin, président du directoire, ont été déterminantes, mais le chantier de
la qualité, seul susceptible de redonner confiance à la clientèle, est une raison
majeure du sauvetage de l'entreprise.
Quelles ont donc été, concrètement, les mesures
qui ont permis de bâtir cette stratégie : tout faire pour avoir des clients heureux ?
Priorité
à la qualité
Après les années de crise et de
redressement, l'année 2005 sera marquée d'une pierre blanche : l'ouverture d'un nouveau
restaurant Léon de Bruxelles en périphérie de Lille. Le signal est fort pour
l'enseigne. Lorsque Michel Morin arrive aux manettes de l'entreprise en mars 2002, il
était urgent de prendre des mesures rapidement perceptibles. Avec les mêmes équipes au
siège et dans les restaurants - peu de directeurs ont quitté l'entreprise - auxquelles
il fallait rapidement redonner confiance, le chantier de la qualité a été jugé comme
prioritaire. Cette priorité donnée à la qualité s'est exercée vers 2 pôles : celui
des produits et celui du service. Puisque 80 % des clients commandent des moules chez
Léon de Bruxelles, ce produit naturel et diététique doit être irréprochable, et Léon
de Bruxelles de devenir un réflexe quand on souhaite manger des moules.
L'amour
codifié de la moule
En amont, il faut savoir que la
moule est, en France et chez nos voisins, un produit très contrôlé grâce, en
particulier, à l'Ifremer et ses équivalents européens. Pour offrir les meilleures
moules, Léon de Bruxelles sélectionne tout au long de l'année les moules les plus
matures dans les meilleures zones de production. Sur un total annuel de 2 000 tonnes de
moules achetées : 1 000 tonnes proviennent de Hollande ; 600 tonnes viennent du bassin
méditerranéen (Italie, Grèce en particulier) ; 100 tonnes de France (moules de bouchot)
; et 300 tonnes de diverses provenances (Irlande notamment).
Le travail de fond engagé sur le produit a
mobilisé beaucoup d'énergie, mais les résultats sont probants, et un accident sur les
moules paraît quasi-impossible tant la démarche est exhaustive et met en jeu toute la
filière d'approvisionnement, de transport, de stockage et de service. Dans un domaine
aussi sensible, les bonnes intentions ne sont pas suffisantes. Tout est traduit par des
écrits, des contrôles à tous les stades, et une traçabilité du naissin au festin.
Agir
sur ce que le client voit et mange
Quelle que soit la maîtrise du
produit en amont, le client est sensible à plusieurs éléments : la taille des moules,
la présence de sable et d'autres corps étrangers, et les qualités organoleptiques. Tout
cela est renforcé par la confiance que les clients attribuent à l'enseigne, affirmée
par l'affichage, et plus généralement la communication sur le produit et le discours
tenu par l'ensemble des équipes.
Alors que l'essentiel des plaintes des clients
portait sur ces différents thèmes avant 2002, les courriers et courriels d'aujourd'hui
portent rarement sur ces sujets. Sur ces éléments perceptibles par les clients, on a
institutionnalisé des tests de dégustation dans l'entreprise.
Au siège, près du bureau du patron, on peut voir une belle cloche en bronze. Elle
sonne tous les matins vers 10 h 30. Tous les collaborateurs - Michel Morin en tête - sont invités à déguster des
moules cuites au naturel et prélevées sur les différents lots servis le jour même dans
les restaurants.
Dans les restaurants, chaque jour, sur chaque
provenance, un test est effectué : combien de moules au kilo, quel pourcentage de chair
par rapport au poids total (presque toujours supérieur à 30 %), y a-t-il des moules
mortes ? Si oui, à plus de 2 moules au kilo, le lot est tout simplement écarté ! Tous
ces éléments sont consignés journellement par écrit, vérifiés et archivés.
La
filière moules
Le travail de fond a été effectué
avec les producteurs en relation avec les fournisseurs (dont le portefeuille a été
rationalisé). Pays par pays, zone de production par zone de production, des cahiers des
charges ont été établis (lire quelques extraits de ces cahiers des charges ci-dessous).
Dans cette élaboration, l'aide d'Eurofins s'est révélée précieuse.
Aujourd'hui, Léon de Bruxelles va encore plus loin dans la démarche. C'est ainsi que la filière
complète sera garantie par une certification Iso 9000 sur 3 restaurants-test à Paris et
sa région. Si au siège une personne est chargée d'aider chacun dans cette démarche,
Michel Morin refuse de lui donner le titre de responsable qualité car il estime que
chaque personne dans l'entreprise en est responsable. À cette véritable philosophie,
l'entreprise a ajouté un travail en profondeur auprès de la clientèle. Ces actions
poursuivent 2 objectifs :
Démontrer que Léon de Bruxelles
sert les meilleures moules du marché de la restauration dans des conditions optimales
de sécurité ;
Et renforcer l'image du produit en utilisant les supports de communication
à l'intérieur du restaurant - type sets de table, distribution de cartes postales de
recettes, etc. -, une pédagogie ludique et surtout le renouvellement fréquent de
recettes comme les Moules à la Plancha.
Moules de Méditerranée - Zone(s) d'élevage 2 : Mer Adriatique - Italie
|
Zone(s) d'élevage 4 : Océan atlantique - Galice - Espagne
|
Les
12 incontournables
L'autre grand chantier a été celui
de la qualité de service. Vraie tarte à la crème de la profession, la qualité de
service regroupe une foule de détails liés à l'intégralité du parcours du client.
Elle touche aussi bien aux détails physiques de la prestation qu'aux comportements de
l'ensemble du personnel. Le plus difficile dans cet ensemble est d'être concret et
d'obtenir des résultats mesurables. La démarche a été élaborée dès les mois d'été
de 2002 et le chantier déjà largement engagé sera inlassablement poursuivi. La
première étape de la démarche a consisté à dégager un véritable mode d'emploi de la
satisfaction du client. Les bases en ont été élaborées avec des directeurs de
restaurant, des adjoints, guidés par un conseil extérieur. L'aboutissement de cette
démarche a été la création des 12 incontournables du service, véritable culture
pouvant être appliquée à tous les restaurants tant en centre-ville qu'en périphérie,
à Paris qu'en province.
Ces 12
Incontournables commencent par les 12 premières lettres de l'alphabet
- Abords
- Bienvenue
- Confortable
- Désir
- Enfants
- Faim et soif
- Garçons et filles
- Horaire
- Irréprochable
- Je résous les problèmes
- Cabinet
- L'addition et l'au revoir
Les 12
incontournables 1. Abords Les abords sont propres et accueillants. |
Chacun de ces 12 Incontournables a été mis en musique progressivement par les directeurs avec à l'appui une vidéo par Incontournables destinée à ouvrir les débats avec les équipes pour élaborer concrètement un plan d'action restaurant par restaurant. Des supports légers et opérationnels ont appuyé la pédagogie de l'opération. Ils ont été systématiquement mis en oeuvre par les directeurs de restaurant. Après discussion avec les équipes, des solutions sont retenues pour progresser Incontournable par Incontournable. Les plans d'action sont transmis et mis en forme au siège, qui intervient en support des actions. Les Incontournables sont affichés dans les coulisses du restaurant aux yeux de tous. Le plan d'action est documenté, actualisé et sert de fil conducteur à la progression de la mise en place des 12 Incontournables de la qualité dans l'entreprise.
Qualité
conçue, qualité perçue
Des visites mystères sont
réalisées mensuellement (plus si nécessaire). La grille qui sert à ces visites évolue
en permanence et intègre une lecture Incontournable par Incontournable. Les responsables
de l'entreprise utilisent le cabinet qui réalise ces visites comme un véritable outil de
management. Une première en France : chaque restaurant Léon de Bruxelles affichera le
baromètre mensuel de la mesure de ses engagements, établi suite aux visites de clients
mystères.
Pour transformer ces Incontournables en véritable
culture, un vaste programme de formation a été lancé au sein de l'École Léon. Autre
originalité : il est destiné à la totalité du personnel - salle et cuisine - et pas
uniquement à l'encadrement.
L'effet conjugué de la formation et de l'amélioration des conditions de travail se
mesure à l'aune de la baisse du turnover passé de 130 % en 2002 à 30 % à fin septembre
2005 (soit une durée moyenne de plus
de 3 ans par salarié). Une réflexion approfondie suivie de décisions a également été
réalisée sur les temps de travail, les salaires et l'intégration des nouveaux
salariés.
Chez Léon de Bruxelles, on ne parle pas seulement
de RBE (résultat brut d'exploitation) mais aussi de RBQ (résultat brut de qualité).
Bien entendu, les primes de tous sont liées aux résultats du RBQ.
Michel Morin sait que rien n'est définitivement acquis et que les efforts ne peuvent
être relâchés. Les Incontournables ne sont pas un gadget ou une opération
coup-de-poing, mais l'illustration d'une politique qui se développe par petites touches,
par l'exemplarité et dans la durée. Les résultats économiques et financiers de
l'entreprise, l'afflux de demandes d'emploi, l'intérêt que suscite Léon de Bruxelles
dans la profession méritent de comprendre comment de tels résultats sont à la portée
de tous. La méthode est claire mais sa mise en oeuvre nécessite un chef d'orchestre, une
partition et une volonté de tous les instants. zzz22v
La carte de Léon de Bruxelles a changé de visuel. Le produit apparaît dans sa dimension de produit naturel et diététique. Cette image, confirmée par la vraie cocotte fumante, contribue à installer la confiance dans l'esprit du client. C'est résolument le positionnement qualitatif souhaité par l'entreprise. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2955 Hebdo 15 décembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE