du 6 janvier 2005 |
HORIZONS LOINTAINS |
PHILIPPE BORDE, 'RESTAURANT MANAGER' AU NORMANDIE
"JE REPRÉSENTE LA CUISINE ET LE SERVICE FRANÇAIS EN THAÏLANDE"
Après l'école hôtelière à Biarritz et 2 ans au Ritz de Paris, l'appel de l'étranger a conduit Philippe Borde hors de nos frontières, mais toujours en maison étoilée. D'abord 2 ans au Hilton de Bruxelles (La Maison du Boeuf, 2 étoiles Michelin), puis 6 ans à Londres, chez Nico Ladenis (3 étoiles Michelin) et chez La Tante Claire (3 étoiles Michelin) où il a gravi les échelons, du poste de chef de rang à celui de maître d'hôtel. Puis il s'est vu offrir le poste de restaurant manager au Normandie à l'hôtel Oriental de Bangkok (groupe des hôtels Mandarin Oriental), ce qui "ne se refuse pas". Il dirige donc le restaurant le plus réputé d'Asie du Sud-Est depuis 2 ans.
La salle principale du Normandie, situé au dernier étage de l'Oriental Hotel, offre une double vue sur Bangkok, côté rivière et côté ville. |
L'Hôtellerie Restauration : Comment
avez-vous été recruté ?
Philippe Borde : Une société de
recrutement allemande, spécialisée dans l'hôtellerie, cherchait un Français
célibataire, ayant travaillé en étoilés Michelin et parlant couramment anglais. On m'a
contacté alors que j'étais encore à Londres. Après 6 entretiens d'embauche, dont un de
3 h 30 avec le résident manager (n° 2 de l'Oriental de Bangkok), j'ai eu le poste.
Devant une telle proposition, on ne réfléchit pas deux fois ! L'hôtel a une réputation
qui n'est plus à faire : je n'ai pas hésité une seule seconde.
Est-il
difficile de s'adapter aux styles de vie et de travail asiatiques ?
Il faut 6 mois pour se faire au climat et à la circulation. En ce qui concerne le
travail, c'est encore autre chose. En Europe, la restauration, c'est l'armée : rigueur et
discipline quasi militaire sont de mise. Ici, il faut d'abord se faire accepter et savoir
travailler en souplesse. Surtout, ne pas arriver en conquistador. Les autres employés
expatriés de l'hôtel m'ont expliqué l'importance de s'adapter au mode de fonctionnement
thaï. Par exemple, il faut éviter de faire des reproches à un employé devant ses
collègues, sinon, il perd la face - la pire chose qui puisse arriver à un Thaïlandais.
Aussi, quand je reprends un de mes gars, je le fais en aparté, seul à seul, en lui
expliquant quelle erreur il a commis et en lui montrant comment la réparer.
C'est aussi essentiel de se laisser tester par un personnel qui est en poste parfois
depuis bien plus longtemps que soi : parmi les anciens, certains ont plus de 30 ans de
maison. Mais j'ai réussi à m'intégrer en gagnant leur respect, ce qui a été ma
première priorité. Car, contrairement à l'Europe, ils sont très respectueux de la
hiérarchie.
Le travail est donc très agréable : les Thaïlandais sont très travailleurs, ne se
plaignent jamais, ne sont jamais malades et veulent tout apprendre. C'est donc facile de
transmettre le savoir-faire français, qu'ils sont très fiers d'appliquer car l'Hexagone
représente pour eux toujours luxe et élégance.
Du coup, je fais vraiment mon travail : m'occuper des clients, qui préfèrent
généralement voir un maître d'hôtel français aux commandes d'un grand restaurant.
C'est d'ailleurs primordial pour la direction de l'Oriental qui y voit aussi son intérêt
: un label de qualité, en quelque sorte.
Quel rôle
avez-vous auprès de votre personnel ?
Je les forme, tous les jours, avant et pendant le service. Notamment sur la prononciation
du nom des vins et les détails du service comme la gestion d'une plainte. Bref, tous les
petits plus qui rendent le service digne de ce nom. D'ailleurs, tout le monde convoite mon
équipe ! Sur Bangkok, beaucoup aimeraient avoir mes gars qui deviennent parfois
restaurant manager ailleurs.
Quels sont
les avantages et inconvénients de l'expatriation ?
Il règne ici une qualité de vie que l'on ne trouve pas ailleurs. Pour ma part, si mon
salaire est plus bas qu'en France, les avantages financiers dont je bénéficie compensent
largement cette différence : je ne paie pas d'impôts, et le logement, les billets
d'avion et la couverture médicale sont à la charge de mon employeur. De plus, je prends
mes repas tous les jours à l'hôtel.
L'inconvénient est l'importante charge de travail : un seul jour off par semaine et de
longues journées, de 10 heures du matin à la fermeture, vers minuit.
Quel type de
clientèle recevez-vous au Normandie ?
Tout le gratin de Bangkok ! Pour le n° 1 de l'hôtel, Kurt Wachtveitl, Le Normandie,
c'est son bébé, le lieu de rencontre du beau monde. 70 % de notre clientèle se compose
de Thaïlandais aisés, dont les principaux membres de la famille royale, et tous les
hommes politiques ou d'affaires connus. Ils viennent y chercher le luxe et la finesse de
la gastronomie française. D'ailleurs, la famille royale fait régulièrement appel à
l'équipe du Normandie pour organiser certaines de ses réceptions.
Parmi nos clients occidentaux, des stars, des expatriés de tous horizons et beaucoup de
clients réguliers. C'est d'ailleurs pourquoi il y a très peu d'influence thaïe dans la
carte : ce n'est pas ce que cherchent les clients qui veulent manger typiquement
français.
Quels
conseils donneriez-vous à un jeune maître d'hôtel cherchant à s'expatrier ?
La règle d'or est de maîtriser l'anglais ! D'où la nécessité de partir travailler en
pays anglophone pour apprendre et pratiquer la langue. Être flexible, ne pas avoir peur
de perdre quelque chose en quittant la France ni de craindre le défi professionnel. En
arrivant au Normandie en tant que restaurant manager, j'ai assumé un poste que je n'avais
jamais occupé auparavant. Je suis parti, j'ai foncé, j'ai réussi
Il ne faut
surtout pas avoir peur de l'inconnu. Travailler au Normandie est une chance énorme qui
m'ouvrirait des portes si j'envisageais de partir
Mais je n'en ai aucune envie pour
l'instant !
La nouvelle formule du
Normandie Midi Carte : 3 000 baths (environ 60 E) sans les vins |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2906 Magazine 6 janvier 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE